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— Un indigène ? répéta Samia sur un timbre anormalement aigu.

Le Sarkite se pencha en avant et arracha la calotte de Terens. Le Prud’homme pâlit mais il ne fit pas un mouvement. Son regard demeura braqué sur la fille tandis que la brise agitait ses cheveux roux.

Samia, désemparée, se rencogna dans l’angle de la banquette et se cacha le visage dans les mains. Sous la pression de ses doigts, sa peau devint blanche.

— Que va-t-on faire d’elle ? s’enquit le Sarkite.

— Rien.

— Mais elle nous a vus. Nous aurons toute la planète à nos trousses avant d’avoir fait un mille.

L’Arcturien lui décocha un regard goguenard.

— Tu veux tuer la fille de l’Écuyer de Fife ?

— Non… Mais nous pouvons saboter sa voiture. Lorsqu’elle aura trouvé un radiotéléphone, nous serons loin.

— Ce ne sera pas nécessaire. – L’Arcturien se pencha à la portière. – Je n’en aurai que pour un instant, Votre Seigneurie. Est-ce que vous m’entendez ?

Samia resta muette.

— Il serait préférable pour vous que vous m’écoutiez. Je suis navré d’avoir troublé ce tendre entretien mais j’ai mis à profit ces brèves secondes. J’ai agi rapidement et j’ai pu fixer la scène avec un appareil photo tridimensionnel. Je ne bluffe pas. Quelques minutes après que j’aurai pris congé de vous, le négatif sera placé en lieu sûr et toute initiative de votre part m’obligerait à vous causer quelque désagrément. Je suis sûr que vous me comprenez.

Il fît demi-tour.

— Elle ne dira rien. Pas un mot. Suivez-moi, Prud’homme.

Terens obéit. Il ne se retourna pas – il en était incapable pour voir le visage blême et hagard de la fille assise dans la voiture.

Quoi qu’il puisse désormais arriver, le miracle avait eu lieu.

L’espace d’un instant, il avait embrassé la plus hautaine des Ecuyères de Sark. Ses lèvres s’étaient brièvement posées sur la bouche douce et parfumée de Samia de Fife.

CHAPITRE XVI

L’ACCUSÉ

Les diplomates ont un langage à eux, des attitudes qui leur sont propres. Les rapports entre représentants d’États souverains strictement respectueux du formalisme protocolaire sont stylisés et euphémiques. L’expression « conséquences déplaisantes » est synonyme de guerre et « règlement satisfaisant » est synonyme de capitulation.

En tête à tête, Abel préférait renoncer à l’équivoque de la rhétorique diplomatique.

— J’ai eu du mal à vous atteindre, Fife, disait-il.

On aurait pu croire qu’il n’était qu’un vieux monsieur conversant aimablement tout en dégustant un verre de vin.

Fife sourit. Il semblait tout à fait détendu.

— J’ai eu une journée chargée, Abel.

— C’est ce que j’ai appris.

— Par Steen ?

Fife avait posé la question d’une voix nonchalante.

— En partie par lui. Cela fait environ sept heures qu’il est notre hôte.

— Je sais. C’est ma faute. Envisagez-vous de nous le livrer ?

— J’ai bien peur que non.

— C’est un criminel.

Abel émit un petit rire gloussant et fit tourner son verre dans sa main, observant les bulles qui montaient paresseusement à la surface du liquide.

— Je pense que nous pourrons lui accorder le statut de réfugié politique. La loi interstellaire sera garante de sa sécurité tant qu’il résidera en territoire trantorien.

— Aurez-vous l’appui de votre gouvernement ?

— Je crois, Fife. Je n’ai pas été en poste pendant trente-sept ans pour ne pas savoir quand Trantor sera ou non derrière moi.

— Je peux faire en sorte que Sark demande votre rappel.

— A quoi cela vous avancerait-il ? Je suis un homme pacifique dont vous avez pris l’habitude. Mon successeur pourrait être n’importe qui.

