Выбрать главу

— Venez, ma tendre Violette. Allons vivre notre idylle.

La dame est réticente. Du moment qu’il y a du monde, elle est pas partante pour la bourrée auvergnate, Violette. Elle se sentira freinée dans ses transports. Le Dabe lui objecte que le « nid d’amour » est insonorisé et qu’ils ont affaire à un gentleman.

Vaguement convaincue, elle se laisse driver et le couple disparaît.

Je retourne donc à mes forbans et leur raconte ce délicat épisode galant. Béru et Pinaud pleurent d’attendrissement en songeant que cher Achille vient copuler à quelques mètres de nous. Sa Majesté voudrait lui serrer la louche. Je le tempère.

L’amour avant tout, laisse-le d’abord s’éponger.

Soit.

Les « nouveaux » trouvent qu’on a un comportement singulier, nous autres, les chevronnés. On baigne dans d’étranges euphories, on dérape sur des tendresses qui leur sont mal intelligibles.

S’agit de reprendre les choses en main.

Je rassemble mon autorité qui se trouve un tantisoit en vrac pour attaquer.

Bon : la valise.

Historique complet. Ils écoutent.

Mais à peine ai-je terminé mon exposé que des cris nous parviennent de l’appartement contigu, lequel est moins bien insonorisé que ne l’a promis Achille à sa conquête. Cette dernière est en train de reluire comme le sacre de Bokassa. Une chose m’a toujours frappé, et je ne t’en ai jamais fait mystère : ce sont les petites bourgeoises qui se montrent les plus bruyantes en amour. Ce besoin d’annoncer au monde entier qu’elles prennent leur peton, ces charmantes, je m’expliquerai jamais ! Elles qui semblent si mesurées, pudiques, réservées dans la vie courante. Au pieu, quand elles passent au sabre, c’est la clameur ! Tarass Poulbot attaquant les hordes adverses ! Des Stukas de la Dernière en piqué sur les populations évacuées ! Cornes de brume ! Haouououou !

Je suis au mitan d’une phrase quand v’là la Violette qui annonce son départ. Elle gueule que ça va y être, que oui, oui, comme ça ! Qu’encore ! Que ah ! sale salaud ! Fourre-moi en plein, vieux dégueulasse ! Que plus vite, bordel de merde ! Des choses pas compatibles avec son Chanel à dix mille pions ! Des choses qui foutent la chair de poule à son sac Hermès en croco.

On se regarde. Lurette et Lefangeux rougissent et leurs pommes d’Adam font la grenouille. Pinaud hoche la tête avec un sourire finaud. Le Gros se pourlèche les badigues.

— On dirait qu’il tient toujours la forme, le Croquant ! souligne Sa Majesté. Comme quoi, une épée, carat ou non, ça reste une épée. Quand il dégaine sa rapière, Misteur, c’est Roland à Ronc’veau.

Violette a franchi le mur du pied, outrepassé les paroxysmes. Calmée mais reconnaissante, elle continue de dorer le blason du Vieux, mais en des termes mieux adaptés à sa condition sociale.

— Vous fûtes éblouissant, mon aimé, elle te lui gazouille. O mon noble amant, vos prouesses me font panteler ! Vous avez le génie de l’amour. Vous êtes le Léonard de Vinci de l’étreinte, fabuleux fripon !

Lurette se racle la gargante, mal à l’aise et demande :

— On est ici pour bosser ou pour assister à des séances de films X, commissaire ?

La porte s’ouvrant à gros flocons, ou à grand fracas, ou à gorge déployée (comme tu choisiras), m’évite de répondre. Achille-au-paf-léger entre, déjà saboulé. Il reste pique-plante dans l’encadrement, cependant qu’en arrière-plan on voit le cul de la dame comblée comme je te vois, mais en plus ressemblant.

— Patron ! exclament Pinuche et Béru d’une seule voix.

C’est beau comme du Debussy dans « Pédéraste et Médisante ». On dirait une mêlée de rugby qui serait un peu méli-mélodramatique. Ça chiale, s’étreint, se claque. Au coup de sifflet de l’arbitre, on procède à la remise en jeu. Le Dabe se fait présenter mes deux recrues. Il tord son nez devant leur mise. Sous son règne, un inspecteur fringué commak, tu pouvais toujours fumer du belge ! Mais l’émotion est là qui l’emporte ; qui prévaut, qui prévôt.

