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Elle griffonna quelques adresses supplémentaires.

Elle téléphona à Ruth-Anne Hendry, qui se montra chaleureuse et ravie qu’elle ait pris l’initiative de l’appeler. Elles discutèrent du Parrain que Ruth-Anne lisait avec autant de passion que Joanna et Ruth-Anne lui parla de son nouveau livre dont Penny était aussi l’héroïne. Elles convinrent de déjeuner ensemble la semaine suivante. Joanna en parlerait à Bobbie et elles iraient toutes trois au restaurant français d’Eastbridge. Ruth-Anne promit d’appeler Joanna le lundi matin.

Elle se remit à ses adresses puis lut le Skinner au lit en attendant le retour de Walter.

— J’ai parlé tout à l’heure à Bobbie, annonça-t-elle. Elle m’a paru tout autre, lessivée.

— Sans doute est-elle fatiguée de s’être démenée à ce point, dit Walter, en vidant ses poches de veston sur la commode.

— Mais dimanche aussi elle semblait changée, rétorqua Joanna. Elle n’a pas dit…

— Elle s’était maquillée, c’est tout. Tu ne vas pas réenfourcher ton dada de substances chimiques, non ?

D’un air perplexe, elle pressa le livre refermé sur ses genoux qui pointaient sous les couvertures.

— Dis-moi, Dave ne t’a fait aucune allusion à une nouvelle expérience de marijuana ?

— Non, répondit Walter, mais c’est peut-être là l’explication.

Ils firent l’amour mais, comme elle était nerveuse et tendue, elle ne put s’abandonner vraiment et le résultat fut plutôt médiocre.

* * *

Bobbie ne téléphona pas. Vers 1 heure, Joanna prit sa voiture pour aller la voir. Les chiens l’accueillirent par des aboiements hostiles quand elle descendit du break. Ils étaient attachés derrière la maison à une corde à linge, le corgi dressé sur ses pattes postérieures battait l’air en glapissant, le berger, hirsute, bien carré sur ses quatre pattes aboyait des ouoff, ouoff. La Chevrolet bleue de Bobbie était arrêtée dans l’allée.

Bobbie, dans son séjour immaculé – coussins soigneusement gonflés, boiseries étincelantes, magazines déployés en éventail sur la table vernie derrière le canapé, sourit à Joanna.

— Navrée, j’avais tant à faire que je t’ai complètement oubliée. As-tu déjeuné ? Viens dans la cuisine, je vais te faire un sandwich. À quoi le désires-tu ?

Elle avait tout de la Bobbie du dimanche précédent – belle, bien coiffée, maquillée. Et, sous son chandail vert, elle portait une espèce de soutien-gorge matelassé qui lui relevait les seins, et sous sa jupe marron plissée une gaine amincissante.

— Oui, j’ai changé, déclara-t-elle dans sa cuisine immaculée. Je me suis rendu compte combien j’étais flemmarde et égoïste. Il n’y a aucune honte à se montrer bonne femme d’intérieur. J’ai décidé d’imiter Dave et de faire consciencieusement mon boulot, ainsi que de soigner un peu plus ma présentation. Tu es bien sûre de ne pas vouloir un sandwich.

Joanna secoua la tête.

— Bobbie, dit-elle solennellement. Je… Tu ne vois pas ce qui est arrivé. Ce truc… ce virus qui se balade dans les parages… il t’a contaminée, toi, comme il a atteint Charmaine.

Bobbie sourit.

— Rien ne m’a contaminée, affirma-t-elle. Aucun virus ne se balade par ici. Tout ça, c’est des conneries. Stepford est un endroit sain et agréable à habiter.

— Tu… tu ne veux plus déménager ?

— Absolument pas. Ça aussi c’était une connerie. Je suis parfaitement heureuse ici. Accepteras-tu au moins une tasse de café ?

* * *

Elle appela Walter à son bureau.

