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Déjà ils commençaient à s’interpénétrer. Un à un les Solides revinrent au moment crucial. Odeen les perçut vaguement, car déjà il commençait de se fondre en Dua.

Ce ne fut pas comme les autres fois ; ils éprouvèrent non un plaisir aigu, mais une joie profonde et apaisante. Il se sentit devenir partie de Dua et tous deux, les sens aiguisés, devenir les maîtres du monde. Les Pompes à Positons fonctionnaient toujours et lui et elle se demandèrent pourquoi elles fonctionnaient encore.

Il était Tritt aussi et un amer sentiment de perte emplit leur esprit à tous trois. Oh ! mes petits !…

Et il poussa un cri, un dernier cri en tant qu’Odeen, mais c’était également le cri de Dua.

— Non, nous ne pouvons pas obliger Estwald… nous sommes Estwald. Nous…

Ce cri, c’était Dua qui l’avait poussé, mais ce ne fut pas Dua qui se tut, car il n’y avait plus de Dua. Il n’y aurait plus jamais de Dua. Ni d’Odeen. Ni de Tritt.

Chapitre 7 abc

Estwald s’avança et dit tristement, au moyen d’ondes vibratoires, aux Solides qui attendaient :

— Je suis désormais définitivement avec vous, et une grande tâche nous attend…

TROISIÈME PARTIE

… luttent en vain

Chapitre 1

Sélénè Lindstrom arborait un radieux sourire, et les touristes, surpris au début par sa démarche élastique et bondissante, ne tardaient pas à lui trouver du charme.

— C’est l’heure de déjeuner, dit-elle gaiement. On ne vous servira que des produits du cru, Mesdames et Messieurs. Vous leur trouverez peut-être un goût bizarre, mais ils sont nourrissants… Par ici, Monsieur. Vous ne verrez pas d’inconvénient, je pense, à prendre place à la table de ces dames… Un instant. Ne vous précipitez pas. Il y aura de la place pour tous… J’ai le regret de vous annoncer que vous pourrez choisir vos boissons, mais qu’il n’y a qu’un plat principal. Aujourd’hui ce sera du veau… Non, non. La substance et le goût sont artificiels, mais vous verrez, c’est un plat excellent.

Sur quoi elle s’assit à son tour en poussant un léger soupir, l’expression un peu moins enjouée.

Un des membres du groupe vint s’asseoir en face d’elle en disant :

— Vous permettez ?

Elle lui lança un regard vif et pénétrant. Elle avait le don de porter sur les gens un rapide jugement et ce touriste lui sembla inoffensif.

— Certainement. Avec plaisir. Mais ne voyagez-vous pas en compagnie d’une personne du groupe ?

— Non, je voyage seul. Et même si ce n’était pas le cas cette bande de « Terriens » ne m’attire pas particulièrement.

Elle regarda plus attentivement cet homme d’une cinquantaine d’année, à l’air las que démentait un regard vif et inquisiteur. Il avait bien le physique d’un Terrestre alourdi par la pesanteur.

— « Terrien » est une expression que nous employons sur la Lune dans un sens plutôt péjoratif, lui fit-elle remarquer.

— Étant moi-même un Terrien, je peux me permettre de l’employer, à moins que vous n’y voyiez un inconvénient.

Sélénè haussa les épaules pour bien lui faire comprendre que cela lui était totalement indifférent.

Elle avait les yeux légèrement bridés que l’on trouve si souvent chez les jeunes Lunarites, mais ses cheveux étaient couleur de miel, et son nez, droit. Sans être vraiment belle elle était indéniablement attirante.

Le regard du Terrien était fixé sur la plaque d’identité qu’elle arborait sur sa blouse, au-dessus de son petit sein gauche haut placé. Il semble vraiment regarder la plaque et non mon sein se dit-elle, et pourtant, sous la lumière frisante, la blouse semi-transparente en laissait apercevoir le contour, car elle ne portait rien en dessous.

