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Le visage de Jorah Mormont était noir de colère, mais il répondit. « Pour la servir. La défendre. Mourir pour elle, si besoin est. »

Cela fit rire la veuve. « Vous voulez la sauver, est-ce là votre intention ? D’ennemis plus nombreux que je ne pourrais en nommer, armés d’épées innombrables… C’est cela que vous voudriez faire croire à une pauvre veuve ? Que vous êtes un vrai et preux chevalier ouestrien, qui traverse la moitié du monde pour courir à l’aide de cette… ma foi, elle n’est pas une pure jeune fille, malgré la beauté qu’elle peut encore posséder. » Elle rit encore. « Et pensez-vous que votre nain va lui plaire ? Va-t-elle se baigner dans son sang, à votre avis, ou se contentera-t-elle de le décapiter ? »

Ser Jorah hésita. « Le nain est…

— Je sais qui est le nain, et ce qu’il est. » Ses yeux noirs se tournèrent vers Tyrion, durs comme la pierre. « Parricide, fratricide, régicide, assassin, tourne-casaque. Lannister. » Elle prononça ce dernier mot comme un juron. « Et toi, petit homme, qu’as-tu l’intention d’offrir à la reine dragon ? »

Ma haine, aurait aimé dire Tyrion. Mais il écarta ses mains autant que ses fers le lui permettaient. « Tout ce qu’elle voudra de moi. De sages conseils, un humour féroce, quelques cabrioles. Ma queue, si elle la désire. Ma langue, sinon. Je mènerai ses armées ou je lui masserai les pieds, à sa guise. Et la seule récompense que je demande sera d’avoir permission de violer et de tuer ma sœur. »

Ces mots ramenèrent le sourire au visage de la vieille. « En voilà au moins un d’honnête, annonça-t-elle, mais vous, ser… J’ai connu une douzaine de chevaliers ouestriens, et mille aventuriers de même engeance, mais nul si pur que vous vous dépeignez. Les hommes sont des sauvages, égoïstes et brutaux. Si doux que soient les mots, ils couvrent toujours de plus noirs motifs. Je n’ai pas confiance en vous, ser. » Elle les congédia d’un vif mouvement d’éventail, comme s’ils n’étaient que des mouches bourdonnant autour de sa tête. « Si vous voulez atteindre Meereen, nagez. Je n’ai pas d’aide à vous fournir. »

Alors sept enfers se déchaînèrent simultanément.

Ser Jorah commença à se lever, la veuve referma son éventail avec un claquement, son garde couvert de cicatrices se coula hors des ombres… et, derrière eux, une fille poussa un hurlement. Tyrion pivota juste à temps pour voir le nain se précipiter sur lui. C’est une fille, comprit-il sur-le-champ, une fille habillée en homme. Et elle a l’intention de m’éventrer avec ce couteau.

L’espace d’un demi-battement de cœur, ser Jorah, la veuve et l’homme aux cicatrices demeurèrent figés comme la pierre. Les badauds observaient depuis les tables voisines, buvant leur bière ou leur vin, mais nul n’esquissa un mouvement pour intervenir. Tyrion dut déplacer les deux mains en même temps, mais ses chaînes lui permettaient juste assez de jeu pour le laisser atteindre la carafe sur la table. Il referma le poing dessus, pivota et en projeta le contenu à la face de la naine qui chargeait, puis il se jeta de côté pour esquiver l’arme. La carafe se brisa sous lui tandis que le sol montait le gifler en pleine tête. Ensuite, la fille se rua de nouveau sur lui. Tyrion roula sur un côté, alors qu’elle plantait la lame dans les lattes du parquet, la dégageait d’une secousse pour la lever à nouveau…

… et soudain quitta le sol, battant des jambes, affolée, en se tortillant dans la poigne de ser Jorah. « Non ! protesta-t-elle dans la Langue Commune de Westeros. Lâchez-moi ! » Tyrion entendit sa tunique craquer alors qu’elle se démenait pour se libérer.