— Oh ! bonjour, modula Esther. Que ça me fait plaisir d’entendre votre voix ! Il doit faire un temps magnifique par chez vous. Mais peut-être êtes-vous à New York ?

— Non, je vous appelle de chez moi. Pouvez-vous me passer Walter ?

— Désolée, mais il est en conférence.

— C’est très important. Je vous en prie, prévenez-le.

— Patientez une seconde.

Assise dans le bureau devant la table de travail, elle patienta, promenant son regard des papiers personnels et des enveloppes qu’elle avait sortis du tiroir du milieu au calendrier – mardi 14 décembre – et enfin au croquis d’Ike Mazzard.

— Je vous le passe, Mrs Eberhart, annonça Esther. Il n’est rien arrivé à Peter ou à Kim surtout ?

— Non, ils vont bien.

— Tant mieux. Ils doivent être si…

— Allô ! coupa Walter.

— Walter, c’est toi ?

— Oui. Allô ! Que se passe-t-il ?

— Walter, je veux que tu m’écoutes sans rouspéter, dit Joanna. Bobbie a vraiment changé, tu sais. Je sors de chez elle. La maison a l’air de… Pas une tache, figure-toi. Immaculée. Quant à Bobbie, elle est toute… Les livrets de la banque, tu les as sur toi ? Je les ai cherchés partout et impossible de les trouver. Walter ?

— Oui, je les ai pris. Je viens d’acheter quelques valeurs sur le conseil de Dave. Pourquoi en as-tu besoin ?

— Je veux voir où en sont nos comptes. J’ai visité l’autre jour à Eastbridge une maison qui…

— Joanna !

— … coûtait un peu plus que la nôtre, mais…

— Joanna, écoute-moi…

— Je ne resterai pas ici un autre…

— Écoute-moi, bon Dieu !

Les doigts de Joanna se crispèrent sur le combiné.

— Parle, dit-elle.

— Je vais faire mon possible pour rentrer de bonne heure. Ne fais rien avant mon arrivée. Tu m’entends ? Ne prend aucun engagement que ce soit. J’espère pouvoir me libérer d’ici une demi-heure.

— Je ne passerai pas un autre jour à Stepford, s’entêta-t-elle.

— Attends mon retour, veux-tu. Il est impossible de discuter de ça au téléphone.

— N’oublie pas tes livrets de banque, lui rappela-t-elle.

— Ne fais rien avant mon arrivée, surtout.

À l’autre bout du fil, elle entendit un clic suivi d’un silence.

Elle raccrocha.

Elle rangea papiers et enveloppes dans le tiroir qu’elle referma. Puis elle attrapa l’annuaire sur l’étagère pour chercher le numéro de Miss Kirgassa à Eastbridge.

La maison qu’elle convoitait, la maison St-Martin, était encore à vendre.

— En fait, je crois qu’ils ont baissé un peu leur prix depuis que vous l’avez visitée.

— Pouvez-vous me rendre un service ? Il est possible que nous nous y intéressions. Je le saurai définitivement demain. Voulez-vous bien demander aux propriétaires quel serait leur dernier prix dans l’éventualité d’une vente immédiate et me le faire savoir le plus tôt possible.

— Je vous rappelle immédiatement, répondit Miss Kirgassa. Savez-vous si Mrs Markowe a trouvé quelque chose ? Nous avions rendez-vous ce matin, mais elle ne s’est pas pointée.

— Elle a changé d’avis, elle ne déménage plus. Mais, moi, j’y suis décidée.

Elle appela Buck Raymond, leur notaire de Stepford.

— Une supposition, déclara-t-elle. Si nous mettions notre maison en vente demain, croyez-vous qu’elle se vendrait vite ?

— Aucun doute à ce sujet, répondit Buck. Il existe ici une demande constante de maisons. Je suis certain que vous récupéreriez le prix que vous avez payé, peut-être même un peu plus. Vous ne vous y plaisez pas ?