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— « Vous n’en aurez peut-être pas le temps, » lui dis-je.

Le général se tourna vers moi. « S’agit-il d’un ultimatum ? Vous n’y avez pas fait allusion. »

— « Non, mais les Fleurs peuvent à tout moment décider de faire pression sur nous. En repoussant la barrière, par exemple. »

— « Jusqu’où seraient-elles capables de la repousser ? »

— « Toutes les hypothèses sont permises. Dix kilomètres, cent kilomètres, mille kilomètres… Je n’en ai pas la moindre idée. »

— « À vous entendre, on pourrait penser que vous êtes persuadé qu’elles seraient capables de nous expulser de la Terre. »

— « Je n’en sais rien mais je suppose qu’elles seraient en mesure de le faire. »

— « Et passeraient-elles à l’action ? »

— « Peut-être, si elles ont le sentiment que nous tergiversons, mais je crois que, si elles s’y résolvaient, ce serait contre leur gré. Elles ont besoin de nous, elles ont besoin de quelqu’un qui puisse utiliser leur savoir et lui donner ainsi un sens. Jusqu’à présent, elles n’ont trouvé personne. »

— « Mais il n’est pas question d’agir précipitamment, » protesta le sénateur. « Il convient de procéder à des échanges de vues nombreux au niveau gouvernemental, au niveau international, au niveau économique et au niveau scientifique. »

— « Monsieur le sénateur, il y a un détail dont personne n’a apparemment conscience : ce n’est pas à une autre nation, ce n’est pas à des humains que nous avons affaire, mais à des extra-terrestres ! »

— « Et alors ? Cela ne doit pas nous empêcher de procéder à notre façon. »

— « Bien sûr… À condition que vous réussissiez à expliquer cela à ces extra-terrestres. »

— « Ils attendront ! » jeta Newcombe d’un air compassé.

C’était une situation sans espoir. Le problème était insoluble. Pour la première fois que la race humaine entrait en contact avec une race extra-terrestre, elle allait tout gâcher. Oh ! il y aurait des débats, des discussions, des palabres, des consultations ― mais uniquement dans un contexte humain, et personne n’aurait jamais l’idée de faire entrer en ligne de compte le point de vue d’une espèce étrangère.

— « N’oubliez pas, » enchaîna le sénateur, « que ce sont vos extra-terrestres qui sont les quémandeurs, que ce sont eux, et non pas nous, qui sollicitent l’autorisation de débarquer sur la Terre. »

Je rétorquai : « Il y a cinq cents ans, les blancs ont débarque en Amérique. À l’époque, c’étaient eux qui étaient en position de solliciteurs… »

— « Mais les Indiens étaient des sauvages et des barbares, » s’exclama Newcombe.

J’acquiesçai. « C’est exactement ce que je voulais dire. »

— « Je n’apprécie pas votre sens de l’humour, » fit le représentant du département d’État sur un ton gourmé.

— « Vous vous méprenez, Mr Newcombe, je n’avais aucune intention de faire de l’humour. »

Davenport hocha la tête. « Vous avez dit quelque chose d’intéressant, Mr Carter. Si j’ai bien compris, ces plantes ont accumulé le savoir d’un grand nombre de races différentes. »

— « C’est ce qu’elles m’ont laissé entendre mais, bien entendu, je n’en mettrais pas ma main au feu. Je n’ai aucun moyen de savoir si c’est vrai. Toutefois, leur porte-parole, Tupper, m’a assuré que les Fleurs ne mentaient pas… »

— « Cela me paraît logique. Elles n’auraient pas besoin de mentir. »

— « Pas si vite ! » dit le général. « Si je me rappelle bien, elles vous ont promis de vous restituer vos quinze cents dollars – et elles n’ont pas tenu leur engagement. »

— « C’est exact. »

— « Donc, elles ont menti et, en outre, elles ont employé la ruse pour que vous rameniez ici cet engin que vous croyiez être une machine à explorer le temps. Donc, nous ne pouvons avoir confiance en elles. »

Newcombe s’insurgea : « Il était entendu que, temporairement, nous ferions comme si nous attachions foi à tous les points du récit de Mr Carter. »

— « Effectivement, » approuva le sénateur. « Nous étions convenus que nous l’utiliserions comme hypothèse de travail. »

— « Pour le moment, » rétorqua le général Billings, « nous devons envisager le pire. »

Davenport ricana : « Je ne vois pas en quoi les choses sont tellement catastrophiques. Pour la première fois dans l’histoire, l’humanité est sur le point d’entrer en contact avec une autre intelligence. Si nous nous y prenons bien, ce sera tout bénéfice pour nous. »

— « Qui peut le savoir ? »

— « Personne, mon général, vous avez raison. Nous n’avons pas suffisamment de données. Il est indispensable d’aller plus avant. »

Le sénateur les rappela à l’ordre : « Messieurs, nous sommes en train de perdre de vue le fait que cette barrière est là et que rien de ce qui est vivant ou, tout au moins, rien de ce qui a un minimum de conscience ne peut la franchir. Nous avons sous nos yeux, si j’ose dire, la preuve qu’un phénomène très étrange est intervenu. Nous ne pouvons pas le nier purement et simplement. Il faut travailler à partir des éléments que nous possédons. »

— « Fort bien, » répondit le général, « Entrons au cœur du problème. Pouvons-nous considérer que ces… ces choses constituent une menace ? »

Je fis oui de la tête. « Dans certaines circonstances, peut-être. »

— « Lesquelles ? »

— « Je l’ignore. Il est impossible de savoir ce que pensent les Fleurs. »

— « Mais elles représentent un danger en puissance ? »

Davenport intervint : « À mon avis, nous mettons trop l’accent sur l’élément menace. Je pense que nous devrions tout d’abord… »

— « Compte tenu de mes responsabilités, je dois avant tout envisager l’hypothèse d’un danger potentiel, » répliqua le général Billings.

— « Soit. Supposons qu’il y en ait un ? »

— « Nous sommes en mesure de l’éliminer à condition d’agir vite, avant que la tête de pont s’agrandisse trop. Nous avons les moyens d’arrêter l’agresseur. »

— « La force ! » grommela Davenport. « Les militaires ne sont pas capables d’imaginer autre chose ! Oh ! je suis d’accord avec vous ! Une explosion nucléaire détruirait sans doute toute forme de vie non terrestre. Cela pourrait même démanteler la frontière temporelle et interdire l’accès de la Terre à nos amis venus d’ailleurs… »

— « Nos amis ! Comme vous y allez ! » s’exclama le général. « Comment savez-vous que ce sont des amis ? »

— « Et vous, comment savez-vous que ce sont des ennemis ? Il est nécessaire de recueillir des informations supplémentaires, d’établir le contact… »

— « Et pendant ce temps-là, ils renforceront la barrière et la déplaceront… »

— « Un jour, » dit Davenport dont la colère montait, « un jour la race humaine saura résoudre ses problèmes sans recourir à la force. Le moment est peut-être venu de commencer. Vous vous proposez de bombarder cette ville. Abstraction faite de la question morale qu’implique l’anéantissement de centaines d’innocents… »

Le général l’interrompit avec hargne : « Vous oubliez que le choix est entre la mort de ces quelques centaines d’innocents et la sécurité de la totalité de la population de la Terre. D’ailleurs, il ne s’agira pas d’une improvisation hâtive. Cela ne pourra se faire qu’après mûre réflexion. »