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— Bon, nous verrons cela plus tard. Pour le moment, à nous deux, flanc-droit… Tu t’appelles Tritt, si je ne me trompe ? Pour quelle raison t’es-tu rendu seul dans les plus profondes cavernes ?

— Pour parler à Estwald, Monsieur Solide.

— Êtes-vous Estwald ? demanda Dua, les interrompant.

— Non, fit sèchement le Solide.

Odeen parut ennuyé que Dua n’ait pas reconnu ce Solide, mais Dua n’en parut nullement gênée.

— Qu’as-tu pris dans les profondes cavernes ? demanda le Solide. – Et comme Tritt se taisait, le Solide reprit durement : Nous savons que tu as dérobé quelque chose. Sais-tu de quoi il s’agissait ? Et sais-tu que cela pourrait être fort dangereux ?

Comme Tritt continuait de se taire, Losten intervint et dit avec bonté :

— Avoue, Tritt. Nous savons que c’est toi le coupable et nous ne voudrions pas nous montrer durs avec toi.

— J’ai dérobé une source d’aliments en forme de sphère.

— Ah oui ? fit le Solide qui avait parlé le premier. Et qu’en as-tu fait ?

— C’est pour Dua que je l’ai prise. Elle refusait de s’alimenter. Oui, c’est pour Dua que je l’ai fait ! lança Tritt, explosant.

Dua tressaillit de stupéfaction.

— Le savais-tu ? fit le Solide se tournant vers elle.

— Non !

— Toi non plus ?

— Non, Monsieur Solide, fit Odeen, pétrifié.

Ignorant la triade, les Solides se mirent à s’entretenir, emplissant l’air de désagréables vibrations.

Était-ce le fait de s’être frottée aux roches ou d’avoir essuyé une véritable tempête d’émotions, qui avait rendu Dua plus sensible ? Elle ne chercha pas à l’analyser, mais elle se surprit à saisir par bribes, non exactement les mots, mais le sens des paroles qu’échangeaient les Solides.

Ils avaient découvert la disparition de la fameuse sphère depuis un certain temps déjà et s’étaient mis discrètement à sa recherche. C’est bien à contrecœur qu’ils s’étaient adressés aux Fluides, voyant en eux d’éventuels coupables. Et avec plus de répugnance encore qu’ils avaient fini par mettre en cause la triade d’Odeen. Comment auraient-ils pu imaginer qu’Odeen pût commettre une telle folie, ou que cela vînt à l’esprit de Dua ? Quant à Tritt, ils n’y pensaient même pas.

C’est alors que le Solide qui jusque-là ne s’était pas adressé aux Fluides se souvint avoir vu Tritt dans les profondes cavernes. (Eh oui, se dit Dua, cela se passait le jour où j’ai pénétré dans la roche. J’ai perçu sa présence. Mais depuis je l’avais oublié.)

Les Solides avaient eu peine à envisager une telle éventualité, mais leur enquête n’ayant jusque-là rien donné et le temps s’écoulant dangereusement, ils s’étaient décidés à venir interroger la triade. Ils auraient préféré, avant de se mettre à questionner Tritt, consulter Estwald, mais celui-ci n’était pas disponible à ce moment-là.

Tout cela Dua le comprit en un éclair et elle se tourna vers Tritt, emplie à la fois d’indignation et d’admiration.

Elle comprit également que Losten, à l’aide de vibrations, s’efforçait de convaincre ses compagnons qu’aucun mal n’avait été fait, que Dua semblait en excellente forme et que pour finir c’était là une intéressante et utile expérience. Le Solide qui avait questionné Tritt semblait d’accord, mais le troisième continuait de manifester de l’inquiétude.

Dua partageait son attention entre Tritt et eux.

— Où est la sphère, Tritt ? demanda le premier Solide.

Tritt la leur désigna. Elle était habilement dissimulée et grossièrement mais suffisamment branchée.

— C’est toi qui as fait cela, Tritt ?

— Oui, Monsieur Solide.

— Qui te l’a enseigné ?

— J’ai regardé comment elle était dans vos cavernes, Monsieur Solide, et j’ai procédé de même.

— Sais-tu que tu aurais pu faire courir un grave danger à ta médiane ?

