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Le soleil vient de se lever derrière, dans le périscope… pendant que je regardais en arrière par le hublot, j’avais littéralement des milliers de petites particules lumineuses qui tourbillonnaient autour de la capsule…

(Commandant John Glenn, Mercury « Friendship Seven », 20 février 1962.)

Avec les anciens scaphandres spatiaux, atteindre cet écrou-papillon aurait été complètement hors de question. Même avec le Flexisuit qu’il portait, cela pourrait encore être difficile mais, du moins, il pourrait le tenter.

Avec très grand soin, parce que d’autres vies que la sienne en dépendaient à présent, il repassa la série des opérations. Il devait vérifier la combinaison, dépressuriser la capsule et ouvrir l’écoutille – qui heureusement allait presque jusqu’en bas. Puis il devait défaire sa ceinture de sécurité, se mettre sur les genoux – s’il pouvait – et attraper l’écrou-papillon. Tout dépendait de son serrage. Il n’y avait aucune sorte d’outil à bord de l’Araignée, mais Morgan était prêt à concurrencer avec ses doigts – même en gants spatiaux – une clé anglaise de taille moyenne.

Il était sur le point de décrire son plan d’opération au cas où quelqu’un au sol pourrait y trouver une faille fatale, lorsqu’il ressentit un certain léger malaise. Il aurait pu aisément le tolérer beaucoup plus longtemps au besoin, mais il était inutile de prendre des risques. S’il se servait des commodités de la capsule, il n’aurait pas à se préoccuper du peu pratique sac à urine incorporé dans sa combinaison…

Lorsqu’il eut terminé, il tourna la clé de l’éjecteur d’urine – et il fut surpris par une petite explosion près de la base de la capsule. Presque instantanément, à son grand étonnement, une nuée d’étoiles scintillantes prit d’un coup naissance, comme si une microscopique galaxie avait soudain été créée. Morgan eut l’illusion que, juste pour une fraction de seconde, elle restait suspendue immobile hors de la capsule ; puis elle se mit à tomber tout droit, aussi vite qu’une pierre tombait sur la Terre. En quelques secondes, elle fut réduite à un point, puis elle disparut.

Rien n’aurait pu lui faire mieux sentir qu’il restait toujours prisonnier du champ gravitationnel terrestre. Il se souvenait comment, dans les tout premiers temps des vols orbitaux, les astronautes d’alors furent intrigués puis amusés par les halos de cristaux de glace qui les accompagnaient autour de la planète ; il y avait eu quelques plaisanteries débiles à propos de la « Constellation d’Urion ». Cela ne pouvait pas se produire là, tout ce qu’il lâcherait, aussi insignifiant que ce pût être, irait tout droit se fracasser dans l’atmosphère. Il ne devrait jamais oublier, en dépit de son altitude, qu’il n’était pas un astronaute, se délectant de la liberté de l’apesanteur, il était un homme à l’intérieur d’une construction de quatre cents kilomètres de haut, se préparant à ouvrir la fenêtre et à sortir sur son rebord.

51

Sur le seuil

Bien qu’il fit froid et qu’on ne fût guère à son aise sur le sommet, la foule continuait de grossir. Il y avait quelque chose de fascinant dans cette petite étoile brillante au zénith, sur laquelle toutes les pensées du monde – de même que le rayon laser venant de Kinte – étaient maintenant concentrées. Lorsqu’ils arrivaient, tous les visiteurs se dirigeaient vers le ruban nord, et le touchaient timidement mais avec une sorte de défi comme pour dire : « Je sais que mon geste est idiot mais il me donne la sensation d’être en contact avec Morgan. » Puis ils allaient se grouper autour du distributeur automatique de café et écoutaient les informations qui venaient par le haut-parleur. Il n’y avait rien de nouveau au sujet des réfugiés à l’intérieur de la Tour ; ils dormaient tous – ou essayaient de dormir – pour tenter d’économiser l’oxygène. Comme Morgan n’était pas encore en retard, ils n’avaient pas été avisés de son immobilisation, mais, dans une heure, ils se mettraient sans aucun doute à appeler la station intermédiaire, pour savoir ce qui s’était passé.