— Alors, goguenarde le Vénérable, en s’adressant à Bérurier, il paraît que vous vous êtes fait sacquer de mon poste, cher collègue ?

— Comme un malprop’, monsieur l’directeur. J’ viens juste d’être rintégré après m’êt’ fait désintégrer. Et vous, puis-je-t-il vous d’mander c’que vous faites-t-il, d’c’temps-là ?

Le Vieux hoche les épaules.

— Moi ? Oh ! moi, mon pauvre Bérurier, je continue de gravir mon calvaire.

— On est tous qu’on l’gravite jusqu’à la lie, mon pauv’ cher confrère, soupire le Majestueux. Au plus qu’ça va, au plus qu’on désabuse, les temps sont plus c’qu’il était.

Achille cueille une chaise parce qu’il va parler longtemps. Par la porte demeurée ouverte, on voit sa dame vaquer, en tenue d’Eve. S’apercevant de notre intérêt collectif, il nous la désigne d’un hochement de menton.

— L’épouse d’un pédégé trop occupé, nous dit-il. Plus de la première fraîcheur, mais habile technicienne. Il vaut toujours mieux une salope mûre qu’une jeunesse inexpérimentée ; on sait où l’on va. Ce que je fais, en dehors d’étancher mes glandes ? Peu de chose. Après avoir quitté la direction de la police, j’ai occupé quelques postes honorifiques ; j’ai même fait un boum en m’inscrivant au P.C. ; mais mes amis du Jockey Club l’ont mal pris et j’ai dû démissionner pour m’inscrire chez Le Pen. Il a un avenir, le bougre. La gauche bêche son jardin, il n’aura plus qu’à semer, la saison venue. Mais côté activité, c’est le calme plat. Je vis de mes rentes et des misérables retraites que le président Larose veut bien me dispenser. San-Antonio, vous m’avez dit, avant que je ne besogne la donzelle d’à côté, que vous veniez de créer une équipe marginale ?

— Avec les pleins pouvoirs, oui, patron.

Le Dabe nous défrime un à un.

— Antoine, mon garçon, murmure-t-il, je vous ai tout appris, vous le savez ? Vous fûtes mon poulain, mon disciple, l’orgueil de ma carrière. Alors, pesez bien mes paroles et faites votre examen de conscience avant de me répondre…

Il s’offre une forte goulée d’air.

Puis, d’une voix menue, quasi peureuse :

— Il n’y aurait pas une petite place pour moi dans votre équipe, mon cher petit ?

CHAPITRE VIII

PREMIÈRES CONSTATATIONS

C’est vachement Aldo pour mes scouts ! Ils flipent tous azimuts, les gars. Se prennent pour des terreurs. Comme si, en les incorporant dans ma brigade spéciale, je les avais branchés pour toujours ! Faut dire que j’ai un look terrible à leurs yeux. Sana, c’est le nouveau Napo de la Maison Poulman. Je viens d’accomplir mon dix-huit Brumaire en investissant l’Elysée pour en ressortir armé du document qui fait de moi un Bayard super-extra.

Je balance Lurette sur le sentier de la reniflette, qu’il aille grenouiller dans ses coinceteaux malodorants pour lever une piste à propos des craqueurs de coffiots de la G.D.B. (sigle de Grande Débandade Bancaire).

Le gars Lefangeux, sa pomme, c’est d’aller fouinasser chez les blanchisseurs de camelote chouravée. Le butin provenant d’une ponction de cette ampleur se compose d’un foutu bric-à-brac où les bijoux de famille voisinent avec les actions, les lingots avec les obligations, les titres avec les testaments. Ils doivent pourlécher, les malfrats en examinant leurs trouvailles. Casser les tirelires des autres, c’est le panard tout superbe ! La curiosité se mêle à la cupidité. Y a de la tombola magique dans l’affaire.

Le Vieux se charge d’interviewer les big bosses de la G.D.B. ; nous autres, les quatre mousquetaires qui sommes trois, c’est-à-dire Béru, Pinuche et ma pomme, on va investiguer sur place, constater les vilains méfaits de ces artistes du chalumeau.