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— Et chargé tout d’abord le pistolet. Je ne te le fais pas dire ! » Elle se tourna vers Cassie. « Qu’est-ce que tu comptes raconter à Josh, au juste ? Tu vas lui dire la vérité sur Thomas ? Sur Leo ? Et de quelle manière ils se sont servis de nous ? De toi ? »

Ce n’était pas aussi simple. Cassie avait beaucoup réfléchi à ce que Leo et Thomas avaient fait et à la raison pour laquelle ils l’avaient fait. Tous deux étaient des agents de l’hypercolonie. Tous deux avaient voulu détruire la zone de reproduction parasitée. Ils savaient qu’ils avaient besoin d’un complice humain. Leo avait d’abord choisi Beth… Elle était motivée et manifestement capable de violence. Mais il avait trouvé une meilleure arme en Cassie. Plus fiable. Plus ingénieuse. Et tout aussi facile à manipuler.

Thomas l’avait motivée d’une autre manière. En l’encourageant à faire confiance à Leo, à le suivre, à s’en remettre à lui, mais surtout en lui donnant quelque chose à protéger, un exemple de courage dont elle s’était sentie obligée de se montrer digne.

Raconterait-elle tout cela à Josh ? Bien sûr. C’était tout l’intérêt. Cela changerait-il quelque chose entre eux ? Elle espérait que non. « J’ai l’intention de tout lui raconter.

— Et je suis sûre que je n’ai aucun moyen de t’en dissuader. » Tante Riss hocha la tête. « Bon. Tu as ma bénédiction. J’espère que ça se passera bien. Et qu’il comprendra.

— Il comprendra.

— Tu en es certaine ? »

Cassie hésita. « Je lui fais confiance.

— Vraiment ? Je n’arrive plus à imaginer à quoi ça ressemble. Franchement, je ne me souviens pas. Mais j’imagine que je t’envie un peu. » Tante Riss se leva. Elle n’avait même pas ôté son manteau. « Que la vie te soit belle, Cassie. Sincèrement. Je te souhaite d’être heureuse. Mais je ne veux pas te revoir. Et je n’apprécie pas que tu m’aies fait venir ici alors qu’on aurait pu régler ça par courrier.

— J’avais besoin de vous parler à tous les deux…

— Mais non. Tu te disais qu’on pourrait peut-être se réconcilier. Sauf que ce n’est pas possible. Ce qu’il y avait entre nous, ton oncle l’a fait disparaître.

— Ce n’est pas vrai !

— Si.

— Je suis sûre que l’oncle Ethan ne savait pas… »

Pour Thomas, voulait-elle dire, mais son oncle se racla la gorge. « Arrête, Cassie. Elle a raison. » Il se découpait dans le cadre de la fenêtre qui donnait sur Antioch Street, les épaules fermes mais la tête baissée devant les flocons de neige et le givre sur les vitres. « Je savais exactement ce qui allait se passer. Ils me l’avaient expliqué dans les moindres détails.

— Qui ça, ils ?

— Les sims des installations de reproduction. Ils m’ont dit, pour Thomas. Ils m’ont dit qu’ils pourraient bientôt en prendre le contrôle, puisque l’hypercolonie d’origine était affaiblie. Ils ont promis qu’ils le laisseraient fonctionner exactement comme un enfant normal. Personne d’autre ne saurait la vérité. Mais si les installations étaient détruites, Thomas mourrait. Ils ont été très clairs là-dessus. » Il releva la tête pour regarder tante Riss dans les yeux. « Ils m’ont dit que tu en souffrirais jusqu’à la fin de tes jours. Que tu me mépriserais pour ça. Que ça détruirait la vie de Cassie. Que, quoi que je dise, elle se reprocherait la mort de Thomas. »

Tante Riss lui rendit son regard. « Et tu les as crus ?

— Finalement ? Oui.

— Mais tu n’as pas empêché la destruction des installations.

— J’ai eu tort ?

— Non, ne me pose pas cette question. Je ne peux pas t’absoudre, Ethan. Même si tu avais raison de le faire… c’était inhumain.

— Bien sûr que c’était inhumain. C’est là-dessus qu’ils se sont trompés. Ils comptaient tirer parti de mon humanité. La seule manière de leur résister était de faire ce qui paraissait inhumain. Il ne me restait pas d’autre arme.

