Выбрать главу

« Je veux savoir, dit Miro, une fois la porte fermée. Je veux savoir quelle est notre véritable mission.

— J’y ai réfléchi. J’ai réfléchi aux endroits que nous avons visités. Nous avons fait de nombreux sauts de puce. Au début, il ne s’agissait que de galaxies plus ou moins proches, au petit bonheur la chance. Mais récemment nous avons eu tendance à ne voyager que dans un périmètre bien délimité. Une sorte de cône, et il me semble qu’il rétrécit. Jane a une destination bien particulière en tête, et les données que nous récoltons sur chaque planète l’informent que nous nous approchons de plus en plus du but, que nous sommes sur la bonne voie. Elle cherche quelque chose.

— Donc si nous examinons de plus près les données relevées sur chaque planète explorée, nous devrions trouver un schéma bien précis ?

— En particulier les planètes comprises dans l’espace conique dans lequel nous évoluons. Il y a quelque chose concernant les planètes de cette zone qui la pousse à chercher de plus en plus dans cette voie. »

Un des visages de Jane apparut au-dessus de l’ordinateur de Miro. « Ne perdez pas de temps à chercher ce que je sais déjà, dit-elle. Vous avez une planète à explorer, alors au travail !

— La ferme, dit Miro. Si tu n’as pas l’intention de nous le dire, nous prendrons le temps qu’il faudra pour le découvrir nous-mêmes.

— Ça c’est envoyé, mon brave et courageux héros, ironisa Jane.

— Il a raison, intervint Val. Dis-le-nous, et nous ne perdrons plus notre temps à chercher la réponse.

— Et moi qui croyais qu’une des caractéristiques des créatures vivantes était d’avoir des éclairs d’intuition transcendant la raison pour trouver ce qui les intéresse, dit Jane. Je suis déçue que vous n’ayez pas trouvé plus tôt. »

Miro comprit brusquement. « Tu cherches la planète du virus de la descolada. »

Val le regarda, perplexe. « Quoi ?

— Le virus descolada a été fabriqué. Il a été créé, puis envoyé pour préparer la colonisation d’autres planètes. Et ceux qui ont fait ça sont peut-être encore en vie, à fabriquer d’autres virus, à lancer d’autres sondes, à envoyer ces virus que nous ne pourrons peut-être ni contrer ni détruire. Jane recherche la planète d’origine. Ou plutôt, nous cherchons pour elle.

— C’était facile à trouver, dit Jane. Vous aviez largement assez d’informations. »

Val acquiesça. « Cela paraît évident maintenant. Certaines des planètes que nous avons explorées étaient très pauvres en faune et en flore. J’en ai même fait la remarque pour deux ou trois d’entre elles. Il y avait sans doute eu des disparitions en chaîne. Bien entendu, cela n’avait rien à voir avec la situation sur Lusitania. Et le virus de la descolada n’était pas en cause.

— Mais d’autres virus, aux effets moins durables, moins efficaces que la descolada, dit Miro. Ce sont peut-être les premières versions du virus qui ont causé l’extinction progressive des espèces de ces planètes. Le virus test a fini par disparaître, mais ces écosystèmes ne se sont pas encore remis des dégâts causés.

— J’avais mes doutes concernant les carences de ces planètes, dit Val. J’ai examiné leurs écosystèmes de plus près, cherchant des traces de la descolada, ou de quelque chose de similaire, parce que je me doutais qu’une extinction récente de ce genre ne pouvait être que le signe d’une grande menace. Je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu ne pas m’apercevoir plus tôt que c’était ce que cherchait Jane.

— Admettons que nous trouvions leur planète d’origine, que se passera-t-il ensuite ? demanda Miro.

— Je suppose que nous les examinerons à une distance raisonnable, dit Val. Une fois que nous serons sûrs d’être dans le vrai, il ne nous restera plus qu’à contacter le Congrès Stellaire pour qu’il fasse sauter la planète.

