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— Du tout, mon cher ; mais j’avoue ne pas bien comprendre la finalité de cette petite manœuvre.

— Elle a pour but de conforter l’adversaire sur la pureté de nos intentions, boss. Au cas où il nous observe, il faut qu’il croie que nous allons bel et bien chercher la rançon.

— Pas mal, admet le Vénérable ; pas mal du tout.

L’arrivée de son trio de pouffes met fin à ses compliments. Joli lot à emporter (au plumard). Rousse, brune, blonde. Les trois évêchés ! Saboulées pour la guerre (en dentelles). Tu croirais des dames du monde, et pas du demi (bien tiré). Elles se pointent dans le burlingue. Nous les débarrassons de leurs manteaux. Les trois Ricains contemplent avec des yeux comme des portes de grange. Je fais mine de ne plus m’occuper d’eux et je prie les chères petites arrivantes d’agir pareillement. On démarre une séance de lutinage very fantastique, Achille et moi. On a tout soudain dix fois plus de paluches que bouddha et elles vadrouillent de partout sur les formes des jolies jeunes filles.

Nos amis d’Outre-Atlantique, comme on dit dans les revues spécialisées, congestionnent à toute vibure. Tu les croirais atteints de couperose effervescente. D’autant que les chéries délurent vachement. Y en a une (la blonde) qui m’a déjà dégoupillé la trappe de vidange pour me turluter le déberlingueur de fermière. Elle a eu l’excellente idée, avant de s’agenouiller, de remonter sa juperie. Elle porte des bas noirs, avec jarretelles mauves, siouplaît, des bottes vernies noires et tu ne peux pas savoir le combien c’est poétique, cette vision ; bien plus bathouze qu’un coucher de soleil sur les Monts Grampians ou que le portrait de M. Helmut Kohl, le chandelier d’Allemagne.

Achille, lui, toujours fringant, a étalé la brune sur le burlingue et la déguste kif un entremets franco-russe, en ponctuant d’une légère tyrolienne de politesse, cependant que la rouquine, flambante comme le drapeau malawien, attise les passions d’à la ronde en se fourbissant le clapet de sécurité à l’aide de deux doigts joints (son médius et son annulaire me semble-t-il) qu’elle n’aurait qu’à s’introduire dans la bouche pour lancer un coup de sifflet à la voyou.

Cette mini-scène orgiaque, t’as beau être amerloque, je te mets au défi d’y résister. La tronche carrée la première saute le pas en décapsulant son futiau pour présenter à la dame rouquine un appareillage touristique qui ferait hausser les épaules à mon charcutier. Qu’ensuite, l’Asiatique dégénéré dégage les régions sud, à son tour pour entrer dans ce grand concert des nations. Y a que le tout gros qui demeure barricadé dans son slip, violet mais stoïque, et des fois qu’il connaît des problos avec miss Zézette, ça arrive fréquemment chez les obèses. Ils sont mahousses comme des baleines et leurs génitoires tiennent dans un verre à liqueur. Bon, pour te dire que ça part dru.

Bientôt, je fais signe au Dabe. Il aperçoit mon geste à travers les broussailles de sa brune, lui dégage le compartiment fumeur, essuie avec grâce ses lèvres avec sa pochette de soie et quitte le bureau sur mes talons.

Avant de partir, j’ai chuchoté à la rouquine qu’elle et ses potesses doivent faire durer le plaisir des Ricains. Alors, ouf !

Avant que le Vioque ne s’en aille, sa coquette sacoche en peau de viande à l’épaule, je contacte mes équipiers. Ils répondent présent. Banco, ils se trouvent en poste.

— Achille va sortir d’ici et se rendre à l’agence Grande-Armée de la G.D.B., vous me le filochez de près. S’il y a un os en cours de route : intervention immédiate.

Pépère, qui a entendu, prend un cachou pour se refaire un palais et me demande ce que je redoute.

