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— Lorsque vous avez dit que nous étions stupides, qu’entendiez-vous par là ? demanda Coupe-Feu.

— Nous n’arriverons jamais à déchiffrer leur langage, expliqua Miro, pour la bonne raison que ce n’est pas un langage. Il ne s’agit que d’une série de codes biologiques. Ils ne parlent pas. Ils ne font pas dans l’abstrait.

Ils se contentent de créer des molécules qui agissent sur les autres. C’est un peu comme si le langage humain était constitué de briques et de sandwiches. Envoyez une brique ou donnez un sandwich, punissez ou récompensez. S’ils ont des pensées abstraites, nous n’y aurons pas accès en lisant ces molécules.

— J’ai du mal à croire qu’une espèce incapable de langage abstrait puisse fabriquer des vaisseaux comme ceux-ci, dit Quara d’un ton hautain. Ils arrivent tout de même à diffuser ces molécules comme nous des vidéos ou des voix.

— Et s’ils possédaient des organes internes capables de traduire directement des messages moléculaires en structures chimiques ou physiques ? Ils pourraient dans ce cas…

— Tu ne comprends pas ce que je veux dire, insista Quara. Tu ne peux pas construire une base de savoir commun en lançant des briques ou en partageant des sandwiches. Il leur faut un langage pour stocker des informations en dehors de leur corps afin de les transmettre d’individu à individu, d’une génération à une autre. On ne peut pas voyager dans l’espace ou envoyer des messages faisant appel au spectre électromagnétique en se fondant sur ce qu’une personne peut faire avec une brique.

— Elle n’a sans doute pas tort, remarqua Ela.

— Dans ce cas, peut-être que certaines parties des messages moléculaires qu’ils envoient sont des codes de mémoire, dit Miro. Une fois de plus, il ne s’agit pas d’un langage – cela stimule le cerveau pour qu’il se « souvienne » de choses dont l’envoyeur a fait l’expérience mais pas le receveur.

— Écoutez, intervint Coupe-Feu, que vous ayez raison ou non, nous devons continuer à tout tenter pour déchiffrer ce langage.

— Si j’ai raison, nous sommes en train de perdre notre temps, répliqua Miro.

— Précisément, dit Coupe-Feu.

— Ah. » L’argument de Coupe-Feu n’était pas si bête. Si Miro ne se trompait pas, toute cette mission n’avait plus aucun sens – ils avaient déjà échoué. Il fallait donc qu’ils continuent de faire comme si Miro se trompait, comme si ce langage pouvait être déchiffré, car dans le cas contraire, c’était l’impasse.

Et pourtant…

« Nous oublions quelque chose, dit Miro.

— Pas moi, dit Quara.

— Jane. Elle a été créée pour servir de pont entre les espèces.

— Entre les humains et les reines, pas entre des extraterrestres concepteurs de virus inconnus et les humains », observa Quara.

Mais Ela trouvait cela intéressant. « La façon de communiquer des humains – le discours d’égal à égal – devait certainement paraître aussi étrange aux reines que ce langage moléculaire l’est pour nous. Il n’est pas impossible que Jane trouve un moyen de se connecter à eux philotiquement.

— Par télépathie ? dit Quara. Nous n’avons pas de pont, rappelez-vous.

— Tout dépend comment ils peuvent utiliser les liens philotiques. La Reine parle tout le temps avec Humain, n’est-ce pas ? Parce que les arbres-pères et les reines utilisent déjà des liens philotiques pour communiquer. Ils se parlent d’esprit à esprit, sans qu’un langage intervienne. Et ils ne se ressemblent pas plus sur le plan biologique que les reines et les humains. »

Ela acquiesça pensivement. « Jane ne peut rien tenter de tel pour l’instant, pas avant que le problème de la flotte du Congrès soit réglé. Mais dès qu’elle pourra nous redonner toute son attention, elle sera peut-être en mesure de contacter ces… individus directement, ou du moins d’essayer.

