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— Il ne parle pas comme un indigène. Où se trouve la Terre, Rik ?

— Je… – Rik passa une main tremblante sur son front. – Dans le secteur de Sirius.

— Il existe bien un secteur de Sirius, n’est-ce pas, capitaine ?

— En effet. C’est étonnant mais il ne s’est pas trompé. Cela ne rend cependant pas la Terre plus réelle pour autant.

— Si, elle est réelle ! s’écria Rik avec force. Je vous dis que je m’en souviens. Il y a si longtemps que j’avais oublié… Je ne peux pas faire d’erreur, à présent. Je ne peux pas !

Il agrippa Valona par le coude.

— Lona, dis-leur que je viens de la Terre. De la Terre. De la Terre…

L’inquiétude élargissait les yeux de Valona.

— Nous l’avons trouvé un jour, Votre Seigneurie. Il n’avait plus d’intelligence. Il ne savait pas s’habiller seul. Ni parler. Ni marcher. Il n’était plus rien. Depuis, la mémoire lui revient petit à petit. Jusqu’à présent, tout ce qu’il s’est remémoré a été vrai. – Elle jeta un coup d’œil apeuré au capitaine qui affichait une mine sévère. – C’est peut-être la vérité quand il dit qu’il vient de la Terre, messire. Sans vouloir vous contredire.

Le « sans vouloir vous contredire » était une vieille formule conventionnelle qui accompagnait toute déclaration démentant apparemment l’affirmation d’un supérieur.

— Il pourrait aussi bien venir du centre de Sark, Votre Seigneurie, maugréa Racety. Toutes ces histoires ne prouvent rien.

— Peut-être, mais il n’empêche qu’il y a quelque chose de curieux là-dedans, répliqua Samia qui, de façon bien féminine se laissait captiver Par tout ce qui était romanesque. J’en suis certaine. Pourquoi était-il dans cet état d’impuissance quand vous l’avez découvert, ma fille ? Avait-il été maltraité ?

Valona resta silencieuse. Son regard angoissé se posa tour à tour sur Rik qui lui étreignait le bras, sur le capitaine qi souriait d’un sourire dépourvu de gaieté, sur Samia, enfin, qi attendait.

— Répondez-moi, ma fille.

Valona se décida.

— Un docteur l’a examiné. Il a dit que mon Rik avait subit un sondage psychique.

— Un lavage de cerveau ! – Samia éprouva un léger sentiment de dégoût et recula son fauteuil qui grinça en glissant sur le sol métallique. – Voulez-vous dire que c’était un névrosé ?

— Je ne sais pas ce que signifie ce mot, murmura humblement la Florinienne.

— Pas dans le sens que vous croyez, Votre Seigneurie, dit le capitaine presque en même temps. Les indigènes n’ont pas de névroses. Leurs besoins et leurs désirs sont trop simplistes. Je n’ai jamais entendu parler d’un indigène névrosé.

— Mais dans ce cas…

— C’est facile à comprendre, Votre Seigneurie. Si nous acceptons le récit fantastique de cette fille, il n’y a qu’une conclusion possible : le garçon était un criminel, ce qui est, j’imagine, une façon d’être névrosé. Il aura alors été traité par un de ces charlatans qui soignent les indigènes. Le médicastre l’aura presque tué et abandonné dans un coin désert pour échapper aux poursuites légales.

Samia protesta :

— Mais il aurait fallu qu’il disposât du matériel de sondage. Je suppose que vous n’allez pas prétendre que les indigènes sont capables d’utiliser une psychosonde ?

— Peut-être pas. Mais je vois mal un médecin habilité s’en servir aussi maladroitement. Le fait que nous nous heurtions à une contradiction démontre que cette histoire n’est qu’un tissu de mensonges. Si vous voulez m’en croire, Votre Seigneurie, vous nous laisserez nous occuper de ces créatures. Il est vain d’espérer quelque chose d’elles.

Samia hésita.

