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« Ne t’occupe pas de lui », dit McSorley.

Campbell reporta son attention sur les virages de la route. Il freinait instinctivement à la place du conducteur, le pied au plancher. Toute la journée, il avait attendu que son portable sonne et il se retenait de vérifier à chaque instant ses éventuels appels manqués en se rongeant d’impatience.

« Alors ? insista McSorley. Qu’est-ce que tu en penses ?

— J’en sais rien, répondit Campbell, mais il faut être complètement malade pour faire ça. Ou très con. Les gars ne laisseront pas les coupables s’en tirer. Ils iront jusqu’à rompre le cessez-le-feu pour les avoir. »

La camionnette cahota sur une ornière et Campbell dut s’agripper au tableau de bord. À l’arrière, ballotté d’un côté à l’autre sur le plateau, le vieux poussa un cri. Comiskey et Hughes détenaient sa femme, le temps que Campbell et McSorley effectuent le court trajet de la petite maison jusqu’au village et reviennent avec la recette du bureau de poste.

« Tu serais peut-être bien avec ceux qui l’ont descendu, hein ? » interrogea McSorley.

Campbell essaya de déchiffrer l’expression de McSorley, mais dans l’obscurité, il ne distinguait que l’éclat liquide de ses yeux. « Peut-être, dit-il.

— N’aie pas peur de me parler, Davy. On est collègues, pas vrai ? Tu ne racontes pas beaucoup ce que tu as fait à Belfast…

— Il n’y a pas grand-chose à en dire. »

McSorley émit un rire gras. « C’est ça. Je vais te croire ! »

Son visage prit une teinte jaunâtre à la lueur des lampadaires qui marquaient l’entrée du village. « À ce qu’il paraît, toi et un autre gars, vous avez essayé de coincer Paul McGinty et vous l’avez tabassé à mort.

— Ah bon ?

— C’est ce que j’ai entendu.

— Les gens racontent beaucoup de choses. Crois ce que tu veux. »

L’enseigne verte An Post apparut dans le faisceau des phares. La camionnette ralentit dans un crissement de freins, le moteur toussota avant de s’arrêter. McSorley jeta un bref coup d’œil au vieil homme à l’arrière et se tourna à nouveau vers Campbell.

« Il y a des gars ici qui ne te font pas confiance, dit-il en le fixant dans les yeux.

— Comiskey, tu veux dire ?

— Lui et quelques autres. Ils trouvent bizarre que tu te sois barré d’un coup pour venir avec nous. Vu que tu étais proche de McGinty et tout ça. Ils sont inquiets. »

Campbell posa nonchalamment une main sur sa cuisse, juste au-dessous du renflement de la poche où il gardait son couteau. « Et toi ? Tu es inquiet ? »

McSorley se cala la langue contre sa joue ; sa barbe mal rasée se hérissait sur la peau distendue. « Je ne sais pas. Il se pourrait que McGinty t’ait envoyé pour nous tenir à l’œil, histoire de garder le contrôle. Ou bien, c’est ce que tu as raconté : que tu avais envie d’un peu d’action. »

Campbell ne cilla pas. « Je t’ai déjà répondu. Crois ce que tu veux. »

McSorley hocha la tête en grimaçant un sourire. « Tu m’as l’air d’être un type fiable, Davy, mais je vais te dire une chose. » Il leva un doigt à l’adresse de l’Écossais. « Si tu me donnes tort, tu as intérêt à te barrer en courant, parce que sinon je te ferai la peau. »

McSorley effeuilla les billets entre ses doigts. Malgré la cagoule qui lui couvrait le visage, on voyait qu’il était furieux. « Trois cent vingt euros ? C’est quoi, cette merde ? »

Campbell serra les dents pour contenir le rire qui lui montait dans la gorge. Sa barbe le grattait sous le masque de laine.

À genoux devant le coffre ouvert, le vieil homme se recroquevilla sur lui-même. McSorley l’attrapa par le col de son pyjama.

