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Orson Scott Card

Les enfants de l’esprit

À Barbara Bova, dont la rigueur, la sagesse et la compréhension en font un agent hors pair et une amie plus précieuse encore.

remerciements

Je remercie vivement :

Glenn Makitka, pour le titre, qui me paraît tellement évident aujourd’hui, mais ne m’avait pas traversé l’esprit avant qu’il ne me le suggère lors d’une conversation à Hatrack River sur America Online.

Van Vessel, pour m’avoir fait connaître Hikari et Kenzaburo Oe, et pour sa traduction exceptionnelle du livre de Shûsaku Endô, Deep River.

Les lecteurs inspirés de Hatrack River, tels que Stephen Boulet et Sandi Golden, qui ont repéré des erreurs typographiques ainsi que certaines incohérences dans le manuscrit.

Tom Doherty et Beth Meacham à Tor, qui m’ont permis de diviser Xénocide en deux parties, afin de développer la deuxième partie comme il se devait.

Mon amie et collègue lorsqu’il s’agit de défricher la littérature, Kathryn H. Kidd, pour ses encouragements chapitre par chapitre.

Kathleen Bellamy et Scott J. Allen pour leur aide digne de Sisyphe.

Kristine et Geoff pour leur lecture approfondie, qui m’a permis de régler quelques incohérences et autres imprécisions.

Et enfin ma femme, Kristine, et mes enfants Geoffrey, Emily, Charlie Ben et Zina, pour avoir fait preuve de compréhension face à mes horaires impossibles et mes absences durant le travail d’écriture, et m’avoir appris ce qui justifie le travail de conteur.

L’écriture de ce roman a commencé chez moi à Greensboro, Caroline du Nord, et s’est achevée sur la route de Xanadu II à Myrtle Beach, à l’hôtel Panama, San Rafael, ainsi que dans la maison de Los Angeles de mes chers cousins Mark et Margaret Park, que je remercie pour leur gentillesse et leur hospitalité. Certains chapitres ont été diffusés sur America Online lors de la rencontre avec la ville de Hatrack River ; des dizaines de citoyens amis de cette communauté virtuelle ont pu les télécharger, les lire et me faire part de leurs remarques pour le bénéfice du livre et le mien.

1

« Je ne suis pas moi-même »

« Mère. Père. Ai-je bien fait ? »

Dernières paroles de Han Qing-Jao,
d’après Murmures Divins de Han Qing-Jao

Si Wang-mu s’avança. Le jeune homme nommé Peter lui prit la main et la guida dans le vaisseau spatial. La porte se referma derrière eux.

Wang-mu s’assit sur l’un des sièges pivotants de la petite salle aux parois métalliques. Elle regarda autour d’elle, s’attendant à voir quelque chose de nouveau et d’étrange. Or, les parois métalliques mises à part, elle aurait pu se trouver dans un quelconque bureau sur la planète La Voie. C’était propre, mais sans exagération. Meublé de manière très fonctionnelle. Elle avait vu des hologrammes de vaisseaux en déplacement : des vaisseaux de combats aérodynamiques et des navettes entrant et sortant de l’atmosphère ; des vaisseaux aux énormes structures arrondies frôlant la vitesse de la lumière autant que la matière le permettait. D’un côté, la puissance affûtée d’une aiguille, de l’autre la puissance destructrice d’une masse de forgeron. Mais dans cette salle, point de démonstration de puissance. Il s’agissait d’une simple salle.

Où se trouvait le pilote ? Il devait fatalement y avoir un pilote, car le jeune homme assis de l’autre côté de la pièce qui murmurait devant son ordinateur pouvait difficilement contrôler un vaisseau capable de se déplacer plus vite que la lumière.