— Peut-être avez-vous raison.

Elle se leva et examina Rik d’un air indécis. Le capitaine s’avança, souleva le fauteuil et le replia avec un déclic.

Rik sauta sur ses pieds.

— Attendez !

Le capitaine ouvrit la porte et s’effaça pour laisser le passage à Samia.

— Mes hommes vont le calmer, Votre Seigneurie.

Samia s’arrêta au moment de franchir le seuil.

— Ils ne lui feront pas de mal ?

— Je doute que nous soyons obligé d’employer les moyens extrêmes. Il se laissera manier sans difficulté.

— Madame ! appela Rik. Madame ! Je peux prouver que je viens de la Terre.

Samia balançait, irrésolue.

— Écoutons ce qu’il a à dire, fit-elle enfin.

— Comme il plaira à Votre Seigneurie, murmura Racety d’un ton pincé.

La jeune fille se retourna mais sans s’éloigner de la porte.

Rik était écarlate. Une parodie de sourire étirait ses lèvres dans l’effort qu’il faisait pour se souvenir.

— Je me souviens de la Terre, commença-t-il. Elle était radioactive. Je me souviens des régions interdites. La nuit l’horizon était bleu. Le sol était lumineux et rien n’y poussait. Il y avait seulement quelques zones où les hommes pouvaient vivre. C’était pour cela que j’étais spatio-analyste. C’était pour cela qu’il m’était égal d’être dans l’espace. Ma planète était un monde mort.

Samia haussa les épaules.

— Venez, capitaine. Il divague !

Mais cette fois, c’était le capitaine qui paraissait médusé.

— Un monde radio-actif… dit-il à voix basse.

— Voulez-vous dire que cela existe vraiment ?

— Oui. – Racety posa sur Samia un regard étonné. – Mais où a-t-il bien pu dénicher ce renseignement ?

— Comment une planète pourrait-elle être à la fois radioactive et habitée ?

— En tout cas, il y en a une qui répond à cette définition. Et elle se trouve dans le secteur de Sinus. Je ne me rappelle plus son nom. Il se peut même que ce soit la Terre.

— C’est la Terre, déclara Rik avec fierté et assurance. La plus ancienne planète de la galaxie. Le berceau de la race humaine.

— C’est vrai ! souffla le capitaine.

— La race humaine est donc née sur cette planète ? demanda Samia.

Les pensées tourbillonnaient dans sa tête.

— Non, répondit distraitement le capitaine. Non, il s’agit d’une superstition. C’est simplement parce que c’est en ces termes que j’ai entendu parler d’une planète radioactive. On prétend que c’est la planète natale de l’Homme.

— Je ne savais pas que nous étions censés avoir une planète natale.

— Je suppose que l’espèce humaine a dû prendre naissance quelque part, Votre Seigneurie, mais je doute fort que quiconque puisse identifier la planète en question.

Racety prit soudain une décision et s’avança vers Rik.

— Que vous rappelez-vous d’autre ?

Il retint juste à temps le « mon garçon » qui lui venait aux lèvres.

— Principalement le navire et l’analyse spatiale.

Samia rejoignit le capitaine. Tous deux faisaient face à Rik, et la fille du Grand Écuyer de Fife était reprise par l’excitation qui s’était emparée d’elle un peu plus tôt.

— C’est donc vrai ? s’exclama-t-elle. Mais alors, comment se fait-il qu’on lui ait fait subir un psychosondage ?

— On peut le lui demander, fit le capitaine, songeur. Eh vous… l’indigène, l’étranger ou je ne sais quoi… Comment se fait-il que l’on vous ait psychosondé ?

Rik le dévisagea d’un air incertain.

— Vous dites tous la même chose. Même Lona. Mais je ne sais même pas ce que veut dire ce mot.

— Eh bien, quand avez-vous perdu la mémoire, si vous préférez ?

— Je ne le sais pas au juste.  – Et Rik répéta avec désespoir. – J’étais sur un navire.