Mormont la tenait d’une main par le collet. De l’autre, il lui arracha le poignard des mains. « Ça suffit. »

Le tenancier fit son apparition à ce moment-là, un gourdin à la main. Lorsqu’il vit la carafe brisée, il poussa un juron enflammé et exigea de savoir ce qui se passait ici. « Un combat de nains », répliqua le Tyroshi à barbe mauve en gloussant.

Tyrion regarda en clignant les yeux la fille trempée qui se tordait dans les airs. « Pourquoi ? demanda-t-il. Qu’est-ce que j’ai bien pu te faire ?

— Ils l’ont tué. » Avec ces mots, toute velléité de combat la déserta. Elle resta ballante dans la poigne de Mormont, et ses yeux s’emplirent de larmes. « Mon frère. Ils l’ont pris et ils l’ont tué.

— Qui l’a tué ? voulut savoir Mormont.

— Des marins. Des marins des Sept Couronnes. Ils étaient cinq, soûls. Ils nous ont vus jouter sur la place et nous ont suivis. Quand ils se sont aperçus que j’étais une fille, ils m’ont laissée partir, mais ils ont pris mon frère et ils l’ont tué. Ils lui ont coupé la tête. »

Tyrion éprouva un choc de familiarité. Ils nous ont vus jouter sur la place. Il sut alors qui était la fille. « Tu chevauchais le cochon ? lui demanda-t-il. Ou le chien ?

— Le chien, sanglota-t-elle. Le cochon, c’était toujours Oppo qui le montait. »

Les nains du mariage de Joffrey. C’était leur spectacle qui avait déclenché tous les événements, ce soir-là. Que c’est curieux de les retrouver ici, à l’autre bout du monde. Mais peut-être pas si curieux que cela. S’ils ont eu moitié autant de bon sens que leur goret, ils ont dû fuir Port-Réal la nuit où Joff est mort, avant que Cersei puisse les charger d’une part du blâme pour le trépas de son fils. « Déposez-la, ser, demanda-t-il à Jorah Mormont. Elle ne nous fera plus de mal. »

Ser Jorah laissa choir la naine à terre. « Je suis navré pour ton frère… mais nous n’avons eu aucun rôle dans son meurtre.

— Lui, si. » La fille se remit à genoux, serrant sa tunique déchirée et trempée de vin contre de petits seins pâles. « C’était lui qu’ils voulaient. Ils ont pris Oppo pour lui. » La fille pleurait, implorant l’aide de qui voudrait l’entendre. « Il devrait mourir, comme mon pauvre frère est mort. Je vous en prie. Aidez-moi, quelqu’un. Tuez-le. » Le tenancier l’empoigna avec brutalité par un bras et la releva d’une traction, gueulant en volantain, exigeant de savoir qui allait payer les dégâts.

La veuve du front de fleuve jeta à Mormont un regard mesuré. « On dit que les chevaliers défendent le faible et protègent l’innocent. Et moi, je suis la plus belle pucelle de tout Volantis. » Son rire dégoulinait de dédain. « Comment t’appelle-t-on, mon enfant ?

— Sol. »

La vieille femme s’adressa au tenancier dans la langue de l’Antique Volantis. Tyrion en avait des notions suffisantes pour comprendre qu’elle lui demandait de conduire la naine dans ses appartements, de lui donner du vin et de lui trouver des vêtements à porter.

Quand ils furent partis, la veuve inspecta Tyrion, avec des yeux noirs qui brillaient. « Les monstres devraient être plus grands, il me semble. Tu vaux une seigneurie, à Westeros, petit homme. Ta valeur ici est nettement moindre, je le crains. Mais je pense qu’il vaudrait mieux que je t’aide, après tout. Apparemment, Volantis n’est pas un lieu sûr pour les nains.

— Vous êtes trop bonne. » Tyrion lui adressa son plus suave sourire. « Peut-être pourriez-vous me retirer ces charmants bracelets de fer, par la même occasion ? Le monstre en question ne possède qu’une moitié de nez, et celui-ci le démange d’une façon tout à fait abominable. Ces chaînes sont trop courtes pour que je le gratte. Je vous en ferai don, et de grand cœur.