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— T’sais, ces tauliers qui frayent plus ou moins avec le Mitan, y naviguent ent’ deux zoos. Y s’maintiennent en lâchant un peu d’lest et de l’ouest, mais sans s’moulier. Leur régu’ d’vie c’est : un bouquet à la Rousse pour pas avoir d’ennuis, et un bouquet à messieurs les hommes pour rester sur leurs pattes. Pas d’jalminces.

On sonne.

Mathias file accueillir. C’est la dame d’hier, celle qui est venue essorer le Dabe. Mignonne dans un manteau de soie noire imperméabilisée, un carré Hermès noué autour du cou.

Elle sourit, confuse.

— Navrée de vous importuner, messieurs, mais hier, au cours de ma… heu… conversation avec Achille, j’ai perdu un bijou auquel je tenais beaucoup.

— J’espère qu’c’était pas vot’ pucelage, petite maâme, s’empresse le Mastodonte. Si vous permettriez, j’vais vous aider à l’chercher.

D’autorité, il entraîne l’arrivante dans le studio des délices.

— Je pense que nous allons entendre le bruit d’une paire de gifles avant longtemps, plaisante Lefangeux.

— Pas sûr, dis-je. Bérurier est un être si mystérieux…

Notre jeune recrue se fend le pébroque et range sa mouche de mai, plus vraie qu’une vraie, dans une boîte initialement conçue pour l’hébergement de pastilles Valda.

Je me félicite du résultat obtenu par les duettistes Béru-Pinuche. C’est simple comme un œuf dur et ça ne rétrécit pas au lavage.

— Dès que le Gros refera surface, tu lui demanderas l’adresse de l’ami Pedro et tu prendras la relève de Pinaud. Je veux que tu me filoches ce gredin et que tu notes ses moindres faits et gestes. Equipe-toi d’un talkie-walkie et garde le contact avec Mathias.

— Comptez sur moi, monsieur le commissaire.

Le biniou gazouille à nouveau. Mathias répond, je le vois se rembrunir.

— Je vous le passe, monsieur le directeur.

Merde, le Rubicond qui continue de me tartiner les roustons ! Je vais retourner à l’Elysée et le faire sacquer, moi, s’il me poursuit de ses assiduités !

Je maugrée dans l’appareil :

— Nous sommes en plein travail. Qu’y a-t-il ?

L’autre se fait tout minot.

— Simplement vous signaler que la commission américaine vient d’arriver plus tôt que prévu pour récupérer la valise, cher San-Antonio.

— Et alors ? Que voulez-vous que ça me foute ?

— Mais je… j’aimerais savoir…

— Vous aimeriez savoir quoi ?

A cet instant, un grand cri nous rapplique de la pièce voisine. Un cri de trident, comme dit le Gros. Un cri inouï, qui exprime la plus forte des terreurs.

Puis la dame halète :

— Oh ! non ! Non ! De grâce, monsieur ! Je vous en conjure. Vous êtes trop fort. Beaucoup trop fort pour moi. Je ne saurais vous recevoir !

Et la voix (je n’ose dire l’organe en un pareil instant) de Béru :

— Faites-vous pas d’soucis, ma gosse. J’vas vous attaquer à la menteuse, histoire d’baliser le parcours du combattant.

— Allô ! insiste le Rougeaud.

— Oui ? réponds-je placidement.

— J’ai l’impression qu’on crie dans votre entourage ?

— Gagné, fais-je. Ensuite ?

Il rengracie ; sa voix est humide d’anxiété.

— Que vais-je dire aux Américains, mon très cher San-Antonio ?

— La vérité ! soupiré-je, toute la vérité, rien que la vérité. C’est le meilleur conseil que je puisse vous donner.

Je raccroche.

Dans le secteur ça se déclenche. La petite bourgeoise la sent passer, espère ! Mais une vraie pétroleuse sait se montrer stoïque lorsqu’il le faut. Après tout, elle largue sa virginité une seconde fois, ce qui n’est pas donné à tout le monde ! Bonne fête, madame !

Je n’attends pas la fin du spectacle.

— Vous me raconterez, dis-je à mes hommes. Ça risque de durer longtemps ; dans les cas d’exception, Béru fait matinée et soirée en une seule séance.

