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— N’est-ce pas toi qui me l’as dit ? Je ne vais pas te faire mentir, tout de même. » Il parla avec Jane par l’entremise de la pierre. « Tu es toujours là ? Peux-tu me parler via les satellites sur… bon, très bien. Jane, il faudrait que tu me vides un des vaisseaux… Emmène les passagers sur une des colonies, attends que tout le monde soit sorti et ramène le vaisseau ici, loin de toute cette agitation. »

Un des vaisseaux disparut brusquement de l’embarcadère. Des hurlements de joie retentirent dans la foule tandis que tous se précipitaient vers les derniers vaisseaux. Peter et Wang-mu patientèrent, sachant qu’à chaque minute nécessaire pour vider le vaisseau, le Petit Docteur se rapprochait un peu plus de sa mise à feu.

Puis leur attente prit fin. Un vaisseau en forme de caisson apparut à côté d’eux. Peter ouvrit la porte et tous deux étaient à l’intérieur avant que qui que ce soit puisse se rendre compte de ce qui se passait. Un cri retentit, mais Peter scella la porte.

« Nous y sommes, dit Wang-mu. Mais pour aller où maintenant ?

— Jane est en train de se rapprocher de la vitesse du Petit Docteur.

— Je croyais qu’elle ne pouvait pas le localiser sans vaisseau.

— Elle se base sur les données du satellite. Elle peut prédire avec exactitude à quel endroit il se trouvera à un moment précis, puis nous enverra Dehors et nous ramènera Dedans à cet emplacement, et à la même vitesse.

— Le Petit Docteur sera dans ce vaisseau ? Avec nous ?

— Reste près de la paroi. Et accroche-toi à moi. Nous allons nous retrouver en apesanteur. Jusqu’à présent, tu as pu visiter quatre planètes sans avoir à en passer par là.

— Et toi, tu as déjà connu ça ? »

Peter éclata de rire, puis secoua la tête. « Pas avec ce corps. Mais je suppose que d’une certaine manière, je me souviens de la façon de procéder, parce que… »

Ils se retrouvèrent brusquement en état d’apesanteur. En l’air, devant eux, sans qu’il soit en contact avec les parois du vaisseau, se trouvait l’énorme missile contenant le Petit Docteur. Si ses fusées avaient été en combustion, ils auraient été incinérés. Au lieu de cela, il se déplaçait à sa vitesse de croisière ; s’il paraissait flotter sur place, c’était parce que le vaisseau avançait à la même vitesse. Peter cala ses pieds sur un banc rivé au mur et tendit la main pour toucher le missile. « Nous devons le mettre en contact avec le sol », dit-il.

Wang-mu essaya de s’en approcher elle aussi, mais décolla aussitôt de la paroi pour se retrouver suspendue dans les airs. Elle se sentit nauséeuse tandis que son corps cherchait désespérément à localiser le bas.

« Le dispositif est en bas par rapport à toi, tu te diriges dessus. »

Elle sembla retrouver ses repères. Et en flottant dans sa direction, elle réussit à l’attraper et à s’y accrocher. Elle se contentait de regarder, déjà reconnaissante de ne pas vomir, tandis que Peter poussait délicatement la masse du missile vers le sol. À son contact, le vaisseau entier trembla, car la masse du missile devait être beaucoup plus importante que celle du vaisseau.

« Tout va bien ? demanda Peter.

— Ça va. » Puis Wang-mu comprit qu’il parlait avec Jane et que sa question s’adressait à elle.

« Jane est en train de sonder l’objet, dit Peter. Comme elle en a l’habitude avec les vaisseaux, avant de les déplacer quelque part. Cela se faisait avant de manière analytique, par ordinateur. Mais maintenant son aiúa peut en quelque sorte faire le tour de la structure interne de l’objet. Cela lui était impossible tant qu’il n’était pas en contact avec quelque chose qu’elle connaisse : ce vaisseau en l’occurrence. Nous. Lorsqu’elle se sera fait une bonne idée de sa structure interne, elle pourra la maintenir en place une fois Dehors.

