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Les phares qui le suivaient appartenaient à deux autres pick-up identiques. Ils s’arrêtèrent en dérapant derrière lui, ce qui lui barra le passage avant qu’il puisse enclencher la marche arrière. Il ne pouvait plus à présent se déplacer qu’à pied. Il sortit gauchement côté passager en haletant dans l’atmosphère raréfiée.

Une autre silhouette humaine se précipita dans sa direction. Ethan se tourna vers elle en pressant la détente. La balle pénétra les chairs avec un bruit humide, mais sans infliger de blessures critiques. Le sim saisit Ethan au-dessus du poignet droit, chercha d’une torsion à lui faire lâcher le pistolet. Deux autres sims sortirent de l’obscurité et le plaquèrent sur le côté de sa voiture. Il se débattit en vain, attendit le coup de feu qui le tuerait.

Il n’y en eut pas. Un autre sim approcha, celui-ci ressemblait à une femme de couleur à la constitution fluette. Il portait la même tenue jean-chemise de travail que les mâles, avait les cheveux rentrés sous une casquette identique. Il enjamba avec soin le corps de son collègue.

« Professeur Iverson, mes excuses pour ce qui s’est passé à l’instant. Nous ne voulons ni vous effrayer ni vous faire de mal. Juste vous parler. » Le sim sortit une paire de menottes de sa ceinture. « Mes excuses aussi pour ça. Veuillez mettre les mains dans le dos. »

26

Antofagasta

Cassie, Thomas et Beth entrèrent dans la cuisine, le regard fixé sur la seringue et les aiguilles posées sur la table. Nerissa avait envie d’en faire autant, mais s’obligea à détourner les yeux. « Vous comptez vous en servir pour quoi ?

— Du calme. » Le visage impassible de Beck dégageait comme toujours une autorité naturelle, avec ses muscles contractés et ses yeux froidement évaluateurs. « J’ai besoin de procéder à un test. Ce n’est pas difficile à comprendre. Puis-je m’expliquer ? »

T’as sacrément intérêt ! Elle attendit qu’il continue.

« Après la première série d’agressions, j’ai eu l’occasion d’autopsier un simulacre. Un sim, c’est grosso modo un corps humain autour d’un noyau de matière verte. Elle est plus concentrée dans le crâne et le tronc, mais elle va jusque dans les mains et les pieds. On peut en aspirer une petite quantité en introduisant une aiguille hypodermique dans le mollet d’un sim. Sur un être humain, ça ne récupère que quelques gouttes de sang, moins que vous en donnez pour une analyse chez le médecin.

— Il n’est pas question, dit Nerissa, que vous enfonciez une aiguille dans mon corps ou dans celui des enfants dont j’ai la responsabilité.

— J’ai bien peur d’y être obligé. Ethan et Leo ont failli tomber dans une embuscade à Mazatlán alors que très peu d’entre nous connaissaient l’emplacement de cette boîte aux lettres. Avant qu’on parte dans l’Atacama, ou que vous preniez l’avion pour les États-Unis, j’ai besoin de m’assurer que personne ici présent n’a informé l’hypercolonie de nos plans.

— Quoi ? Vous pensez que je suis un sim, moi ? Ou Cassie ? Ou votre propre fils ?

— Je ne le pense pas et je n’accuse personne de quoi que ce soit. Il me faut juste une certitude. Vous ne trouvez pas qu’un léger désagrément en vaut la peine ? L’idée me vient de vous, madame Iverson.

— De moi !

— De ce que vous m’avez raconté sur votre entretien avec la mère du sim en Pennsylvanie. La gestation des sims se produisant dans des hôtes humains, que nous ayons tous un passé familial irréprochable ne signifie rien.

— La Correspondence Society nous connaît tous aussi depuis longtemps. Ça ne compte pas ?

— Bien sûr que si, mais pas de la manière dont vous le pensez. Les chercheurs de la Society travaillent avec des cultures de cellules depuis qu’Ethan a isolé les échantillons de l’Antarctique. Nous en avons produit de grandes quantités, en prenant ce qui nous semblait des précautions raisonnables vu qu’il ne semblait y avoir aucun risque d’infection. Mais nous nous trompions sur ce point. Nous avons presque certainement été exposés. Nous pouvons tous avoir été contaminés, et avoir contaminé ensuite notre famille.

