Выбрать главу

— Bien entendu ! Allez…

Le membre du comité sourit à Genro, agita la main et s’éloigna d’un pas vif.

Sa cigarette à moitié consumée pendant au coin de la bouche, Genro déambula autour des hangars, examinant les yachts d’un air entendu. Celui qui occupait le hangar 26 parut l’intéresser tout particulièrement.

— Messire ! appela-t-il, penché au-dessus de la barrière basse.

Il attendit quelques instants et appela à nouveau sur un ton un petit peu moins poli et un petit peu plus péremptoire.

L’Écuyer qui parut à sa vue ne payait pas de mine. D’abord, il n’était pas en tenue de yachtman. De plus, il avait besoin de se raser et l’atroce calotte qu’il portait était enfoncée sur son crâne de la façon la plus inélégante qui fût. Enfin, son attitude était empreinte de méfiance et de suspicion.

— Je m’appelle Markis Genro. Ce bâtiment est à vous ?

— Oui, répondit l’Écuyer d’une voix basse et tendue.

Genro n’en tint pas compte. Levant la tête, il étudia attentivement la carène. D’une chiquenaude, il se débarrassa de ce qui restait de sa cigarette. Avant d’avoir atteint le sommet de sa parabole, celle-ci s’évanouit en jetant un pâle éclair.

— M’autorisez-vous à entrer ?

L’autre hésita, puis s’effaça et Genro pénétra à l’intérieur du hangar.

— Qu’est-ce que vous avez comme moteurs ? s’enquit-il.

— Pourquoi cette question ?

Genro était grand. Son épiderme était foncé et ses yeux noirs. Ses cheveux étaient coupés court. il dominait son interlocuteur d’une demi-tête et son sourire découvrait des dents blanches et régulières.

— Pour être franc, je songe à acquérir un nouveau yacht.

— Le mien vous intéresse ?

— Je ne sais pas. Je me laisserais peut-être tenter par un modèle de ce genre si le prix n’était pas trop élevé. Mais, n’importe comment, j’aimerais regarder les contrôles et les moteurs.

L’Écuyer garda le silence.

— Comme il vous plaira, ajouta Genro avec un rien de froideur.

Et il fît demi-tour.

— Je peux envisager de le vendre, dit alors l’Écuyer. – Il se fouilla. – Tenez… voici ma licence.

Genro y jeta un rapide coup d’œil, un coup d’œil d’habitué, et la lui rendit.

— Vous êtes Deamone ?

L’Écuyer fit un signe d’assentiment.

— Donnez-vous la peine d’entrer.

Genro consulta la grosse horloge chronométrique du port, ses aiguilles luminescentes qui brillaient même en plein jour indiquaient que le soleil s’était couché depuis plus d’une heure.

— Je vous remercie. Vous me montrez le chemin ?

L’Écuyer fouilla à nouveau ses poches pour en extraire un trousseau de clés d’argent.

— Après vous, messire.

Genro saisit le trousseau en forme de dépliant et se mit à la recherche de l’étui frappé du petit signe symbolique. L’autre ne faisait pas mine de l’aider.

— Je suppose que c’est cette clé ? fit-il enfin.

Il gravit la rampe inclinée conduisant au sas et étudia avec soin la mince rainure qui se trouvait à droite du tambour.

— Je ne vois pas !… Ah ! voilà !

Il fit un pas de côté et passa à gauche.

Le sas s’ouvrit lentement et sans bruit. Genro entra. Il faisait noir dans le caisson. Le voyant rouge s’alluma automatiquement quand la porte se referma derrière les deux hommes tandis que le tambour intérieur s’ouvrait à son tour. Ils le franchirent et un flot de lumière blanche baigna le navire.

Myrlyn Terens n’avait pas le choix. Il ne se rappelait plus l’époque lointaine où ce qui s’appelait « un choix » existait.

Pendant trois longues et terribles heures, il était resté à côté du yacht de Deamone à attendre sans rien pouvoir faire, persuadé qu’il n’y aurait d’autre dénouement à l’aventure que sa capture.

Et puis cet individu avait fait son apparition : l’acheteur éventuel. C’était de la folie que de lier conversation avec lui.