— Nous allons le laisser là-bas ? demanda Wang-mu.

— Non. Soit il resterait en place puis exploserait, soit il se désintégrerait, et dans un cas comme dans l’autre il est impossible de savoir quels dégâts il pourrait causer. Combien de copies pourraient se créer à partir de là ?

— Aucune. Il faut posséder une forme d’intelligence pour créer quelque chose de nouveau.

— À ton avis, de quoi est faite cette chose ? Des mêmes éléments qui composent chaque parcelle de ton corps, qui composent les rochers, les arbres, les nuages. Ce sont tous des aidas, et il y en a des milliers, là-bas, qui éprouvent un impérieux besoin d’appartenir à quelque chose, d’imiter, de se développer. Non, c’est un engin maléfique et il n’est pas question de le laisser là-bas.

— Qu’allons-nous en faire, alors ?

— Le renvoyer à l’expéditeur. »

L’amiral Lands se tenait sur le pont de son vaisseau, seul et renfrogné. Il savait que Causo avait répandu la nouvelle à l’heure qu’il était – le lancement du Petit Docteur avait été illégal, une mutinerie. Le vieil homme allait être traduit en cour martiale, peut-être pire encore, lorsqu’ils reviendraient à la civilisation. Personne ne lui adressait la parole ; personne n’osait le regarder en face. Lands savait aussi qu’il allait devoir abandonner le commandement du vaisseau à Causo, en tant que CS, et celui de la flotte à son second, l’amiral Fukuda. Causo avait fait preuve de délicatesse en ne le mettant pas aux arrêts tout de suite, mais c’était une mesure inutile. L’équipage et les officiers étant au courant de sa rébellion, il lui serait impossible de se faire obéir, comme il serait injuste d’attendre cela de ses hommes.

Lands se retourna pour donner l’ordre, mais se retrouva face à son CS qui s’avançait déjà vers lui. « Monsieur, dit Causo.

— Je sais. J’abandonne mon commandement.

— Il ne s’agit pas de cela, monsieur. Veuillez me suivre, je vous prie.

— Que comptez-vous faire ?

— L’officier de cargo vient de signaler quelque chose dans la soute principale du vaisseau.

— De quoi s’agit-il ? »

Causo se contenta de le fixer. Lands acquiesça et ils quittèrent le pont.

Jane avait transporté la « boîte » non pas dans la soute d’armement, qui pouvait seulement contenir le Petit Docteur, mais dans la soute principale du vaisseau, qui avait le double avantage d’être suffisamment vaste et empêchait tout moyen de larguer l’engin une seconde fois.

Peter et Wang-mu quittèrent leur vaisseau et débarquèrent dans la soute.

Puis Jane fit repartir le vaisseau, laissant Peter, Wang-mu et le Petit Docteur sur place.

Le vaisseau allait réapparaître sur Lusitania. Mais personne n’embarquerait. Ce n’était plus nécessaire. Le Dispositif DM ne se dirigeait plus vers Lusitania. Il se trouvait désormais à bord du vaisseau amiral de la Flotte lusitanienne, voyageant à vitesse relativiste vers une destination inconnue. Les capteurs de proximité du Petit Docteur n’allaient bien évidemment pas se déclencher, puisqu’il ne se trouvait plus dans le voisinage d’une quelconque masse planétaire. Mais la minuterie tournait toujours.

« J’espère qu’ils ne vont pas tarder à remarquer notre présence, dit Wang-mu.

— Ne t’inquiète pas. Il nous reste encore quelques minutes.

— Est-ce que quelqu’un nous a vus ?

— Il y avait ce gars dans la cabine là-bas, dit Peter en indiquant une porte ouverte. Il a vu le vaisseau, puis il nous a vus et a ensuite aperçu le Petit Docteur. Il n’est plus là. Je pense que nous n’allons pas rester seuls très longtemps. »

Une porte s’ouvrit en haut du hangar. Trois hommes s’avancèrent sur la passerelle qui surplombait les trois côtés du hangar.

« Salut, dit Peter.

— Qui diable êtes-vous ? demanda celui qui arborait le plus de galons et de médailles.