— Et une autre espèce intelligente ? demanda Miro, incrédule. Tu penses vraiment que nous allons inviter le Congrès à la détruire ?

— Tu oublies que le congrès se passe volontiers d’invitation, dit Val. Ou de permission. Et s’ils pensent que Lusitania est assez dangereuse pour mériter d’être détruite, que feront-ils face à ceux qui fabriquent et envoient de sales petits virus au pouvoir de destruction effrayant ? Je ne donnerais pas vraiment tort au Congrès sur ce point. C’est par un pur effet du hasard que la descolada a aidé les ancêtres des pequeninos à devenir une espèce intelligente. Si aide il y a eu – car certains éléments permettent de penser que les pequeninos étaient déjà une espèce intelligente et la descolada a bien failli les exterminer jusqu’au dernier. Ceux qui ont envoyé ce virus doivent être dépourvus de la moindre morale. Ainsi que de la notion du droit à la vie des autres espèces.

— Peut-être n’ont-ils pas cette notion pour l’instant. Mais lorsqu’ils nous rencontreront…

— Si nous n’attrapons pas quelque terrible maladie qui nous tuera dix minutes après notre atterrissage. Ne t’inquiète pas, Miro. Je n’ai pas l’intention de détruire tous ceux que nous croiserons sur notre chemin. Je suis moi-même suffisamment différente pour ne pas souhaiter l’extermination d’une autre espèce.

— Je n’arrive pas à croire que tu envisages déjà de tuer tous ces gens, alors que nous venons à peine de comprendre que nous les cherchions !

— Chaque fois que les humains rencontrent d’autres espèces, qu’elles soient faibles ou puissantes, dangereuses ou non, la question de la destruction se pose tôt ou tard. C’est génétique.

— Comme l’amour. Comme le besoin de vivre en communauté. Comme la curiosité qui finit souvent par l’emporter sur la xénophobie. Comme l’honnêteté.

— Tu as oublié la peur de Dieu. N’oublie pas qu’en réalité je suis Ender. On ne l’appelle pas le Xénocide sans raison.

— Oui, mais n’es-tu pas son côté le moins agressif ?

— Peut-être, mais même les plus pacifistes savent que parfois, ne pas tuer signifie risquer de mourir.

— Je n’arrive pas à croire que tu puisses parler ainsi.

— Comme quoi tu ne me connais pas si bien que ça, dit Val, en arborant un petit sourire convenu.

— Je n’aime pas ton air suffisant.

— Tant mieux. Comme ça, tu ne me regretteras pas trop quand je serai morte. » Elle lui tourna le dos. Il l’observa un instant en silence, perplexe. Elle était assise, tassée dans son fauteuil, étudiant les informations provenant de la sonde. Des listes de données défilaient devant ses yeux ; elle appuyait sur un bouton et la première liste disparaissait, cédant la place à la suivante. Elle était concentrée sur sa tâche, bien sûr, mais il y avait autre chose. Elle paraissait excitée. Ou tendue. Et cela lui inspira une certaine crainte.

Une crainte ? De quoi ? C’était pourtant ce qu’il avait espéré. Quelques instants plus tôt, Val avait réussi là où Miro, lors de sa conversation avec Ender, avait échoué. Elle avait de nouveau accaparé l’attention d’Ender. Maintenant qu’elle savait ce qu’elle cherchait, qu’un problème majeur était apparu, que l’avenir de toutes les espèces intelligentes dépendait de ce qu’elle ferait, Ender allait forcément s’intéresser à elle, au moins autant qu’à Peter. Elle ne disparaîtrait plus. Elle pouvait désormais espérer vivre.

« Bravo, tu as gagné, lui souffla Jane à l’oreille. Maintenant elle ne me donnera plus son corps. »

Était-ce ce que Miro craignait ? Non, il ne s’agissait pas de cela. Il ne voulait pas que Val meure, quoi qu’elle en dise. Il était heureux de la voir si vivante, vibrante, impliquée – même si cela lui donnait un air suffisant. Non, il y avait autre chose.