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Jane aussi.

Ainsi que tous les autres.

« La différence entre Ender et toi, lui dit une voix dans son esprit, un léger murmure à peine audible, c’est que lorsque Ender prépare un plan pour sauver quelqu’un, cela n’engage que lui. »

« C’est faux, dit Miro à la Reine. Il a bien tué Humain, non ? C’était bien la vie d’Humain qui était en jeu. »

Humain était devenu un des arbres-pères qui poussaient aux portes du village de Milagre. Ender l’avait tué à petit feu, pour qu’il puisse prendre racine dans le sol et passer dans sa troisième vie en gardant tous ses souvenirs intacts.

« Humain n’est peut-être pas réellement mort, reprit Miro. Mais Planter l’est et, là encore, Ender a laissé faire. Et combien de reines sont mortes dans la guerre qui a opposé votre peuple à celui d’Ender ? Alors ne venez pas me parler du prix que paye Ender pour ses actes. Il se débrouille pour le payer, en faisant payer ceux qui en ont les moyens. »

La réponse de la Reine ne se fit pas attendre. « Je ne veux pas que vous me trouviez. Allez-vous perdre dans les ténèbres. »

« Pourtant vous non plus vous ne voulez pas que Jane meure.

— Je n’aime pas entendre sa voix à l’intérieur de moi, murmura Val.

— Continue de marcher. Continue de suivre.

— Je ne peux pas. L’ouvrière… elle m’a lâché la main.

— Tu veux dire que nous sommes perdus ? »

Le silence de Val fut sa seule réponse. Ils se tenaient par la main dans l’obscurité, ne sachant quelle direction prendre.

« Je ne peux pas faire ce que vous me demandez. »

« La dernière fois que je suis venu ici, dit Miro, vous m’avez dit comment les reines avaient essayé de tendre un piège à Ender. Sauf que c’était impossible. Alors elles ont créé ce pont, elles sont allées chercher un aiúa Dehors pour en faire un pont, un lien pour communiquer mentalement avec Ender, via le jeu fantastique qu’il jouait sur son ordinateur à l’Ecole de Guerre. Vous avez déjà fait ça – vous êtes allées chercher un aiúa Dehors. Pourquoi ne pourriez-vous pas retrouver cet aiúa et le transférer ailleurs ? Le connecter à autre chose ? »

« Le pont était une partie de nous-mêmes. Et en partie nous-mêmes. Nous sommes allées chercher cet aiúa comme nous le faisons pour créer de nouvelles reines. Mais dans le cas présent, il s’agit de quelque chose de complètement différent. Cet ancien pont est désormais totalement autonome, ce n’est plus une particule isolée cherchant désespérément une connexion. »

« Vous dites simplement que c’est quelque chose de nouveau, que vous ne savez pas encore faire. Pas que c’est infaisable. »

« Elle ne veut pas que vous le fassiez. Nous ne pouvons pas le faire si elle ne le souhaite pas. »

« Tu as donc le moyen de m’en empêcher, murmura Miro à Val.

— Elle ne parle pas de moi », répondit Val.

« Jane ne veut pas prendre le corps de quelqu’un d’autre. »

« C’est celui d’Ender. Il en a deux autres. Celui-ci en est un de rechange. Lui-même n’en veut plus. »

« Nous ne pouvons pas faire cela. Nous ne le ferons pas. Partez. »

« Nous ne pouvons pas partir dans le noir », dit Miro.

Il sentit Val lâcher sa main.

« Non, cria-t-il. Ne t’en va pas ! »

« Que faites-vous ? »

Miro comprit que la question ne s’adressait pas à lui.

« Où allez-vous ? Il est dangereux de s’aventurer dans le noir. »

Miro entendit la voix de Val, qui semblait curieusement lointaine. Elle devait avancer rapidement dans le noir. « Si vous et Jane êtes tellement soucieuses de me sauver la vie, dit-elle, donnez-nous un guide. Sinon, qui se souciera que je tombe dans un puits et me casse le cou ? Pas Ender en tout cas. Pas moi. Et certainement pas Miro.

— N’avance plus ! hurla Miro. Ne bouge surtout pas, Val !

— C’est à toi de ne pas bouger, lui retourna Val. Tu as au moins une vie à sauver ! »

Miro sentit brusquement une main saisir la sienne. Non, une griffe. Il s’agrippa à la pince d’une ouvrière qui le guida dans le noir. Pas très loin. Puis ils bifurquèrent vers une zone moins sombre, bifurquèrent de nouveau, et purent enfin y voir clair. Après d’autres bifurcations, ils se retrouvèrent enfin dans une pièce éclairée par un conduit qui communiquait avec la surface. Val était déjà là, assise à même le sol devant la Reine.

La dernière fois que Miro l’avait vue, elle était sur le point de pondre ses œufs – des œufs qui allaient donner naissance à d’autres reines après un processus brutal, cruel et sensuel à la fois. Mais maintenant, elle était simplement allongée sur le sol humide du tunnel, occupée à manger ce qu’un incessant cortège d’ouvrières lui apportait. Des pots en terre cuite remplis de purée d’amarante mélangée à de l’eau. À d’autres moments, des fruits. À d’autres encore, de la viande. Sans interruption, une ouvrière après l’autre. Miro n’avait jamais vu ni imaginé quelqu’un manger autant.

« Comment croyez-vous que je fais pour pondre mes œufs ? »

« Nous ne pourrons jamais contrer la flotte sans le voyage stellaire, dit Miro. Ils risquent de tuer Jane à tout moment. Si le réseau ansible est fermé, elle mourra. Que se passera-t-il alors ? Quels vaisseaux utiliserez-vous ? La Flotte lusitanienne viendra détruire cette planète. »

« Il y a d’innombrables dangers dans l’univers. Vous n’êtes pas censé vous inquiéter de celui-ci. »

« Je m’inquiète de tout, protesta Miro. Tout me concerne. De plus, j’ai achevé mon travail. Nous avons plus de planètes qu’il n’en faut. Ce dont nous avons besoin dans l’immédiat, c’est d’une plus grande quantité de vaisseaux et de temps, pas de planètes. »

« Êtes-vous borné ? Pensez-vous que Jane et moi, nous vous envoyons dans l’espace sans raison ? Votre tâche n’est plus de trouver de nouvelles planètes à coloniser. »

« Ah bon ? Et quand ce changement a-t-il eu lieu ? »

« L’idée de planètes colonisables n’est venue qu’en second lieu. Un effet secondaire en quelque sorte. »

« Alors à quoi cela a-t-il servi que Val et moi nous nous crevions à la tâche ces dernières semaines ? Et dans le cas de Val, l’expression prend un sens littéral – c’est une telle corvée qu’Ender s’en est complètement désintéressé ; résultat : Val est en train de disparaître. »

« Un danger pire nous menace. La Flotte est battue d’avance. Nous nous sommes dispersées à travers l’univers. Quelle importance si je devais mourir ? Mes filles possèdent toute ma mémoire. »

« Tu vois, Val ? dit Miro. La Reine le sait – tes souvenirs sont ce que tu es. Si les souvenirs survivent, tu vis toujours.

— Tu parles ! lâcha doucement Val. De quelle menace parle-t-elle ?

— Il n’y a pas d’autre menace, dit Miro. Elle veut simplement que je m’en aille, mais je ne partirai pas. Ta vie mérite d’être sauvée, Val. Celle de Jane aussi. Et si c’est faisable, la Reine trouvera un moyen d’y parvenir. Si Jane était le pont entre Ender et les reines, pourquoi Ender ne serait-il pas le pont entre Jane et toi ? »