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— Y a-t-il eu une inspection dans la semaine qui a précédé la mort du médecin de la Cité ? Je suppose que vous savez de quelle semaine il s’agit.

— Je crois avoir appris la nouvelle par la vidéo. Je ne pense pas qu’il y ait eu une inspection à cette époque mais je ne veux pas le jurer.

— A qui appartiennent les terres de votre circonscription ?

Un rictus déforma les lèvres de Terens.

— A l’Écuyer de Fife.

C’est alors que Steen mit son grain de sel, lançant avec une vivacité inattendue :

— Ma parole ! Vous faites le jeu de Fife avec ce genre de questions, Dr Junz ! Ne voyez-vous pas que cet interrogatoire ne vous mènera nulle part ? Vous figurez-vous que, s’il avait voulu surveiller les faits et gestes de ce personnage, il aurait pris la peine de faire le voyage pour l’avoir à l’œil ? Les patrouilleurs sont là pour ça. Ma parole !

Junz parut démonté.

— Dans une affaire de cet ordre, alors que l’économie d’une planète et peut-être sa sécurité matérielle dépendent d’un seul homme, il est normal que le psychosondeur ne se repose pas sur les patrouilleurs pour surveiller l’intéressé.

— Même si celui-ci a subi un lavage de cerveau ? demanda Fife.

Abel fit la moue et son front se rembrunit. Fife raflait sa dernière carte.

Junz tenta un ultime effort.

— Y avait-il un patrouilleur ou un groupe de patrouilleurs particulier assurant un service de garde permanent ? demanda-t-il d’une voix hésitante.

— Je ne m’en serais jamais rendu compte. Pour moi, les patrouilleurs ne sont que des uniformes.

Junz se tourna vers Valona avec la soudaineté d’un rapace fondant sur sa proie. Un instant plus tôt, le visage de la jeune femme avait brusquement pris une teinte cireuse tandis que ses yeux s’écarquillaient.

— Qu’avez-vous, mon enfant ?

Mais Valona se contenta de secouer la tête en silence.

C’est fini, songeait Junz avec accablement. Il n’y a plus rien à faire.

Mais Valona s’était levée. Elle tremblait.

— Je voudrais dire quelque chose, murmura-t-elle d’une voix altérée.

— Eh bien, allez-y. Je vous écoute.

Valona était l’image même de l’effroi. Elle était oppressée, ses mains s’ouvraient et se fermaient convulsivement.

— Je ne suis qu’une simple paysanne, fit-elle. Ne soyez pas fâchés contre moi, s’il vous plaît. C’est juste que les choses semblent n’avoir pu se passer que d’une seule manière. Est-ce que mon Rik était tellement important ?

— Oui, il était très, très important, répondit doucement Junz. Je crois qu’il l’est toujours.

— Alors, ce que vous expliquiez est sûrement vrai. Celui qui l’a déposé sur Florina n’aurait pas osé le quitter des yeux une minute. N’est-ce pas ? Des fois qu’il aurait été battu par le contremaître à la filature ou bombardé à coups de pierres par les enfants. Ou s’il était tombé malade et était mort. Celui qui a fait ça ne l’aurait pas abandonné au milieu des champs où Rik aurait pu mourir avant qu’on le découvre, n’est-ce pas ? Il n’aurait pas compté sur la chance pour le sauver.

A présent, Valona s’exprimait avec volubilité.

— Continuez, dit Junz qui la considérait avec attention.

— Il y a une personne qui a surveillé Rik dès le début. Elle l’a trouvé dans la campagne, elle s’est arrangée pour que je m’occupe de lui, elle l’a protégé et elle était journellement au courant de tout ce qu’il faisait. Même de la visite au médecin parce que je lui en ai parlé. C’est lui ! C’est lui ! acheva-t-elle dans un cri, le doigt braqué sur Myrlyn Terens.

A ces mots, Fife lui-même perdit son calme surhumain : ses, bras se raidirent sur son bureau et son torse massif se souleva de deux bons centimètres tandis que sa tête pivotait et que son regard se posait sur le Prud’homme.

CHAPITRE XVIII

LES VAINQUEURS

On eût dit qu’ils étaient tous frappés d’une paralysie des cordes vocales. Rik lui-même ne pouvait que contempler Valona et Terens d’un regard incrédule.

