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Lorsque la cérémonie fut terminée, le prêtre quitta les lieux, quelques pequeninos le guidant à travers la forêt. Valentine embrassa les jeunes mariés, Jane et Miro, Peter et Wang-mu, leur parla un instant tour à tour, murmura des félicitations et des adieux, puis prit un peu de recul et regarda.

Jane ferma les yeux, puis ils disparurent tous les quatre. Il ne restait plus que l’arbre-mère au milieu de la clairière, inondé de lumière, regorgeant de fruits, des bourgeons sur chaque branche, célébration immuable des éternels mystères de la vie.

POSTFACE

Tout ce qui concerne Peter et Wang-mu était lié au Japon dès le démarrage de Xénocide qui, à l’origine, devait inclure Les enfants de l’esprit. Lisant une histoire du Japon d’avant-guerre, j’avais été intrigué par une théorie selon laquelle ceux qui poussaient le Japon à entrer en guerre n’étaient pas des membres de l’élite dirigeante, ni même des chefs de l’armée, mais plutôt de jeunes officiers subalternes. Ces officiers auraient bien entendu trouvé ridicule que l’on puisse imaginer qu’ils aient la moindre influence sur la logique de guerre. Ils poussaient le Japon vers la guerre, non pas grâce au pouvoir qu’ils détenaient, mais parce que les dirigeants du Japon n’osaient pas se ridiculiser devant eux.

Lors de mes propres réflexions sur ce sujet, il m’est apparu que c’était l’image que l’élite dirigeante se faisait de ces jeunes officiers – et de leur façon de considérer la question d’honneur – qui motivait l’élite en question. Sa perception de l’honneur influençait les subordonnés, qui risquaient alors de ne pas répondre aux ordres de repli comme les officiers supérieurs le craignaient. Ainsi, personne n’allait tenter de convaincre ces officiers que se lancer dans la guerre était chose stupide et vouée à l’échec – ils le savaient déjà et avaient choisi de l’ignorer de peur d’être méprisés par les autres. Il aurait été préférable d’essayer de convaincre les officiers supérieurs que leurs subalternes – dont l’opinion, pour une question d’honneur, était capitale –, loin de les condamner pour avoir cédé devant une force irrépressible, les féliciteraient plutôt d’avoir su préserver l’indépendance de leur propre nation.

Cependant, en poussant plus loin cette réflexion, je me suis rendu compte que même cela était trop direct – les choses ne pouvaient pas se passer ainsi, il aurait fallu non seulement mettre en évidence que l’opinion des officiers subalternes avait évolué, mais aussi rendre plausible ce changement d’opinion. Du coup, je me suis demandé ce qu’il serait advenu si un philosophe de grande influence, faisant partie de la culture de l’élite militaire, avait interprété l’histoire de manière à modifier le point de vue militaire d’un grand stratège. De telles idées novatrices sont déjà apparues – en particulier au Japon qui, malgré l’apparente rigidité de sa culture, et peut-être en raison de la longue influence de la culture chinoise, a été le pays de l’ère moderne qui a su le mieux adopter et adapter des idées étrangères comme si elles avaient toujours été les siennes, préservant ainsi cette image de rigidité et de continuité tout en se montrant capable de flexibilité. Une idée aurait pu faire son chemin dans la culture militaire, montrant aux élites qu’une guerre n’était ni nécessaire, ni souhaitable. Si cela s’était produit avant Pearl Harbour, le Japon aurait pu éviter d’entrer en guerre contre la Chine, consolider ses acquis et faire la paix avec les États-Unis.