— Ethan et moi n’avons pas d’enfants.

— Non. Mais votre sœur en a eu. »

Nerissa vit Cassie écarquiller les yeux en comprenant le sous-entendu. Thomas avait seulement l’air perplexe.

« Pas question, répéta Nerissa en prenant sa nièce et son neveu par la main. Cassie, monte faire tes bagages et aider ton frère avec les siens. On s’en va.

— Je ne peux pas vous y autoriser, dit Beck.

— Vous croyez pouvoir nous en empêcher ?

— Eugene, la porte. »

Un petit sourire aux lèvres, Dowd alla bloquer le passage. Il remonta sa chemise pour montrer le pistolet enfoncé dans la ceinture de son jean, geste que Nerissa trouva à la fois grotesquement théâtral et démesurément menaçant, à vous donner la chair de poule. « Quoi, il va nous tirer dessus ?

— J’espère que non, cela va sans dire. Ce n’est absolument pas nécessaire. Mais nous sommes en guerre, que vous le vouliez ou non. Formulez des objections, mais ayez l’obligeance de coopérer. Nous parlons d’un désagrément passager. Faites-le une bonne fois pour toutes. Eugene vous conduira ensuite à l’aéroport avec les enfants et vous pourrez oublier toute cette histoire.

— C’est pour ça que vous avez éloigné Ethan ? Il ne vous aurait jamais laissé faire.

— Vous pouvez me regarder effectuer d’abord le test sur moi-même, si vous voulez. »

Nerissa pensa à Eugene devant la porte. D’après ce qu’elle avait vu et entendu de son comportement avec Beth, il n’avait pas de cœur et pouvait se montrer violent. Mais elle ne croyait pas qu’il tirerait sur une femme désarmée. Sauf s’il pense que je refuse le test parce que je ne suis pas humaine. Dowd avait tué des sims dans le désert, d’après Beck. Et il avait hâte d’en tuer d’autres. Cela valait-il la peine, le cas échéant, de mettre sa conviction à l’épreuve ?

Elle aurait aimé avoir encore un peu de temps pour réfléchir, mais déjà Beck tendait la main vers les aiguilles jetables.

« Tante Riss ? » appela Cassie.

Leo s’avança.

« S’il faut vraiment que tu le fasses, dit-il à son père, tu peux commencer par moi. »

Beck emporta la seringue, les aiguilles, un flacon d’alcool isopropylique et un paquet de pansements adhésifs dans une petite pièce à l’arrière, pièce sans doute destinée au rangement et qu’on avait meublée d’un bureau en bois et de deux chaises. Une porte étroite, verrouillée, donnait sur la ruelle derrière la maison. Il n’y avait aucune fenêtre. Un tube fluorescent au plafond dispensait une lumière pâle et incertaine.

Beck s’assit derrière le bureau et fit signe à son fils de prendre place en face de lui. Il aurait préféré commencer par cette Iverson, puisqu’elle constituait le principal obstacle. Mais comme Leo s’était porté volontaire, il passerait le premier. Il sortit un pistolet du tiroir supérieur gauche, s’assura qu’il était chargé et prêt à servir avant de le poser à côté de la seringue.

Leo regarda l’arme, puis son père et à nouveau le pistolet. « Tu plaisantes ou quoi ?

— Avant de commencer, je voudrais te poser une question. As-tu couché avec Cassie Iverson ? »

Leo le regarda en face sans répondre.

« À ce stade, tu as le droit de me dire que ça ne me regarde pas.

— Ça ne te regarde pas.

— Je pose la question parce que tu pourrais être partagé, en ce moment. Tu veux protéger Cassie. Rien de plus naturel. Sauf qu’elle n’a pas besoin de ta protection. Il n’y a aucun danger. Je vais te montrer. Tu vas voir comment ça se passe. Tu pourras peut-être m’aider quand on le fera aux autres. »