— Êtes-vous nombreuses à vous appeler Sélénè ? demanda-t-il.

— Oh ! oui. Nous sommes des centaines. Il y a également des Cynthia, des Diane et des Artémis. Sélénè est dur à porter. La moitié de celles que je connais sont surnommées « Silly », et les autres « Léna ».

— Et à quelle catégorie appartenez-vous ?

— Ni à l’une, ni à l’autre. Sélénè je suis, ajouta-t-elle, appuyant sur la première syllabe, pour ceux que j’autorise à m’appeler par mon prénom.

Une serveuse s’approcha de leur table et disposa des plats devant eux avec des gestes souples et rapides.

— Dans vos mains, on dirait qu’ils flottent, fit le Terrien, visiblement impressionné, en s’adressant à la serveuse qui sourit et s’éloigna.

— N’essayez surtout pas d’en faire autant, lui recommanda Sélénè. Habituée à cette pesanteur, elle s’en arrange.

— Vous voulez dire que si j’essayais, je laisserais tout tomber ?

— Vous feriez en effet de véritables catastrophes.

— Alors je m’en abstiendrai.

— Il y a bien des chances pour que sous peu un de vous le tente. Les assiettes joncheront le sol, ils s’efforceront de les attraper au vol, n’y parviendront pas, et finiront par s’étaler. Je les préviens toujours, mais en vain, et ils en sont d’autant plus gênés. Ils éclateront de rire, les touristes j’entends, car nous y sommes tellement habitués que nous n’y voyons plus rien de risible… mais quel beau gâchis !

— Je comprends ce que vous voulez dire, fit le Terrien soulevant prudemment sa fourchette. Le plus simple des gestes paraît bizarre.

— Vous vous y habituerez rapidement. Du moins à des choses banales comme de manger. Marcher est déjà plus difficile. Je n’ai jamais vu un Terrien arriver vraiment à courir. Du moins pas ce qui s’appelle courir.

Ils mangèrent un moment en silence, puis le Terrien demanda :

— À quoi correspond ce L sur votre plaque d’identité ?

Celle-ci portait en effet le nom de « Sélénè Lindstrom, suivi d’un L.

— Tout simplement à Lima, fit la jeune fille sans paraître y attacher beaucoup d’importance. Pour me distinguer des immigrants. Moi je suis née ici.

— Vraiment ?

— Cela n’a pas de quoi vous surprendre. Cela fait plus d’un demi-siècle qu’une colonie est venue s’y installer. Pensiez-vous que des enfants ne pouvaient pas y naître ? Nombre de gens qui sont nés ici sont déjà des grands-parents.

— Quel âge avez-vous ?

— Trente-deux ans.

Le Terrien eut d’abord l’air stupéfait, puis il murmura :

— Oui, évidemment.

— Vous ne vous en étonnez pas ? fit Sélénè en haussant le sourcil. Nous sommes la plupart du temps obligés d’expliquer ce phénomène aux Terriens.

— J’en sais assez pour savoir, fit le Terrien, que la plupart des signes visibles de vieillissement sont dus à la victoire inexorable de la pesanteur sur les tissus… d’où les bajoues et les seins défaillants. La pesanteur n’étant sur la Lune que le sixième de celle de la Terre, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les Lunarites conservent un air de jeunesse.

— Oui, un air de jeunesse, comme vous venez de le dire. Ce qui ne signifie pas que nous soyons immortels. La durée de vie est à peu près égale ici et sur Terre, mais nous sommes en général mieux portants, ici, en prenant de l’âge.

— C’est incontestable… mais il y a des ombres au tableau, me semble-t-il. Ainsi vous êtes obligés d’avaler ce… ajouta-t-il après avoir bu une gorgée de café.

Il chercha un mot pour qualifier ce breuvage et, n’en trouvant pas, se tut.