— Que nous soyons observés par les détenteurs de la valise, dis-je. Ils espèrent une rançon. Vous voyant gagner la banque et disparaître dans le bureau du fondé de pouvoir ou dans celui de son adjoint, ils croiront que vous allez chercher l’argent. Dès lors, leur intérêt consistera à vous détrousser au retour. Ainsi, pas de remise de rançon dangereuse pour eux.

Le surglacé de la rotonde sourit finement.

— C’est bien ce que je pensais, déclare-t-il.

Dans le bureau, la fiesta trouve sa vitesse de croisière. Ces messieurs se goinfrent le godemuche. Y en a un, l’Irlandais, crois-je, qui annonce comme ça qu’it is very good.

Tant mieux. J’aime qu’on apprécie les produits français !

CHAPITRE XXI

V’LÀ LES DURS

— Quelque chose me dit que nous allons avoir du nouveau sous peu, murmura Boris.

Stevena hocha la tête pour marquer son approbation. Conformément aux instructions reçues de Vienne, les deux hommes étaient restés en France et surveillaient l’équipe de flics aux activités marginales. « L’Organisation » avait mis à leur disposition une demi-douzaine de véhicules, allant de la vieille voiture sport à la fourgonnette commerciale. Ceux-ci étaient stationnés dans Paris en des points dont les deux hommes possédaient le relevé sur plan ; ils pouvaient ainsi changer d’auto fréquemment, au gré de leurs déplacements. Il leur arrivait de se dédoubler pour filer simultanément celui qui paraissait être le chef de cet étrange commando et l’un de ses hommes.

Boris pilotait présentement une Renault 19 de couleur bleue dont une aile était cabossée. L’auto possédait un moteur gonflé et piquait, en cas de nécessité, des démarrages vertigineux.

— Je suis de ton avis, finit par murmurer Stevena, ça chauffe. Toute l’équipe s’est mobilisée pour escorter le vieux beau à la banque. Je suppose qu’ils veulent le couvrir.

Boris sourit, hésita, puis alluma une abominable cigarette russe à embout de carton.

— Selon moi, dit-il, les types qui possèdent la valise ont réclamé une rançon au faux laboratoire, nos petits amis flics ont feint d’accepter. Le vieux type fait mine d’aller retirer du pognon et ses copains le filent parce qu’ils espèrent que leurs pilleurs de coffres intercepteront le magot au retour.

— Si c’est le cas, ça promet d’être juteux, plaisanta Stevena.

Il aimait l’action pour l’action et ignorait la peur, ce qui faisait toujours quelque peu frémir ses compagnons d’équipée. Sa témérité touchait à la folie et, parce que précisément il risquait chaque fois le tout pour le tout, il réussissait dans ses entreprises.

L’avenue de la Grande-Armée était grouillante. Il tombait une petite pluie grise qui paraissait visqueuse, bien qu’il fit encore jour, beaucoup de véhicules avaient allumé leurs phares.

Comme les deux hommes se tenaient en double file, ils écopaient de coups de klaxon impatientés de la part des conducteurs dont ils gênaient la circulation. Boris se contentait de leur adresser un petit signe d’impuissance, comme le fait un automobiliste en carafe ; d’ailleurs ses clignotants de détresse palpitaient au milieu du flot comme les feux d’une balise.

— Tu es paré ? demanda Stevena.

Boris tapota le pistolet mitrailleur placé, canon en bas, entre sa jambe gauche et la portière. Stevena pour sa part se mit à caresser la mitraillette étalée sur ses genoux, tant bien que mal dissimulée par les pans de son manteau de cuir râpé.

* * *

Béru lâcha un louf mélodieux comme le freinage d’une rame de métro entrant dans une station. Pinaud, qui avait renoncé depuis des immémoriances à protester, se contenta de baisser un peu la vitre. Les trois lettres néoneuses de la banque s’éclairèrent soudain, et le jour parut reculer davantage. D’autres lumières naquirent. Paris commença à prendre ses quartiers nocturnes.

* * *

— Tu crois à un coup fourré, toi ? demanda Lefangeux à Lurette.