Выбрать главу

— Ayu bowan, Dr Morgan, dit le prélat, montrant à son visiteur le seul siège vide. Je vous présente mon secrétaire, le Vénérable Parakarma, j’espère que cela ne vous ennuiera pas s’il prend des notes.

— Bien sûr que non, dit Morgan, en inclinant la tête vers le dernier occupant de la petite pièce.

Il remarqua que le jeune moine avait les cheveux flottants et une barbe impressionnante ; le crâne rasé était probablement facultatif.

— Ainsi donc, Dr Morgan, poursuivit le Mahanayake, vous voulez notre montagne.

— J’en ai bien peur, votre… heu… révérence. Une partie, en tout cas.

— Dans le monde entier… ces quelques hectares ?

— Ce choix ne vient pas de nous, mais de la nature. Le terminus terrestre doit être sur l’équateur, et à la plus grande altitude possible où la faible densité de l’air limite la force des vents.

— Il existe de plus hautes montagnes équatoriales en Afrique et en Amérique du Sud.

Nous y revoilà, gémit Morgan en lui-même. Une amère expérience lui avait montré qu’il était presque impossible de faire clairement comprendre le problème à des profanes aussi intelligents et aussi intéressés qu’ils fussent, et il s’attendait à encore moins de succès avec ces moines. Si seulement la Terre était un corps gentiment symétrique, sans creux ni bosses dans son champ gravitationnel…

— Croyez-moi, dit-il passionnément, nous avons étudié toutes les autres solutions. Le Cotopaxi et le mont Kenya… et même le Kilimandjaro, bien qu’il soit à trois degrés au sud, seraient très bien sauf un défaut capital. Lorsqu’un satellite est installé sur l’orbite stationnaire, il ne reste pas exactement au-dessus du même endroit. À cause d’irrégularités gravitationnelles dans lesquelles je ne veux pas entrer, il dérive lentement au long de l’équateur. Donc tous nos satellites synchrones et toutes nos stations spatiales doivent brûler du combustible pour se maintenir à leur place ; heureusement, la quantité requise est très minime. Mais on ne peut donner continuellement de petits à-coups à des millions de tonnes… spécialement lorsqu’elles se présentent sous la forme de minces tubes ayant des dizaines de milliers de kilomètres de longueur… pour les ramener en place. Par chance pour nous…

— … pas pour nous, lança le Mahanayake Thero, faisant presque perdre le fil de ses idées à Morgan.

— … il y a deux points stables sur l’orbite synchrone. Un satellite placé là y reste… il ne dérive pas. Exactement comme s’il était coincé au fond d’une vallée invisible. L’un de ces points est situé au-dessus du Pacifique, il n’est donc d’aucune utilité pour nous. L’autre est tout droit au-dessus de notre tête.

— Sûrement, quelques kilomètres d’écart dans un sens ou un autre ne feraient pas de différence. Il existe d’autres montagnes dans Taprobane.

— Aucune qui ait plus de la moitié de la hauteur de la Sri Kanda – ce qui nous rabaisse au niveau des forces critiques du vent. C’est vrai, il n’y a pas beaucoup d’ouragans exactement sur l’équateur. Mais il y en a assez pour mettre toute la structure en danger à son point le plus faible même.

— On peut contrôler les vents.

C’était la première contribution que le jeune secrétaire ait apportée à la discussion, et Morgan le regarda avec un intérêt accru.

— Jusqu’à un certain point, oui. Naturellement, j’en ai discuté avec le Contrôle Mousson. Ils disent qu’une certitude absolue est hors de question – spécialement en ce qui concerne les ouragans. Les meilleures chances qu’ils peuvent me donner sont de cinquante contre une. Ce n’est pas suffisant pour un projet d’un trillion de dollars.

Le Vénérable Parakarma semblait enclin à discuter.

— Il existe une branche presque oubliée des mathématiques, appelée la Théorie des Catastrophes, qui pourrait faire de la météorologie une science réellement précise. Je suis sûr que…

— Je devrais expliquer, intervint doucement le Mahanayake, que mon collègue fut naguère assez célèbre pour ses travaux astronomiques. J’imagine que vous avez entendu parler du Dr Choam Goldberg.

Morgan eut l’impression qu’une trappe s’était soudain ouverte sous lui. On aurait dû le prévenir ! Puis il se souvint que le Pr Sarath lui avait, en fait, bien dit, avec une lueur de malice dans l’œil, qu’il devrait « se méfier du secrétaire particulier de Buddy… c’est un personnage très intelligent ».

Morgan se demanda si ses joues rougissaient, tandis que le Vénérable Parakarma lui retournait son regard avec une expression franchement hostile. Ainsi il s’était efforcé d’expliquer les instabilités orbitales à ces moines innocents ; le Mahanayake Thero avait probablement reçu de bien meilleures informations sur la question qu’il n’en avait donné.

Et il se rappela que les milieux scientifiques mondiaux étaient nettement divisés au sujet du Dr Goldberg… ceux qui étaient certains qu’il était fou et ceux qui n’avaient pas encore pris parti. Car il avait été l’un des plus prometteurs jeunes savants dans le domaine de l’astrophysique lorsque, voilà cinq ans, il avait déclaré : « À présent que le Vagabond des Étoiles a effectivement détruit toutes les religions traditionnelles, nous pouvons enfin nous occuper sérieusement du concept de Dieu. »

Et là-dessus, il avait disparu au regard du public.

16

Conversations avec le Vagabond

Parmi les milliers de questions posées au Vagabond des Étoiles durant sa traversée du système solaire, celles dont les réponses étaient les plus avidement attendues concernaient les êtres vivants et les civilisations d’autres étoiles. Contrairement à certaines attentes, le robot répondit volontiers, quoiqu’il avouât avoir reçu ses dernières informations sur le sujet voilà plus d’un siècle.

Considérant l’immense éventail de cultures créées sur la Terre par une seule espèce, il était évident qu’il y en aurait une encore plus grande variété parmi les étoiles, où tous les types concevables de biologie pouvaient se trouver. Plusieurs milliers d’heures de scènes fascinantes – souvent incompréhensibles, parfois horrifiantes – de la vie sur d’autres planètes ne laissèrent aucun doute que c’était bien le cas.

Néanmoins, les habitants de l’Étoile-île étaient parvenus à une classification sommaire des civilisations selon leur niveau de technologie – peut-être la seule base objective possible. L’humanité fut intéressée de découvrir qu’elle arrivait en cinquième position sur une échelle définie approximativement par : 1. les outils de pierre ; 2. les métaux, le feu ; 3. l’écriture, les métiers manuels, les bateaux ; 4. la vapeur utilisée comme force motrice, la science élémentaire ; 5. l’énergie atomique, le voyage dans l’espace.

Lorsque le Vagabond des Étoiles avait commencé sa mission, il y avait soixante mille ans, ses constructeurs étaient, comme la race humaine, encore dans la catégorie 5. Ils avaient à présent atteint la catégorie 6, caractérisée par la capacité de convertir totalement la matière en énergie, et de transmuer tous les éléments à une échelle industrielle.

« Et y a-t-il une catégorie 7 ? » avait-on immédiatement demandé au Vagabond. La réponse fut un bref « Affirmatif » et quand on le pressa de donner des détails, la sonde expliqua : « Il ne m’est pas permis de décrire la technologie d’une civilisation d’un plus haut niveau à une civilisation d’un niveau inférieur. » La question en resta là jusqu’au dernier message en dépit de toutes les questions tendancieuses imaginées par les experts les plus subtils.