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Alain ne put voir sa réaction quand elle regarda par le judas, mais il n’en avait nul besoin.

« Il y a un mage sombre dehors. Au moins un, murmura-t-il à Mari.

— Les mécaniciens sombres qui travaillent avec des mages sombres ?

— J’en doute. Les mages sombres restent des mages. Ils méprisent les mécaniciens, quels qu’ils soient. »

Mari s’apprêtait à répondre lorsque la meneuse des mécaniciens sombres ouvrit la porte. Alain aperçut à peine un homme élancé d’une quarantaine d’années, au nez aquilin. Il ne portait pas de robes, mais l’énergie en suspension autour de lui annonçait clairement son statut à n’importe quel autre mage.

« Quel étrange repaire pour des dragons », lâcha-t-il d’une voix impassible.

La mécanicienne sombre modifia sa prise sur le couteau, prête à frapper.

« Tu as cinq secondes pour me convaincre de ne pas te tuer.

— Mes camarades risquent de mal le prendre, et je pense qu’il est dans votre intérêt que ce ne soit pas le cas. Nous tenons cet endroit dans le creux de notre main et, si nous devions serrer le poing, vous mourriez jusqu’au dernier et perdriez tout ce qui est stocké ici. » Son ton monocorde dénué d’émotion formait un contraste singulier avec ses paroles menaçantes.

« Tu es un mage, cracha la mécanicienne.

— Cela ne devrait pas vous poser problème, vous en avez déjà un ici. »

Alain vit tous les mécaniciens sombres sursauter de surprise. Ses efforts pour dissimuler sa présence aux autres mages ne semblaient pas avoir été couronnés de succès.

« Les mages sombres ont senti ma présence, souffla-t-il à Mari. Ils m’ont suivi. C’est ainsi qu’ils sont remontés jusqu’à cet entrepôt. Il est possible qu’ils nous aient surveillés depuis quelque temps.

— Génial ! Nous chassions les mécaniciens sombres pendant que les mécaniciens et les mages sombres nous chassaient. Connaissent-ils exactement ta position ? Est-ce la même chose que le fil ?

— Non, c’est très différent. Ils sont capables de savoir où je me trouve globalement, mais cela ne les mène pas précisément jusqu’à moi. Ils savent juste que je suis à l’intérieur de ce bâtiment. En revanche, si je lance un sort, ils sauront me localiser.

— On va éviter, alors. »

En contrebas, la meneuse des mécaniciens sombres jetait des regards noirs au mage sombre.

« Un mage ? Ici ? C’est un mensonge, mais rien de surprenant de la part d’un mage. Qu’est-ce que vous voulez ?

— Participer, fit le mage sombre avec un calme absolu. Nous nous demandions qui était derrière cette histoire de dragons, nous le savons désormais. Si vous ne voulez pas que d’autres en soient informés, disons la guilde des mages de cette ville, ou la guilde des mécaniciens, vous nous verserez la moitié de ce que vous gagnez. La moitié de votre produit brut. »

Les mages sombres devaient en connaître un rayon sur l’argent et les paiements, se dit Alain. Mais l’offre du mage ne parut pas ravir les mécaniciens sombres. Même depuis sa cachette, Alain vit le visage de la femme s’obscurcir.

« Hors de question. Sachant toutefois que te tuer nous coûterait un temps précieux, je consens à te donner un dixième du produit net. Et pas un denier de plus.

— La moitié.

— Un dixième !

— La moitié. »

Grondant de colère, la meneuse des mécaniciens sombres projeta son bras armé vers l’avant, mais sa cible disparut lorsque le mage lança un sort de dissimulation. Alain était toujours capable de le voir sous la forme d’une pâle colonne de flammes, signe de l’utilisation d’un pouvoir. Cette colonne bondit en arrière tandis que la mécanicienne sombre fendait de son couteau l’espace où le mage s’était tenu quelques instants plus tôt. La femme claqua la porte avec un grognement de dégoût, puis elle la verrouilla et retourna vers ses compagnons.