CHAPITRE XIII

À N’Y PAS CROIRE

Une odeur de vapeur d’eau au pin des Vosges et d’embrocation m’accueille. L’endroit est d’une grande élégance. On devine que le massage doit coûter aussi chaud que le bain qui le précède. C’est laqué, vitré, nickelé. Couleurs claires. Quelques plantes vertes peu banales, pas du tout de l’espèce caoutchouc poussiéreux.

Une ravissante en blouse blanche, blonde de partout, j’espère, m’accueille. Il y a des parements vert Nil à la blouse, un badge épinglé sur le sein gauche indique le nom de sa propriétaire : « Gaëtane », pas moins. Elle me sourit dans les tons cyclamen ; ses dents brillent comme ce que tu voudras : nacre, tessons de bouteilles, neige au soleil, etc.

— C’est pour un abonnement ? me demande la belle enfant.

— J’aimerais une séance préalable pour essayer, que j’y réponds ; faire mon siège, si vous voyez ce que je veux dire ?

Elle voit parfaitement.

— Sauna, bain d’algues, massage, culture physique avec moniteur, thalassothérapie ?

Sa nomenclature continue.

J’écoute religieusement les délices proposés ; puis j’opte pour un bain d’algues et un massage classique.

La Gaëtane sonne et une autre toute belle vient me prendre en charge. Même blouse à parements verts. Même badge, sauf qu’elle se prénomme « Loïca », ce qui n’est pas dégueulasse non plus, tous les lecteurs de la Collection Bouffon t’y diront.

Elle est également blonde, voire davantage que la ravissante préposée à la réception. Formes éloquentes. Son petit dargif dur comme un poing de composteur de timbres me fait de l’œil en se déplaçant.

Loïca me pilote par un couloir vitré, agrémenté, côté mur, de photos plastifiées représentant une plage bordée de cocotiers, jusqu’au vestiaire. J’ai droit à une cabine pour me dessaper. J’y trouve un peignoir de couleur saumon et des sabots style japonouille (encore un kamikaze, c’est l’vitrier qui passe…).

— Lorsque vous serez prêt, vous n’aurez qu’à sonner, m’avertit Loïca.

Je me dessaboule sans me presser.

Et vais mettre ce léger temps mort à profit pour te révéler quel détail m’a fourni Francine Chocote, hier soir, entre deux steeple-baise.

Lors de sa partie de jambons avec son séducteur, elle se serait étonnée qu’il fût bronzé. « Vous arrivez des Tropiques ? » lui aurait-elle demandé. Il aurait souri en guise de réponse. Au restaurant russe, lorsqu’il a dégainé son larfouillet pour cigler la douloureuse, miss Francinounette, qui, comme la majorité absolue des gonzesses, a toujours un œil qui traîne et l’autre qui regarde, a aperçu une carte d’abonnement à un fitness-club : L’Apollon Institut, une brème jaune, avec en brun et en relief la silhouette du jumeau d’Artémis.

Et alors, il comporte comment t’est-ce, le Sana ? Il vient remoucher ce club hautement chic.

C.Q.F.D. !

Lorsque je suis prêt, dans mon coquet peignoir, mam’selle Loïca me reprend en charge. Mon bain étant coulé, il faut faire trempette. Je me glisse avec volupté dans l’eau chaude où macèrent des végétaux, en ayant un peu l’impression de me livrer à une marinade. Qu’ensuite on me fera cuire en civet. Auquel cas, si tu fais partie du festin, je te recommande la queue, comme dans le cochon.

D’aucuns, et même d’aucunes vachement salopiotes que je sais, vont s’imaginer que l’Apollon Institut s’inspire des méthodes thaïlandaises ; il n’en est rien. C’est la taule snob, grand chic et sans équivoque.

Loïca se contente de manier un jet avec maestria ; elle en fouette habilement mon corps, côté pile, côté face, sans saluer mister Tienfume du moindre regard. Un confus regret m’empêtre le sensoriel, porté comme je le suis sur la membrane magique. Quand je pense que des tauliers de boîte de noye poussent leurs entraîneuses à la prostitution et qu’au contraire, le patron de l’Apollon Institut exhorte ses amazones à la chasteté, je déplore que ces deux attitudes contradictoires ne soient pas interverties. Mais enfin, la vie est ce qu’elle est, les cons ce qu’ils sont et on va pas en faire un fromage.