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Même les gardes personnels de lord Roose battirent en retraite, refermant les portes derrière eux. Lorsque les échos moururent, Schlingue se retrouva seul dans la grande salle avec les deux Bolton, père et fils.

« Tu n’as pas retrouvé nos Frey manquants. » À la façon dont Roose Bolton disait cela, c’était une déclaration plutôt qu’une question.

« Nous sommes revenus à l’endroit où lord Lamproie prétend qu’ils se sont séparés, mais les chiennes n’ont pas pu relever de piste.

— Vous avez interrogé villages et redoutes ?

— Une perte de salive. Les paysans pourraient aussi bien être aveugles pour tout ce qu’ils peuvent avoir vu. » Ramsay haussa les épaules. « Est-ce important ? Quelques Frey ne feront guère défaut, en ce monde. Il n’en manque pas aux Jumeaux, si jamais nous en avions besoin d’un. »

Lord Roose rompit un petit morceau sur un quignon de pain et le mangea. « Hosteen et Aenys sont inquiets.

— Qu’ils aillent chercher eux-mêmes, si ça leur chante.

— Lord Wyman se sent coupable. À l’écouter conter les choses, il s’était particulièrement entiché de Rhaegar. »

L’ire de lord Ramsay montait. Schlingue le lisait à sa bouche, à l’inflexion de ces lippes épaisses ; à la façon dont les tendons saillaient sur son cou. « Ces imbéciles auraient dû rester avec Manderly. »

Roose Bolton haussa les épaules. « La litière de lord Wyman se déplace à l’allure d’un escargot… et, bien entendu, la santé et le tour de taille de Sa Seigneurie ne lui permettent pas de cheminer plus de quelques heures par jour, avec de fréquents arrêts pour se restaurer. Les Frey avaient hâte d’atteindre Tertre-bourg et de retrouver les leurs. Peux-tu leur reprocher d’être partis en avant ?

— Si c’est bien ce qu’ils ont fait. Croyez-vous Manderly ? »

Les yeux pâles de son père pétillèrent. « T’en ai-je donné l’impression ? Toutefois Sa Seigneurie est extrêmement perturbée.

— Point tant qu’elle en cesse de s’alimenter. Lord Verrat a dû emporter avec lui la moitié des provisions de Blancport.

— Quarante chariots de provendes. Des barils de vin et d’hypocras, des futailles de lamproies frais pêchées, un troupeau de chèvres, des caissettes de crabes et d’huîtres, une morue monstrueuse… Lord Wyman aime manger. Tu l’auras sans doute remarqué.

— J’ai surtout remarqué qu’il n’amenait aucun otage.

— Je l’ai remarqué aussi.

— Qu’avez-vous l’intention d’y faire ?

— C’est un dilemme. » Lord Roose trouva un gobelet vide, l’essuya avec la nappe et le remplit à une carafe. « Manderly n’est pas le seul à donner des banquets, apparemment.

— C’est vous qui auriez dû le donner, afin de célébrer mon retour, se plaignit Ramsay, et il aurait dû se tenir à la Tertrée, pas dans ce castel pisseux.

— Il ne me revient pas de disposer de la Tertrée et de ses cuisines, fit observer son père avec douceur. Je n’y suis qu’un invité. Le castel et la ville appartiennent à lady Dustin et elle ne peut te souffrir. »

Le visage de Ramsay s’assombrit. « Si je lui sectionne les mamelles pour en nourrir mes filles, m’en supportera-t-elle davantage ? Me souffrira-t-elle quand je l’écorcherai pour me confectionner une paire de bottes ?

— Probablement pas. Et nous paierions cher ces bottes. Elles nous coûteraient Tertre-bourg, la maison Dustin et les Ryswell. » Roose Bolton s’assit à table en face de son fils. « Barbrey Dustin est la sœur cadette de ma seconde femme, fille de Rodrik Ryswell, sœur de Roger, Rickard et de mon homonyme, Roose, cousin des autres Ryswell. Elle était amourachée de mon défunt fils et te soupçonne d’avoir joué un rôle dans sa disparition. Lady Barbrey est une femme qui sait entretenir les griefs. Félicite-t’en. Si Tertre-bourg soutient Bolton avec vigueur, c’est largement parce qu’elle tient toujours Ned Stark pour responsable de la mort de son époux.