Maxine Duval était arrivée à la Sri Kanda juste dix minutes trop tard pour voir Morgan. Il avait été un temps où de l’avoir raté de si peu l’aurait rendue furieuse ; à ce moment, elle se contenta de hausser les épaules et se tranquillisa à la pensée qu’elle serait la première à s’emparer de l’ingénieur à son retour. Kingsley ne l’avait pas autorisée à lui parler et elle avait accepté même cette décision avec bonne grâce. Oui, elle commençait à vieillir…

Depuis les cinq dernières minutes, les seuls sons qui étaient venus de la capsule étaient une série de « Vérifié » tandis que Morgan effectuait le contrôle de routine de sa combinaison spatiale sous la direction d’un spécialiste qui l’interrogeait de la station intermédiaire. C’était à présent terminé et tout le monde était tendu dans l’attente du stade décisif suivant.

— Je laisse échapper l’air, dit Morgan, sa voix accompagnée d’un léger écho maintenant qu’il avait fermé la visière de son casque. Pression Capsule à zéro. Pas de problème pour la respiration. (Une pause de trente secondes, puis :) J’ouvre la porte… ça y est ! À présent, je détache la ceinture de sécurité.

Un frémissement et un murmure involontaires coururent parmi les assistants. En imagination, chacun était là-haut dans la capsule, conscient du vide qui s’était soudain ouvert devant lui.

— Boucle de déblocage rapide ouverte. Je me dégourdis les jambes. Pas beaucoup de place au-dessus de ma tête…

» Je commence à m’habituer à la combinaison – très flexible… à présent, je sors sur le seuil… Ne vous inquiétez pas, j’ai enroulé la ceinture de sécurité autour de mon bras gauche…

» Ffft ! C’est un gros travail de se pencher autant que cela. Mais je peux voir cet écrou-papillon sous la grille du marchepied. Je cherche comment l’atteindre…

» Je suis sur les genoux maintenant… pas très confortable… Je l’ai ! À présent, voyons s’il va se dévisser…

Ceux qui l’écoutaient se raidirent, silencieux. Puis tous, en même temps, se détendirent, avec des soupirs de soulagement presque simultanés.

— Pas de problème ! Je peux la tourner facilement. Deux tours déjà… ça va y être… encore un peu… je le sens venir… GARE LÀ-DESSOUS !

Il y eut une salve d’applaudissements et des hourras ; quelques-uns des assistants mirent leurs mains sur leur tête et firent semblant d’avoir peur, pour rire. Un ou deux, ne comprenant pas entièrement que l’écrou lâché n’arriverait pas avant cinq minutes et tomberait à dix kilomètres à l’est, avaient l’air authentiquement alarmés.

Seul Warren Kingsley ne partageait pas l’allégresse générale.

— Ne vous réjouissez pas trop tôt, dit-il à Maxine. Nous ne sommes pas encore sortis d’affaire.

Les secondes s’écoulèrent lentement… une minute… deux minutes…

— C’est inutile, dit Morgan, enfin, d’une voix lourde de rage et de frustration. Je ne peux pas bouger la bande. Le poids de la batterie maintient le boulon coincé dans le filetage. Ces secousses doivent l’avoir littéralement soudé.

— Revenez aussi vite que vous pouvez, dit Kingsley. Une autre batterie est en route et nous pouvons faire l’échange en moins d’une heure. Nous pouvons donc encore atteindre la Tour d’ici… heu, disons six heures. Sauf nouvel incident, bien entendu.

Précisément, se dit Morgan ; et il ne voudrait sûrement pas repartir sans vérifier à fond le système de freinage tellement brutalisé de l’Araignée. Ni ne se ferait confiance à lui-même pour faire un second voyage ; il se ressentait déjà de la tension des dernières heures et la fatigue ne tarderait pas à lui ralentir à la fois l’esprit et le corps, juste au moment où il aurait besoin de l’efficacité maximale des deux.