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Devant l’armurerie, Emmett-en-Fer continuait à encourager ses élèves dans la cour. Le chant de l’acier contre l’acier éveilla un appétit en Jon. Il lui rappelait des jours plus chauds, plus simples, des jours où, enfant à Winterfell, il rivalisait à l’épée avec Robb sous l’œil vigilant de ser Rodrik Cassel. Ser Rodrik était tombé, lui aussi, tué par Theon Tourne-Casaque et ses Fer-nés, alors qu’il tentait de reprendre Winterfell. Ne restait de la grande forteresse de la maison Stark qu’une désolation calcinée. Tous mes souvenirs sont empoisonnés.

Lorsque Emmett-en-Fer l’aperçut, il leva une main et le combat cessa. « Lord Commandant. Comment pouvons-nous vous être utiles ?

— Avec tes trois meilleurs éléments. »

Emmett grimaça un sourire. « Arron. Emrick. Jace. »

Tocard et Hop Robin allèrent chercher un gambison matelassé pour le lord Commandant, en même temps qu’un haubert de maille annelée à porter par-dessus, des grèves, un gorgerin et un demi-heaume. Une rondache noire cerclée de fer à son bras gauche, une bâtarde pas encore aiguisée à la main droite. L’épée, presque neuve, avait des reflets gris argent dans la lumière de l’aube. Une des dernières à sortir de la forge de Donal. Dommage qu’il n’ait pas vécu assez longtemps pour lui donner du tranchant. La lame était plus courte que Grand-Griffe, mais son acier ordinaire la rendait plus lourde. Il porterait des coups un peu plus lents. « Ça ira comme ça. » Jon se retourna pour affronter ses adversaires. « Venez.

— Lequel voulez-vous d’abord ? demanda Arron.

— Tous les trois. Ensemble.

— Trois contre un ? » Jace était incrédule. « Ce ne serait pas juste. » Il faisait partie de la dernière fournée amenée par Conwy, un fils de cordonnier venu de Belle Île. Peut-être ceci expliquait-il cela.

« C’est vrai. Viens ici. »

Quand il obéit, la lame de Jon le frappa sur le côté de la tête, pour l’envoyer cul par-dessus tête. En un clin d’œil, le jeune homme se retrouva avec une botte contre la poitrine et une pointe d’épée à sa gorge. « La guerre n’est jamais juste, lui annonça Jon. C’est deux contre un, à présent, et tu es mort. »

Quand il entendit crisser le gravier, il sut que les jumeaux approchaient. On finira par faire des patrouilleurs de ces deux-là. Il pivota, bloquant le coup de taille d’Arron avec le rebord de son bouclier et accueillant celui d’Emrick avec son épée. « Ce ne sont pas des piques, cria-t-il. Approchez-vous. » Il monta en attaque pour leur montrer comment on procédait. D’abord, Emrick. Il frappa d’estoc en direction de sa tête et de ses épaules, à droite, à gauche et encore à droite. Le jeune homme leva son bouclier et tenta une parade maladroite. Jon choqua sa rondache contre le bouclier d’Emrick et fit tomber le jeune homme d’un coup en bas de la jambe… Mais Arron était déjà sur lui, assenant à l’arrière de sa cuisse un féroce coup d’estoc qui lui força un genou en terre. Ça va me laisser un bleu. Il reçut le coup d’estoc suivant sur son bouclier, puis se remit debout d’un sursaut et repoussa Arron à travers la cour. Il est vif, songea-t-il, tandis que les bâtardes s’embrassaient une fois, deux fois, trois fois, mais il a besoin de prendre du muscle. Lorsqu’il lut du soulagement dans les yeux d’Arron, il comprit qu’Emrick se trouvait derrière lui. Il pivota sur lui-même et lui administra en travers des épaules un coup qui l’envoya s’affaler contre son frère. Entre-temps, Jace s’était relevé, aussi Jon l’expédia-t-il derechef à terre. « Je déteste voir un mort se relever. Tu penseras comme moi, le jour où tu rencontreras un spectre. » S’écartant, il abaissa son épée.

« Le grand corbac sait picorer du bec les plus petits, gronda une voix derrière lui, mais a-t-il assez de cœur pour affronter un homme ? »

Clinquefrac était adossé contre un mur. Un début de barbe lui mangeait des joues creusées, et de fins cheveux bruns dansaient devant ses petits yeux jaunes.

« Tu te flattes, répliqua Jon.

— Certes, mais j’ t’écrabouillerais.