Le rire strident de Steen brisa enfin le silence.

— C’est la vérité. Parole ! Je le dis depuis le commencement. L’indigène était à la solde de Fife. Voilà qui montre bien l’homme qu’il est ! Il a payé un indigène pour…

— C’est un mensonge infernal !

Ce n’était pas Fife qui protestait ainsi mais le Prud’homme. Il avait sauté sur ses pieds et une flamme passionnée brillait dans ses prunelles.

— Qu’est-ce qui est un mensonge ? demanda Abel qui paraissait le moins ému.

Terens le contempla un instant d’un air incompréhensif avant de répondre d’une voix entrecoupée :

— Ce qu’a dit l’Écuyer. Je n’ai jamais été à la solde d’un Sarkite.

— Et ce que disait cette fille ? Est-ce aussi un mensonge ?

Terens se passa la langue sur les lèvres.

— Non. C’est vrai. C’est moi qui ai psychosondé Rik. – Il ajouta avec vivacité : – Ne me regarde pas de cette façon, Lona. Je ne voulais pas lui faire de mal. Je n’avais pas prévu ce qui est arrivé ensuite.

Il se rassit.

— C’est une machination ! s’écria Fife. Je ne sais pas exactement ce que vous avez tramé, Abel, mais il est totalement impossible que ce criminel se soit rendu coupable d’un pareil délit. Seul un grand Écuyer aurait eu les connaissances requises et disposé des moyens d’exécution indispensables pour perpétrer ce forfait, c’est indiscutable. Cherchez-vous à tirer votre ami Steen du pétrin en manigançant une fausse confession ?

Terens se pencha en avant, les mains étroitement nouées.

— Je ne suis pas non plus à la solde des Trantoriens.

Fife fit mine de l’ignorer.

Le dernier à reprendre ses esprits fut Junz. Pendant de longues minutes, il avait été incapable d’accepter le fait que Rik n’était pas réellement dans la pièce mais se trouvait quelque part à l’ambassade trantorienne, qu’il ne voyait qu’une image aussi impalpable que celle de Fife. Il aurait voulu prendre le Prud’homme par l’épaule et lui parler seul à seul. Mais c’était impossible…

— Inutile de discuter avant d’avoir entendu cet homme, dit-il enfin. Nous avons besoin de connaître tous les détails. S’il est vraiment responsable de ce lavage de cerveau, ces détails nous seront indispensables. Et s’il ne l’est pas, nous en aurons la preuve par le récit qu’il essaiera de nous faire avaler.

— Si vous voulez savoir ce qui s’est passé, je vais vous le dire ! s’exclama Terens. Conserver le silence ne peut plus me servir à rien. Après tout, c’est Sark ou c’est Trantor. Alors, quelle importance ? J’aurai au moins l’occasion d’étaler une ou deux choses au grand jour.

Méprisant, il tendit le bras vers Fife.

— Voici un Grand Écuyer. Seul un Grand Écuyer, prétend ce Grand Écuyer, possède les connaissances et les moyens nécessaires pour opérer un psychosondage. Et il le croit ! Mais que sait-il ! Que savent les Sarkites ?

« Ce ne sont pas eux qui gouvernent. Ce sont les Floriniens ! Les Floriniens de l’administration civile. Ils reçoivent des papiers, ils remplissent des papiers, ils classent des papiers. Ce sont les papiers qui gouvernent Sark. Certes, la plupart des Floriniens sont broyés au point de ne même plus pouvoir gémir, mais vous ne savez pas ce que nous pourrions faire, si nous le voulions, au nez et à la barbe de ces damnés Écuyers ! Eh bien, je vais vous dire ce que j’ai fait, moi !

« L’année dernière, J’ai exercé à titre temporaire les fonctions de directeur du trafic à l’astrodrome. Cela faisait partie de ma formation. C’est enregistré aux archives. Vous aurez un peu de mal à retrouver le rôle parce que le directeur du trafic officiel est un Sarkite. Il en a le titre mais c’était moi qui faisais le travail. Mon nom est porté dans un état signalétique spécial sous la rubrique « personnel indigène ». Jamais un Sarkite ne se salirait les mains avec cette liste.