— Non, je ne le savais pas. Je n’aurais pour rien au monde voulu… – Tritt s’arrêta, comme suffoqué par l’émotion, puis reprit : Je ne voulais pas lui faire de mal. Je voulais la nourrir. J’ai fait couler la nourriture au moyen des électrodes que j’ai décorées. Je voulais qu’elle y goûte, ce qu’elle a fait. Elle s’est enfin nourrie ! Oui, pour la première fois depuis longtemps elle s’est bien nourrie. Puis nous avons fusionné. – Il se tut, puis dit dans un cri : Elle a absorbé assez d’énergie pour concevoir enfin une petite Émotionnelle. Elle a absorbé la semence d’Odeen et me l’a transmise. Et maintenant cette semence grandit en moi. Oui, une petite Émotionnelle grandit en moi.

Dua resta muette. Elle recula, puis se propulsa vers la porte avec un tel élan que les Solides ne purent s’écarter assez vite de son chemin. Elle heurta au passage l’appendice de l’un d’eux, y pénétra, puis s’en arracha avec un cri rauque.

L’appendice du Solide retomba, comme inerte, et son visage se convulsa de douleur. Odeen tenta de le contourner pour suivre Dua, mais le Solide lui dit d’une voix altérée :

— Laisse-la tranquille. Suffisamment de mal a déjà été fait. Nous nous occuperons de tout.

Chapitre 4 b

Odeen avait l’impression de vivre un véritable cauchemar. Dua était partie. Les Solides également. Seul restait Tritt qui gardait le silence.

Comment cela a-t-il pu se passer ? se demanda Odeen, torturé. Comment Tritt a-t-il trouvé seul le chemin des cavernes des Solides ? Comment a-t-il pu s’emparer d’une batterie de réserve alimentée par la Pompe à Positons et destinée à envoyer des radiations infiniment plus puissantes que celles du Soleil, et enfin comment a-t-il osé… ?

Odeen dut s’avouer que jamais il n’en aurait eu le courage. D’où ce Tritt maladroit, ignorant, l’avait-il puisé, ce courage ? Était-il, lui aussi, un être exceptionnel ? Pouvait-on parler d’Odeen, le Rationnel éclairé, de Dua, l’étonnante Émotionnelle, et de Tritt, l’audacieux Parental ?

— Comment t’y es-tu pris, Tritt ? demanda-t-il.

— Qu’ai-je fait d’extraordinaire ? Je voulais simplement la nourrir, rétorqua vivement Tritt. Grâce à moi elle s’est mieux alimentée qu’elle ne l’avait fait auparavant. Et maintenant nous avons enfin conçu une petite Émotionnelle. Tu ne trouves pas que nous avions suffisamment attendu ? Si cela n’avait dépendu que de Dua, nous en serions toujours au même point.

— Mais ce que tu ne comprends pas, Tritt, c’est que tu as risqué de mettre ses jours en danger. Il ne s’agissait pas de simples rayons solaires, mais d’une source de radiations expérimentale qui aurait pu être trop puissante pour elle.

— Je ne comprends pas un mot de ce que tu racontes, Odeen. Comment cela pouvait-il lui faire du mal ? J’avais eu l’occasion de goûter aux aliments que fabriquaient auparavant les Solides. Ils avaient un goût épouvantable. Tu y avais goûté toi aussi. Tout mauvais qu’ils étaient, ils ne nous ont jamais fait de mal. Ils étaient mauvais au point que Dua s’était toujours refusée à y goûter. Puis je suis tombé sur cette boule alimentaire au goût délicieux. J’en ai absorbé une certaine quantité et j’ai trouvé cela exquis. Comment un aliment aussi délicieux pourrait-il vous faire du mal ? Comme tu as pu le constater, Dua en a absorbé avec plaisir. Et c’est grâce à cela que nous avons conçu notre petite Émotionnelle. Je ne vois pas ce qu’on pourrait me reprocher.

— Dua doit être furieuse, fit Odeen renonçant à discuter davantage avec Tritt.

— Ça lui passera.

— Je me le demande. Vois-tu, Tritt, Dua n’est pas une simple Émotionnelle. C’est ce qui la rend difficile à vivre, et si merveilleuse en même temps quand on arrive à s’entendre avec elle. Il est possible qu’elle ne veuille plus jamais se prêter à une fusion.