— Quel raisonnement merveilleusement jésuitique ! » Elle ouvrit la porte et passa sur le palier.

Cassie la suivit. « S’il te plaît… Tante Riss, je n’ai jamais voulu te rendre malheureuse.

— Je suis contente que tu aies trouvé un moyen de tourner le dos au passé. J’ai besoin de le faire aussi… tu comprends ? Et j’y arriverais plus facilement si tu cessais de m’écrire.

— Ne me dis pas ça !

— C’est pourtant la vérité. Et mieux vaut connaître la vérité que se repaître d’illusions. Tu ne trouves pas ? »

Le bruit de ses pas décrut dans l’escalier.

« Sur ce que j’ai fait, elle a en grande partie raison, reconnut l’oncle Ethan.

— Tu aurais dû me le dire.

— Une fois qu’on avait détruit la zone de reproduction, j’ai pensé que ça n’avait pas d’importance. »

Elle essaya de s’imaginer ce que, durant ces heures terribles dans l’Atacama, son oncle avait dû ressentir en sachant que la destruction des installations briserait le cœur de sa famille. « Je l’aurais fait brûler de toute manière. Avec ou sans ton aide.

— Je le sais bien, Cassie. »

Et peut-être l’avait-il su, en effet. Peut-être l’avait-il senti quand elle lui avait parlé de Leo. Peut-être n’avait-il pas voulu la laisser porter seule le fardeau de ce choix. Peut-être était-ce pour cela qu’il avait tenu à placer lui-même les explosifs.

« Comme je vois les choses, lança son oncle, tu peux partir en claquant la porte, je ne t’en voudrai pas davantage qu’à ta tante. Mais tu peux aussi rester le temps de prendre un café.

— Il faut que je reparte avant qu’on ne puisse plus rouler. Mais je ne suis pas en colère. Et un café, bonne idée. Peut-être avec quelque chose d’un peu fort dedans ? »

Elle appela Josh pour lui dire que tout allait bien et qu’elle repartait bientôt de chez son oncle. Il répondit qu’il regardait les informations sur la guerre à la télévision. Aux menaces et négociations avait succédé un silence de mauvais augure. « Sois prudente sur la route. » Bien qu’enrouée — il se remettait d’un rhume —, sa voix réchauffa Cassie.

Elle reboutonna son manteau en demandant à l’oncle Ethan s’il pensait que la guerre éclaterait.

« Je ne sais pas. Sans l’hypercolonie, il n’y a rien pour l’empêcher.

— Rien d’autre que le bon sens.

— Qui ne semble pas vraiment la chose la mieux partagée au monde.

— L’hypercolonie n’a jamais rien eu d’humain, à part ce qu’elle nous a pris. Tu me l’as dit toi-même. Elle exploitait notre technologie parce qu’on avait le génie de la fabrication. Elle exploitait notre économie parce qu’on a celui de la collaboration. Et si nous avons fait la paix, peut-être qu’on a le génie de la conciliation.

— Nous avons celui de la guerre, Cassie. J’en vois chaque jour la preuve.

— Et celui de la haine. Bien entendu. Mais aussi celui de l’amour.

— Notre génie de l’amour nous a presque tués. »

Elle glissa sa chevelure sous sa casquette en laine. « Il nous a rendus vulnérables. Mais ce n’est pas une faiblesse. Plutôt une force.

— Vraiment ? » Il eut un sourire peu convaincu. « J’espère que tu as raison. »

La température avait baissé de plusieurs degrés quand elle regagna sa voiture. Les rues étaient à peine carrossables, mais la neige ne tombait plus, le vent avait cessé, le ciel était dégagé et on voyait où on allait.

Remerciements

Il n’y aurait pas eu de Derniers Jours du Paradis sans certaines conversations à bâtons rompus entre amis et en famille. Il serait impossible de faire justice à tous ces gens, mais je dois remercier particulièrement mes vieux amis John S. Barker (pour une discussion sur le concept philosophique de qualia sans laquelle ma conception de l’hypercolonie et des simulacres n’aurait pas été la même) et Taral Wayne (pour d’innombrables échanges sur la cosmologie, l’évolution et la nature de la conscience de soi).