« Trois cent vingt euros ? Espèce d’enfoiré ! Je n’ai pas fait tout ça pour ramasser de la petite monnaie. Où est le reste ? »

Le vieux leva ses mains qui tremblaient. « Il n’y a que ça, je le jure devant Dieu, tout est là. »

McSorley le secoua plusieurs fois. « Arrête tes conneries et dis-moi où est le pognon.

— Je le jure, c’est tout ce qu’il y a. On n’est ouvert que le matin. Il y a quelques pièces dans la caisse… Prenez-les.

— Putain ! » McSorley lâcha le postier, empocha les billets et désigna le guichet. « Vide la caisse, Davy. Et rafle aussi les clopes. Y a rien d’autre ici. Merde ! »

En ouvrant le tiroir de la caisse, Campbell ramassa les maigres espèces préparées pour le lendemain, pas plus de quarante ou cinquante euros au total, et les jeta dans son sac de sport. Les paquets de cigarettes s’entassaient sur une étagère au-dessus du guichet. Il les balança aussi dans le sac, avec l’impression de n’être rien d’autre qu’un petit cambrioleur à la sauvette.

L’impression ?

Non, c’est exactement ce que je suis, pensa-t-il en récupérant les paquets tombés à côté du sac. Comme un junkie en manque qui vole sa came.

Il jura entre ses dents.

« Allez, viens », cria McSorley. Il tira le vieil homme par le poignet, sans même prendre la peine de lui remettre ses liens ni son bâillon.

« J’arrive », dit Campbell en fourrant les dernières cigarettes dans le sac.

McSorley s’arrêta à la porte. « Putain ! Viens, je t’ai dit !

— C’est bon. » Campbell ferma le sac, le hissa sur son épaule, et rejoignit McSorley et le postier dehors.

McSorley traîna son prisonnier qui gémissait vers la camionnette et ouvrit la portière arrière. De l’autre côté de la rue, quelque chose attira l’attention du vieil homme : une lumière à une fenêtre.

« Au secours », cria-t-il d’une voix faible. Puis plus fort : « Au secours ! »

McSorley lui plaqua une main sur la bouche, mais le vieux trouva la force de se dégager. « Au secours ! Aidez-moi ! »

Campbell s’approcha.

« Ferme-la ou je t’en colle une », dit McSorley au postier qui se débattait pour lui échapper.

Campbell laissa tomber le sac et ôta sa cagoule.

« Au secours ! À l’aide ! »

La rage de Campbell explosa en une gerbe de coups qui s’abattirent sur la tête du vieil homme, et McSorley partit en arrière sous la violence de l’assaut. À mesure qu’il frappait, sa colère s’embrasait encore, jusqu’à ce que sa cible ne fût plus qu’une forme inerte se balançant à l’arrière de la camionnette.

« Davy ! »

Campbell enfonça son poing dans le ventre du vieil homme…

« Bon sang, Davy. Arrête ! »

… suivi d’un coup de pied dans le genou.

McSorley l’attrapa par la taille et le tira en arrière.

« Ça suffit, Davy. On s’en va. »

Campbell se dégagea et fit volte-face. « Tu me prends pour quoi ? »

McSorley recula en levant les mains.

« Hein ? Tu me prends pour quoi ? Un petit klepto de merde !

— Calme-toi, Davy. » McSorley ôta sa cagoule.

« Un junkie en manque de came ? Tu crois que je suis venu ici pour piquer des clopes à des vieillards ? »

McSorley ouvrit la bouche sans émettre aucun son, les yeux écarquillés.

« Bande de minables ! » Campbell tourna les talons, empoigna le sac posé au sol et le lança dans la camionnette. Il poussa le vieil homme sur le plateau arrière en lui repliant brutalement les jambes avant de claquer la portière. « Magne-toi, connard. »

S’installant d’autorité au volant, il mit le contact. McSorley se hissa à la place du passager sans le quitter une seule fois des yeux.