Terens ne pouvait pas soutenir son imposture sur un terrain aussi brûlant. Mais il ne pouvait davantage demeurer là où il était.

Peut-être, au moins, y aurait-il des vivres à bord. C’était bizarre mais cette idée ne lui était pas encore venue.

Il y en avait.

— C’est bientôt l’heure de dîner, fit-il. Voulez-vous prendre quelque chose ?

Ce fut à peine si l’autre se retourna.

— Un peu plus tard, peut-être, je vous remercie.

Terens n’insista pas. Il le laissa aller et venir à sa guise et attaqua une terrine de viande et des fruits sous emballage de cellulose. Il but avec avidité. Il y avait une douche en face de la cuisine. Il s’y enferma et se baigna. Quel plaisir d’enlever cette calotte, même momentanément ! Terens découvrit même un placard contenant tout un choix de vêtements.

Il avait recouvré en partie sa maîtrise de soi quand Genro le rejoignit.

— Dites-moi, fit ce dernier, cela ne vous ennuierait pas que je fasse un petit essai ?

— Je n’y vois aucun inconvénient, répondit le Prud’homme avec une indifférence bien imitée. Savez-vous piloter ce modèle ?

— Je crois, dit Genro avec un léger sourire. Je me flatte de pouvoir piloter n’importe quel type de navire de série. Je vous avouerai que j’ai pris la liberté d’appeler la tour de contrôle. Il y a un silo de décollage disponible. Voici ma licence, si vous voulez la voir avant que je prenne le départ.

Terens jeta un coup d’œil superficiel au document.

— Installez-vous aux commandes, dit-il.

Le yacht émergea lentement du hangar, flottant à quelques centimètres au-dessus du sol grâce à sa coque diamagnétisée, massif comme une baleine.

Terens observait Genro qui effleurait à peine les instruments de commande du bout des doigts. Ses gestes étaient précis et, sous ses mains, le navire devenait un être vivant. Le yacht réagissait à la moindre sollicitation ; l’image du terrain en réduction se déplaçait sur l’écran panoramique.

L’engin s’immobilisa exactement au bord d’un silo de décollage. Le champ diamagnétique s’intensifia progressivement au niveau de la proue qui commença de se redresser. Par bonheur. comme la cabine de pilotage, montée sur cardans universels, pivotait sur elle-même pour compenser la modification de gravité, Terens ne s’en rendait pas compte. Les ailerons de poupe s’encastrèrent dans les sillons de la fosse prévus à cet effet et le yacht pointa son nez majestueusement vers le ciel.

La chemise de duralite protégeant l’âme du silo glissa dans son logement, découvrant le revêtement neutralisé, de cent mètres d’épaisseur qui épongerait les torrents d’énergie jaillissant des moteurs hyperatomiques.

Après un dialogue mystérieux avec la tour de contrôle, Genro annonça :

— Décollage dans dix secondes.

A l’intérieur d’un tube de quartz, une plage rouge se déploya, marquant l’égrenage des secondes. Quand elle atteignit le haut du tube, le circuit se ferma et la puissance des générateurs se déchaîna.

Terens se sentit écrasé sur son siège. Un sentiment de panique l’envahit.

— Comment se comporte l’appareil ? demanda-t-il d’une voix rauque.

Genro était apparemment insensible aux effets de l’accélération. Son timbre était presque normal quand il répondit :

— A peu près correctement.

Terens s’affaissa contre le dossier, s’efforçant de résister à la pression. Sur l’écran, les étoiles brillaient d’un éclat plus dur à mesure que l’atmosphère devenait plus ténue. Sa chemise de kyrt était froide et humide sur la peau de Terens.

Ils étaient maintenant dans l’espace. Genro adopta une vitesse de croisière. Terens n’avait aucun moyen immédiat de le savoir mais il voyait les astres se déplacer d’un mouvement régulier sur l’écran tandis que les doigts minces et effilés du pilote caressaient les commandes comme si elles étaient les touches d’un instrument de musique. Finalement, un segment de sphère orangé occupa toute la surface de l’écran.