Et pourtant, ce devait bien être ce qu’il faisait, car il n’y avait aucune autre porte donnant sur d’autres salles. Le vaisseau lui avait semblé petit de l’extérieur ; cette pièce devait vraisemblablement remplir tout l’espace disponible. Là, dans un coin, se trouvaient les batteries servant à engranger l’énergie des capteurs solaires situés sur la superstructure du vaisseau. Et dans un coffre qui semblait protégé par une isolation rappelant celle d’un réfrigérateur, devait se trouver de la nourriture et de quoi boire. Voilà ce qu’il en était des systèmes de survie. Où était passé le côté romanesque du voyage dans l’espace, quand tout se résumait à cela ? Une simple salle.

Comme rien d’autre n’attirait son regard, elle reporta son attention sur le jeune homme devant l’ordinateur. Il avait dit s’appeler Peter Wiggin. Le nom de l’ancien Hégémon, le premier homme à avoir rassemblé la race humaine sous son contrôle à une époque où les hommes ne vivaient que sur une seule planète. Toutes ces nations, ces races, ces religions et ces philosophies vivant coude à coude, sans autre endroit où aller à part chez le voisin. Car le ciel était alors un plafond, et l’espace un vaste gouffre dont la traversée était impossible. Peter Wiggin, l’homme qui avait régné sur la race humaine. Ce n’était pas lui, bien sûr, et il l’avait admis. Andrew Wiggin l’avait envoyé ; Wang-mu se souvenait, selon les dires de Maître Han, qu’Andrew Wiggin l’avait en quelque sorte créé. Est-ce que cela impliquait que le Porte-Parole des Morts était le père de Peter ? Ou bien était-il en quelque sorte le frère d’Ender, non seulement le représentant mais aussi l’incarnation de l’Hégémon mort depuis bientôt trois mille ans ?

Peter cessa de murmurer, s’enfonça dans son fauteuil et lâcha un profond soupir. Il se frotta les yeux, s’étira, puis poussa un grognement. Ce qui faisait preuve d’un certain manque de délicatesse à l’égard de son hôte. Le genre de réaction que l’on s’attendrait plutôt à voir chez un manœuvre rustre.

Il parut remarquer la désapprobation de Wang-mu, ou peut-être l’avait-il simplement oubliée et venait-il tout juste de se rappeler qu’il avait de la compagnie. Toujours avachi dans son fauteuil, il tourna la tête et la fixa.

« Excusez-moi, dit-il. J’avais oublié que je n’étais pas seul. »

Wang-mu mourait d’envie de lui répondre avec impudence, malgré une vie entière passée à s’interdire de telles réactions. Après tout, il s’était bien adressé à elle avec une certaine impudence agressive lorsque son vaisseau était apparu tel un champignon sur la berge de la rivière et qu’il s’était présenté avec une simple fiole contenant un antivirus destiné à guérir sa planète d’origine, La Voie, de sa maladie génétique. Il n’y avait pas un quart d’heure qu’il l’avait regardée clans les yeux avant de lui dire : « Venez avec moi, et vous inscrirez votre nom dans l’histoire. Vous ferez l’histoire. » Et, malgré sa peur, elle avait accepté.

Elle avait dit oui, et se retrouvait maintenant à l’observer sur son siège pivotant, se comportant comme un rustre et s’étirant comme un tigre devant elle. Était-ce là sa bête de cœur, le tigre ? Wang-mu avait lu l’Hégémon. Elle pouvait croire sans problème qu’il y avait quelque chose du tigre dans ce terrible et imposant personnage. Mais lui ? Ce garçon ? Il avait beau être plus vieux que Wang-mu, elle était assez âgée pour reconnaître un être immature quand elle en voyait un. Alors comme ça, il allait changer le cours de l’histoire ! Nettoyer le Congrès de sa corruption. Arrêter la Flotte lusitanienne. Faire de toutes les planètes colonisées des membres à part entière des Cent Planètes. Lui, ce garçon qui était là à s’étirer comme un chat sauvage.

« Vous semblez ne pas approuver », dit-il. Il paraissait agacé et amusé à la fois. Cela dit, elle n’était pas forcément apte à repérer les inflexions d’une telle personne. Il était en effet difficile de déchiffrer les grimaces d’un homme aux yeux si ronds. Son visage et sa voix contenaient tous deux des langages cachés qu’elle ne pouvait déchiffrer.