Il y eut une pause. Fife plissa son mufle léonin.

— Je suppose que vous avez une suggestion à me présenter.

— En effet. Vous détenez un homme qui nous appartient.

— Qui cela ?

— Un spatio-analyste, originaire de la planète Terre, laquelle, soit dit en passant, fait partie de l’empire trantorien.

— Steen vous a dit cela ?

— Entre autres choses.

— Ce Terrien, il l’a vu ?

— Il ne l’a pas précisé.

— Il ne l’a donc pas vu. Compte tenu des circonstances présentes, je doute que vous puissiez attacher foi à ses déclarations.

Abel reposa son verre, croisa les mains sur ses genoux et répliqua :

— Je suis quand même convaincu que ce Terrien n’est pas un mythe. Nous devrions pouvoir trouver un terrain d’entente. Fife. J’ai Steen et vous avez le Terrien. En un sens, nous sommes à égalité. Avant que vous poursuiviez la réalisation de votre plan, avant que votre ultimatum arrive à expiration et qu’ait lieu votre coup d’État, pourquoi ne pas organiser une conférence d’ordre général sur le marché du kyrt ?

— Je n’en vois pas la nécessité. Les événements actuels ne regardent que Sark. Je suis prêt à vous donner personnellement l’assurance que, quels que soient les futurs développements de la politique intérieure sarkite, ils n’auront aucune incidence sur le marché du kyrt. A mon avis, la situation présente ne saurait porter préjudice aux légitimes intérêts de Trantor.

Abel but une gorgée de vin et parut réfléchir à cette réponse avant de reprendre la parole.

— Nous avons, semble-t-il, un second réfugié politique entre nos mains. Une bien curieuse histoire… C’est d’ailleurs un de vos sujets. Un Florinien. Un Prud’homme du nom de Myrlyn Terens.

Les yeux de Fife lancèrent des éclairs.

— Nous nous en doutions à moitié. Il y a une limite à l’ingérence ouverte de Trantor dans les affaires de Sark, Abel ! L’homme que vous avez kidnappé est un assassin. Vous ne pouvez pas le faire passer pour un réfugié Politique.

— Vous le voulez ?

— Vous songez à un marché ? Que demandez-vous ?

— Cette conférence dont je vous parlais.

— Pour un Florinien meurtrier ? Il n’en est évidemment pas question.

— Mais la manière dont ce Prud’homme a réussi à échapper à nos recherches est assez étrange. Cela vous intéressera peut-être ?…

Junz, qui arpentait la pièce, secoua la tête. La soirée était déjà bien avancée. Il aurait souhaité Pouvoir dormir mais il savait qu’il lui faudrait encore user de la somnine.

— J’aurais pu être obligé d’employer la menace comme le voulait Steen, dit Abel. Ç’aurait sûrement été regrettable. Un risque énorme pour un résultat incertain. Mais, tant que le Prud’homme n’était pas là, je n’avais pas le choix. Sauf, évidemment, la politique du laisser-faire.

Junz hocha vigoureusement le menton.

— Non ! ! fallait agir. Pourtant, c’est du chantage, ni plus ni moins.

— Techniquement, oui, sans doute. Qu’auriez-vous voulu que je fasse ?

— J’aurais agi exactement comme vous. Je ne suis pas un hypocrite, Abel. Ou, du moins, j’essaie de ne pas en être un. Je ne condamnerai pas vos méthodes alors que j’ai l’intention de tirer le meilleur parti possible de ce que vous obtiendrez. Mais, quand même, je pense à cette jeune fille…

Elle n’a rien à craindre tant que Fife respectera les termes du contrat.

— Elle me fait pitié. Les aristocrates sarkites me répugnent à présent à cause de la manière dont ils traitent les Floriniens, mais je ne peux pas m’empêcher de la plaindre.

Sur le plan individuel, soit. Mais c’est Sark qui est responsable en dernier ressort. Dites-moi, mon cher, avez-vous déjà embrassé une fille dans une voiture ?