(Que ceci eut été une bonne chose reste à débattre, bien entendu. Éviter la guerre qui a causé tant de morts et a été à l’origine de tant d’atrocités – dont le bombardement des villes japonaises et l’utilisation de l’arme atomique pour la première et dernière fois dans l’Histoire, du moins jusqu’à nouvel ordre – aurait été indiscutablement une bonne chose. Mais n’oublions pas que c’est en perdant cette guerre que le Japon a accepté l’occupation américaine et l’introduction forcée d’idées et de pratiques démocratiques. Ce qui a dynamisé la culture et l’économie japonaise, chose qui n’aurait sans doute jamais été possible sous le contrôle de l’élite militaire. C’est une bonne chose que de ne pouvoir refaire l’Histoire, car dans ce cas il nous faudrait choisir : faut-il équarrir le cheval pour avoir la colle ?)

Quoi qu’il en soit, je savais qu’il fallait dans le roman que quelqu’un – et j’ai cru un instant que ce serait Ender – aille d’une planète à une autre pour trouver le centre du pouvoir du Congrès Stellaire. Quel esprit fallait-il influencer pour modifier la culture du Congrès Stellaire et arrêter la Flotte lusitanienne ? Comme cette problématique partait d’une réflexion sur l’histoire japonaise, j’en ai conclu qu’il fallait qu’une civilisation japonaise futuriste joue un rôle dans l’histoire. C’est ainsi que Peter et Wang-mu se sont retrouvés sur Vent Divin.

Cependant, c’est une autre digression de ma pensée qui m’a poussé à m’intéresser au Japon. J’étais allé visiter de bons amis dans l’Utah, Van et Elizabeth Gessel. Van, professeur de japonais à l’université de Brigham, venait d’acquérir un CD intitulé Musique d’Hikari Oe. Van m’a fait écouter le CD – une musique puissante, pleine de grâce, et très évocatrice de la tradition mathématique occidentale – tout en me parlant du compositeur. Ainsi m’a-t-il appris qu’Hikari Oe était un handicapé mental, mais qu’il possédait un véritable don en musique. Son père, Kenzaburo Oe, avait écrit de nombreux ouvrages, et ses œuvres les plus puissantes, en tout cas celles qui avaient reçu des prix, étaient celles qui traitaient de sa relation avec son fils handicapé, du sentiment parfois lourd d’avoir un tel fils, mais aussi de l’immense joie de découvrir la véritable nature de cet enfant, alors même que le père découvrait sa propre nature en restant avec lui et en lui donnant toute son affection.

Je me suis tout de suite trouvé des affinités avec Kenzaburo Oe, non à cause d’une quelconque ressemblance dans nos œuvres, mais parce que j’ai moi aussi un fils handicapé mental et que j’ai dû suivre mon propre cheminement pour réussir à l’accepter dans ma vie. Comme Kenzaburo Oe, je n’ai pu m’empêcher de parler de mon fils dans certains de mes livres ; il y apparaît en effet régulièrement. Et pourtant, cette affinité a créé en moi une certaine réticence à me pencher sur son œuvre, car je craignais qu’il n’ait sur la question des idées que je ne pourrais partager, qui me blesseraient ou m’offenseraient, ou au contraire tellement vraies et pertinentes que j’en serais réduit au silence, n’ayant rien à ajouter. (Rien de déplacé dans cette crainte. J’avais un livre sous contrat avec mon éditeur intitulé Genesis, lorsque j’ai lu le roman de Michael Bishop Ancient of Âge. Même si les trames de ces deux récits différaient sensiblement en dehors du fait qu’elles traitaient toutes les deux de la survie d’hommes primitifs dans un monde moderne, les idées de Bishop étaient si puissantes et son écriture si authentique que j’ai dû annuler ce contrat. Le livre était devenu tout simplement impossible à écrire et continue de l’être sous sa forme initiale.)

Par la suite, après avoir écrit les trois premiers chapitres du présent livre, j’étais un jour à la caisse de la librairie News and Novels à Greensboro, Caroline du Nord, lorsque j’ai aperçu sur un présentoir un unique exemplaire d’un livre intitulé Japon, the ambiguous, and myself. Son auteur : Kenzaburo Oe. Je ne l’avais pas cherché, mais lui m’avait trouvé. J’ai acheté le livre et l’ai rapporté chez moi.