Выбрать главу

– Et quel passage des livres saints ces indigènes nous ont-ils tiré en pleine poitrine? demanda Glenarvan.

– Une parole du Dieu tout-puissant, répondit John Mangles, qui venait de lire à son tour le papier maculé par l’explosion. Cette parole nous dit d’espérer en lui, ajouta le capitaine, avec l’inébranlable conviction de sa foi écossaise.

– Lis, John», dit Glenarvan.

Et John lut ce verset respecté par la déflagration de la poudre:

«Psaume 90. – «Parce qu’il a espéré en moi, je le délivrerai

– Mes amis, dit Glenarvan, il faut reporter ces paroles d’espérance à nos braves et chères compagnes. Il y a là de quoi leur ranimer le cœur.»

Glenarvan et ses compagnons remontèrent les abrupts sentiers du cône, et se dirigèrent vers le tombeau qu’ils voulaient examiner.

Chemin faisant, ils furent étonnés de surprendre, à de petits intervalles, comme un certain frémissement du sol. Ce n’était pas une agitation, mais cette vibration continue qu’éprouvent les parois d’une chaudière à la poussée de l’eau bouillante. De violentes vapeurs, nées de l’action des feux souterrains, étaient évidemment emmagasinées sous l’enveloppe de la montagne.

Cette particularité ne pouvait émerveiller des gens qui venaient de passer entre les sources chaudes du Waikato. Ils savaient que cette région centrale d’Ika-Na-Maoui est essentiellement volcanique.

C’est un véritable tamis dont le tissu laisse transpirer les vapeurs de la terre par les sources bouillantes et les solfatares.

Paganel, qui l’avait déjà observée, appela donc l’attention de ses amis sur la nature volcanique de la montagne. Le Maunganamu n’était que l’un de ces nombreux cônes qui hérissent la portion centrale de l’île, c’est-à-dire un volcan de l’avenir.

La moindre action mécanique pouvait déterminer la formation d’un cratère dans ses parois faites d’un tuf siliceux et blanchâtre.

«En effet, dit Glenarvan, mais nous ne sommes pas plus en danger ici qu’auprès de la chaudière du Duncan. C’est une tôle solide que cette croûte de terre!

– D’accord, répondit le major, mais une chaudière, si bonne qu’elle soit, finit toujours par éclater, après un long service.

– Mac Nabbs, reprit Paganel, je ne demande pas à rester sur ce cône. Que le ciel me montre une route praticable, et je le quitte à l’instant.

– Ah! Pourquoi ce Maunganamu ne peut-il nous entraîner lui-même, répondit John Mangles, puisque tant de puissance mécanique est renfermée dans ses flancs! Il y a peut-être, sous nos pieds, la force de plusieurs millions de chevaux, stérile et perdue! Notre Duncan n’en demanderait pas la millième partie pour nous porter au bout du monde!»

Ce souvenir du Duncan, évoqué par John Mangles, eut pour effet de ramener les pensées les plus tristes dans l’esprit de Glenarvan; car, si désespérée que fût sa propre situation, il l’oubliait souvent pour gémir sur le sort de son équipage.

Il songeait encore, quand il retrouva au sommet du Maunganamu ses compagnons d’infortune.

Lady Helena, dès qu’elle l’aperçut, vint à lui.

«Mon cher Edward, dit-elle, vous avez reconnu notre position? Devons-nous espérer ou craindre?

– Espérer, ma chère Helena, répondit Glenarvan. Les indigènes ne franchiront jamais la limite de la montagne, et le temps ne nous manquera pas pour former un plan d’évasion.

– D’ailleurs, madame, dit John Mangles, c’est Dieu lui-même qui nous recommande d’espérer.»

John Mangles remit à lady Helena ce feuillet de la bible, où se lisait le verset sacré. La jeune femme et la jeune fille, l’âme confiante, le cœur ouvert à toutes les interventions du ciel, virent dans ces paroles du livre saint un infaillible présage de salut.