— Stannis n’a pas brûlé l’homme qu’il fallait.

— Si. » Le sauvageon lui lança un sourire avec une bouche de chicots bruns et cassés. « Il a brûlé çui qu’i devait brûler, devant tout l’ monde. On fait tous c’qu’on doit faire, Snow. Même les rois.

— Emmett, trouve-lui une armure. Je veux le voir vêtu d’acier, et non de vieux os. »

Une fois couvert de maille et de plate, le Seigneur des Os sembla se tenir un peu plus droit. Il paraissait plus grand, aussi, avec des épaules plus larges et plus puissantes que Jon l’aurait cru. C’est l’armure, et non l’homme, se dit-il. Même Sam paraîtrait presque formidable, revêtu de pied en cap de l’acier de Donal Noye. Le sauvageon repoussa d’un geste la rondache que lui proposait Tocard. Il demanda à la place une épée à deux mains. « En voilà un joli son, jugea-t-il en en fendant les airs. Bats des ailes plus près, Snow. J’ vais faire voler tes plumes. »

Jon se précipita sur lui avec férocité.

Clinquefrac recula d’un pas et accueillit la charge par un revers à deux mains. Si Jon n’avait pas interposé son bouclier, le coup aurait pu lui enfoncer la cuirasse et lui briser la moitié des côtes. La force d’impact le fit vaciller un instant et expédia une robuste onde de choc le long de son bras. Il frappe avec plus de force que je ne l’aurais pensé. Sa vivacité était une autre surprise désagréable. Ils tournèrent autour l’un de l’autre, rendant coup pour coup. Le Seigneur des Os ripostait sans désemparer. En bonne logique, l’épée à deux mains aurait dû être considérablement plus encombrante que la bâtarde de Jon, mais le sauvageon la maniait avec une rapidité aveuglante.

Au commencement, les recrues d’Emmett-en-Fer encouragèrent leur lord Commandant, mais l’impitoyable rapidité de l’attaque de Clinquefrac les réduisit bien vite au silence. Il ne peut pas continuer longtemps ainsi, se dit Jon en parant un nouveau coup. L’impact lui arracha un grognement. Même émoussée, la flamberge fendit sa rondache en pin et tordit le cerclage en fer. Il va bientôt se fatiguer. C’est inévitable. Jon frappa d’estoc au visage du sauvageon, et Clinquefrac écarta la tête. Il faucha en direction du mollet pour voir Clinquefrac esquiver la lame d’un bond habile. La flamberge s’abattit sur l’épaule de Jon, assez fort pour enfoncer sa spallière et engourdir le bras au-dessous. Jon recula. Le Seigneur des Os le suivit, en gloussant. Il n’a pas de bouclier, se remémora Jon, et cette épée de monstre est trop encombrante pour parer. Je devrais lui assener deux coups à chaque coup qu’il me porte.

Pourtant il n’y parvenait pas et, quand un coup portait, il restait sans effet. Le sauvageon semblait sans cesse s’écarter ou esquiver, si bien que la bâtarde de Jon rebondissait sur une épaule ou un bras. Bientôt, il se vit céder davantage de terrain, en essayant d’éviter les coups de taille fracassants de l’autre, échouant une fois sur deux. Son bouclier avait été réduit à l’état de petit bois. D’une secousse, il en débarrassa son bras. La sueur coulait sur son visage et lui piquait les yeux, sous le casque. Il est trop fort, trop rapide, comprit-il, et, avec sa flamberge, il a sur moi l’avantage de l’allonge et du poids. Le combat aurait tourné autrement si Jon avait été armé de Grand-Griffe, mais…

Sa chance arriva au revers suivant de Clinquefrac. Jon se jeta en avant, percutant l’autre homme, et ils tombèrent ensemble, les jambes emmêlées. L’acier s’entrechoqua. Les deux hommes perdirent leurs épées en roulant sur le sol dur. Le sauvageon frappa du genou entre les jambes de Jon. Jon riposta avec un poing ganté de maille. Sans qu’on sache comment, Clinquefrac se retrouva en position supérieure, la tête de Jon entre ses mains. Il la cogna contre le sol, puis remonta brutalement sa visière. « Si j’avais un poignard, i’ vous manqu’rait un œil à l’heure qu’il est », gronda-t-il, avant que Tocard et Emmett-en-Fer l’entraînent pour libérer le torse du lord Commandant. « Mais lâchez-moi, foutus corbacs ! » rugit-il.