« Rassemblez nos affaires. Il faut tout déplacer cette nuit. Aussi vite que possible.

— Et si les mages tentent quelque chose ? demanda quelqu’un.

— Bougez-vous le train ! Faites monter la pression de la vapeur sur la péniche ! »

Les mécaniciens sombres se mirent à courir dans tous les sens.

Alain tapota l’épaule de Mari.

« Nous devons nous dépêcher de quitter les lieux. Je sens un mage préparer un sort puissant dans les environs. »

Elle tourna vers lui un regard alarmé, puis rampa en arrière et sauta par terre. Alain la suivit en restant à sa hauteur pendant qu’elle rebroussait rapidement chemin vers la porte latérale, en espérant que le raffut des mécaniciens couvrirait le bruit de leur fuite.

« Hé ! Qui diable… »

Alain vit un mécanicien sombre braquer les yeux dans leur direction depuis l’extrémité de l’allée dans laquelle ils se trouvaient.

Le mécanicien se remit à hurler.

« Il y a des intrus par ici ! Des communs ! Non, l’un d’eux est un mécanicien ! »

Mari brandit son pistolet, mais le mécanicien sombre bondit sur le côté, hors de leur champ de vision. Mari prit la suivante à droite, puis courut pliée en deux à travers le dédale de caisses. Alain la talonna en souhaitant qu’elle sût où elle allait.

Cela se révéla être le mauvais choix. Ils firent irruption dans la zone dégagée, où les mécaniciens sombres se tournèrent vers eux, armes au poing, tandis que, dans leur dos, Alain entendait arriver d’autres adversaires qui s’étaient lancés à leur poursuite à travers le labyrinthe.

Lui-même aurait hésité, pesé chacune des possibilités d’action, et fini rapidement pris au piège par les mécaniciens qui se ruaient sur eux. Mari, elle, ne s’arrêta pas.

« Suis-moi ! » hurla-t-elle en le saisissant par la manche et l’entraînant à toutes jambes vers l’entrée principale.

Les arbalètes chantèrent et les carreaux sifflèrent en les dépassant avant de se planter avec un bruit sec dans les caisses en bois. Sans cesser de courir, Mari leva son pistolet et les mécaniciens sombres se dispersèrent en criant.

« Elle est armée ! Abattez-la ! »

Alors qu’ils se rapprochaient de la porte, Mari jura.

« J’ai oublié. C’est verrouillé.

— Je m’occupe de ça, répondit Alain. Ne t’arrête pas ! »

Il se concentra, malgré les tirs qui les visaient et la porte qui grossissait à toute allure, et il parvint à faire disparaître une section de celle-ci juste avant que Mari ne l’eût atteinte.

La jeune femme laissa échapper un cri de surprise mais traversa l’ouverture tandis qu’un carreau se fichait dans le chambranle. Alain s’élança à la suite de la mécanicienne et ils rejoignirent une rue plongée dans les ténèbres devant l’entrepôt. Il relâcha son sort et la porte réapparut derrière lui. Il faudrait à leurs poursuivants plusieurs minutes pour la déverrouiller, ce qui leur laisserait le temps de…

Il saisit Mari par l’épaule et l’immobilisa brusquement. Elle le fusilla d’un œil incrédule.

« Nous devons décamper d’ici. Pourquoi est-ce que tu nous arrêtes ?

— À cause de cela », répondit Alain en désignant la rue droit devant eux. Le mage sombre qu’il avait senti à l’œuvre avait terminé son sort.

Mari regarda dans la direction indiquée, puis ses yeux s’écarquillèrent et sa bouche s’ouvrit.

Chapitre 16

« C’est un dragon, dit Alain. Un véritable dragon. Même s’il n’est pas très gros, il n’en reste pas moins dangereux. »