«Maintenant, à l’oudoupa! s’écria gaiement Paganel. C’est notre forteresse, notre château, notre salle à manger, notre cabinet de travail! Personne ne nous y dérangera! Mesdames, permettez-moi de vous faire les honneurs de cette charmante habitation.»

On suivit l’aimable Paganel. Lorsque les sauvages virent les fugitifs profaner de nouveau cette sépulture tabouée, ils firent éclater de nombreux coups de feu et d’épouvantables hurlements, ceux-ci aussi bruyants que ceux-là. Mais, fort heureusement, les balles ne portèrent pas si loin que les cris, et tombèrent à mi-côte, pendant que les vociférations allaient se perdre dans l’espace.

Lady Helena, Mary Grant et leurs compagnons, tout à fait rassurés en voyant que la superstition des maoris était encore plus forte que leur colère, entrèrent dans le monument funèbre.

C’était une palissade de pieux peints en rouge, que cet oudoupa du chef zélandais. Des figures symboliques, un vrai tatouage sur bois, racontaient la noblesse et les hauts faits du défunt. Des chapelets d’amulettes, de coquillages ou de pierres taillées se balançaient d’un poteau à l’autre. À l’intérieur, le sol disparaissait sous un tapis de feuilles vertes. Au centre, une légère extumescence trahissait la tombe fraîchement creusée.

Là, reposaient les armes du chef, ses fusils chargés et amorcés, sa lance, sa superbe hache en jade vert, avec une provision de poudre et de balles suffisante pour les chasses éternelles.

«Voilà tout un arsenal, dit Paganel, dont nous ferons un meilleur emploi que le défunt. Une bonne idée qu’ont ces sauvages d’emporter leurs armes dans l’autre monde!

– Eh! mais, ce sont des fusils de fabrique anglaise! dit le major.

– Sans doute, répondit Glenarvan, et c’est une assez sotte coutume de faire cadeau d’armes à feu aux sauvages! Ils s’en servent ensuite contre les envahisseurs, et ils ont raison. En tout cas, ces fusils pourront nous être utiles!

– Mais ce qui nous sera plus utile encore, dit Paganel, ce sont les vivres et l’eau destinés à Kara-Tété.»

En effet, les parents et les amis du mort avaient bien fait les choses. L’approvisionnement témoignait de leur estime pour les vertus du chef. Il y avait des vivres suffisants à nourrir dix personnes pendant quinze jours ou plutôt le défunt pour l’éternité. Ces aliments de nature végétale consistaient en fougères, en patates douces, le «convolvulus batatas» indigène, et en pommes de terre importées depuis longtemps dans le pays par les européens. De grands vases contenaient l’eau pure qui figure au repas zélandais, et une douzaine de paniers, artistement tressés, renfermaient des tablettes d’une gomme verte parfaitement inconnue.

Les fugitifs étaient donc prémunis pour quelques jours contre la faim et la soif. Ils ne se firent aucunement prier pour prendre leur premier repas aux dépens du chef.

Glenarvan rapporta les aliments nécessaires à ses compagnons, et les confia aux soins de Mr Olbinett.

Le stewart, toujours formaliste, même dans les plus graves situations, trouva le menu du repas un peu maigre. D’ailleurs, il ne savait comment préparer ces racines, et le feu lui manquait.

Mais Paganel le tira d’affaire, en lui conseillant d’enfouir tout simplement ses fougères et ses patates douces dans le sol même.

En effet, la température des couches supérieures était très élevée, et un thermomètre, enfoncé dans ce terrain, eût certainement accusé une chaleur de soixante à soixante-cinq degrés. Olbinett faillit même s’échauder très sérieusement, car, au moment où il venait de creuser un trou pour y déposer ses racines, une colonne de vapeur d’eau se dégagea, et monta en sifflant à une hauteur d’une toise. Le stewart tomba à la renverse, épouvanté.