— Avec vigueur ? » Ramsay bouillait. « Elle ne cesse de me cracher dessus. Viendra le jour où j’incendierai son précieux village de bois. Qu’elle aille cracher dessus, pour voir si cela éteindra les flammes. »

Roose grimaça, comme si la bière qu’il sirotait avait soudain tourné à l’aigre. « Il y a des moments où tu me forces à me demander si tu es réellement issu de ma semence. On a traité mes ancêtres de bien des noms, mais jamais de sots. Non, tais-toi à présent, j’en ai assez entendu. Certes, à l’heure actuelle, nous paraissons forts. Nous avons des amis puissants, les Lannister et les Frey, et le soutien circonspect de la plus grande part du Nord… mais qu’imagines-tu qu’il se passera lorsque viendra à se présenter un des fils de Ned Stark ? »

Tous les fils de Ned Stark sont morts, songea Schlingue. Robb a été assassiné aux Jumeaux, et Bran et Rickon… Nous avons enduit les têtes de goudron… Sa propre tête battait. Il ne voulait songer à rien qui s’était passé avant qu’il connût son nom. Certaines choses étaient trop pénibles pour s’en souvenir, des pensées presque aussi douloureuses que le couteau d’écorcheur de Ramsay…

« Les petits louveteaux de Stark sont morts, déclara Ramsay en faisant clapoter la bière dans sa coupe, et le resteront. Qu’ils montrent leurs sales trognes, et mes filles tailleront leurs loups en pièces. Plus tôt ils apparaîtront, et plus tôt je les tuerai une deuxième fois. »

Le plus âgé des Bolton poussa un soupir. « Une deuxième fois ? Assurément, ta langue se fourvoie. Tu n’as jamais tué les fils de lord Eddard, ces deux charmants garçons que nous aimions tant. Ce fut l’œuvre de Theon Tourne-Casaque, souviens-toi. Combien de tes réticents amis conserverions-nous, à ton idée, si la vérité venait à s’ébruiter ? Rien que lady Barbrey, que tu voudrais transformer en paire de bottes… de bottes médiocres. Le cuir humain n’est pas aussi solide que le cuir de vache et ne résiste pas aussi bien. Par décret du roi, tu es désormais un Bolton. Essaie de te comporter comme tel. Des histoires courent sur ton compte, Ramsay. Je les entends partout. Les gens ont peur de toi.

— Parfait.

— Tu te trompes. Ce n’est pas parfait. Aucune histoire n’a jamais couru sur mon compte. Crois-tu que je serais assis ici, s’il en allait autrement ? Tes amusements ne regardent que toi, je ne te gourmanderai pas sur ce point, mais tu dois être plus discret. À pays paisible, peuple paisible. Telle a toujours été ma devise. Fais-la tienne.

— Est-ce pour cela que vous avez quitté lady Dustin et votre grosse truie d’épouse ? Pour accourir ici et me commander de me taire ?

— Point du tout. Il y a des nouvelles que tu dois apprendre. Lord Stannis a enfin quitté le Mur. »

Cela fit se relever à moitié Ramsay, un sourire luisant sur ses larges lèvres humides. « Est-ce qu’il fait mouvement contre Fort-Terreur ?

— Hélas, non. Arnolf ne comprend pas. Il jure qu’il a tout fait pour amorcer le piège.

— Je me demande. Griffez le Karstark et vous trouverez un Stark.

— Après le coup de griffe que le Jeune Loup a infligé à lord Rickard, cela pourrait être beaucoup moins vrai que naguère. Peu importe. Lord Stannis a pris Motte-la-Forêt aux Fer-nés pour le restituer à la maison Glover. Pire, les clans des montagnes se sont joints à lui, Wull, Norroit, Lideuil et le reste. Ses forces croissent.

— Les nôtres sont supérieures.

— À l’heure actuelle, oui.

— L’heure actuelle est le bon moment pour l’écraser. Laissez-moi marcher sur Motte.

— Après que tu seras marié. »