— Si ces êtres communiquaient par des liens philotiques, ils n’auraient pas besoin d’utiliser de molécules, objecta Quara.

— Peut-être que c’est ainsi qu’ils communiquent avec des animaux », dit Miro.

L’amiral Lands avait du mal à croire ce qu’il entendait. Le Premier Porte-parole du Congrès Stellaire et le Premier Secrétaire de l’Amirauté de la Flotte stellaire étaient tous deux visibles au-dessus de l’ordinateur, et leurs messages étaient identiques. « La quarantaine, exactement, disait le Secrétaire. Vous n’êtes pas autorisé à utiliser le Dispositif de Désintégration Moléculaire.

— La quarantaine n’est pas envisageable, répondit Lands. Nous avançons trop vite. Vous êtes au courant du plan de bataille que j’ai préparé au début de notre voyage. Il nous faudrait des semaines pour ralentir. Et qu’adviendra-t-il de nos hommes ? Il n’est déjà pas évident de les faire voyager en vol relativiste pour les ramener chez eux ensuite. Leurs amis et leurs familles seront morts depuis longtemps, mais au moins ils ne seront pas coincés en service permanent dans un vaisseau ! En maintenant notre vitesse proche du vol relativiste, je leur économise des mois de vie passés en accélérations et décélérations. Et vous leur demandez de perdre des années de leur vie !

— J’espère que vous n’êtes pas en train de suggérer de faire sauter Lusitania et d’exterminer les pequeninos ainsi que des milliers d’êtres humains pour éviter à votre équipage de déprimer, plaça le Premier Porte-parole.

— Je dis simplement que si vous ne voulez pas que nous fassions sauter cette planète, très bien… mais laissez-nous rentrer chez nous.

— Nous ne pouvons y consentir, dit le Premier Secrétaire. La descolada est trop dangereuse pour la laisser sans surveillance sur une planète en pleine révolte.

— Ce qui signifie que vous annulez l’utilisation du Petit Docteur alors que rien n’a été prévu pour contrer le virus de la descolada ?

— Nous allons envoyer une équipe au sol avec toutes les précautions nécessaires afin d’évaluer les risques sur place, dit le Premier Secrétaire.

— En d’autres termes, vous allez envoyer des hommes affronter un danger mortel sans réelle connaissance de la situation sur le terrain, alors que nous avons le moyen d’éliminer le danger sans faire courir le moindre risque d’infection aux personnes saines.

— Le Congrès a pris sa décision, trancha le Premier Porte-parole. Nous ne commettrons pas un nouveau xénocide alors qu’il existe une solution de rechange. Avez-vous bien reçu et compris ces ordres ?

— Oui, monsieur, fit Lands.

— Seront-ils exécutés ? » demanda le Premier Porte-parole.

Le Premier Secrétaire était atterré. Il n’y avait pas de pire insulte que de demander à un officier s’il avait l’intention d’obéir aux ordres.

Pourtant le Premier Porte-parole ne se rétracta pas.

« Eh bien ?

— Monsieur, j’ai toujours honoré et honorerai toujours mon serment. » Sur ce, Lands coupa la communication. Il se tourna immédiatement vers Causo, son CS, la seule autre personne présente dans la salle de communication hermétique. « Vous êtes en état d’arrestation, monsieur », dit-il.

Causo leva un sourcil. « Vous n’avez donc pas l’intention d’obéir à cet ordre ?

— Je ne vous demande pas votre avis personnel sur la question. Je sais que vous êtes d’origine portugaise comme les gens de Lusitania.

— Ils sont brésiliens. »

Lands passa outre. « J’inscrirai dans mon registre que l’on ne vous a pas donné l’occasion de vous exprimer et que vous n’avez aucune part de responsabilité dans ce que je suis sur le point d’accomplir.

— Que faites-vous de votre serment, monsieur ? demanda calmement Causo.

— Mon serment consiste à mener toutes les actions nécessaires pour le bien de l’humanité. J’invoquerai la clause des crimes de guerre.