Выбрать главу

— Où en êtes-vous ?

— Peux pas dire. Mais je suis certain que l’entaille est maintenant assez profonde. Elle doit l’être…

Il aurait voulu pouvoir débrancher CORA mais c’était, bien entendu, impossible, même si elle n’avait pas été hors d’atteinte entre son sternum et le tissu de sa combinaison. Un monitor cardiaque qui aurait pu être réduit au silence eût été pire qu’inutile ; il eût été dangereux.

— Dr Morgan, dit CORA, à présent nettement ennuyée, je dois réellement insister. Au moins une demi-heure de repos complet.

Cette fois, Morgan ne se sentit pas enclin à répondre. Il savait que CORA avait raison, mais on ne pouvait s’attendre à ce qu’elle comprît que sa vie à lui n’était pas la seule en danger. Et il était également sûr que – comme ses ponts – elle devait avoir une marge prévue de sécurité. Son diagnostic était pessimiste, l’état de son patient ne devait pas être aussi sérieux qu’elle le prétendait. Ou, du moins, l’espérait-il avec ferveur.

La douleur dans sa poitrine ne semblait pas empirer ; il décida de n’en tenir aucun compte, pas plus que de CORA, et il se remit à scier, lentement mais régulièrement, avec la boucle de filament. Il continuerait, se dit-il avec entêtement en lui-même, aussi longtemps que ce serait nécessaire.

Le signe avertisseur sur lequel il avait compté ne se produisit pas. L’Araignée eut une violente secousse lorsqu’un quart de tonne de poids mort s’en arracha brutalement et Morgan fut presque précipité dans l’abîme. Il lâcha la mini-bobineuse et voulut s’accrocher à la ceinture de sécurité.

Tout semblait se passer dans un ralenti de rêve. Il n’avait aucune sensation de peur, seulement une détermination absolue de ne pas céder à la pesanteur sans lutter. Mais il ne pouvait pas trouver la ceinture de sécurité, elle devait s’être rabattue dans la cabine…

Il ne fut même pas conscient de se servir de sa main gauche mais, soudain, il se rendit compte qu’elle était cramponnée aux gonds de la porte ouverte. Pourtant il ne se hissa pas dans la cabine, il était hypnotisé par la vision de la batterie qui tombait, tournant lentement comme un étrange corps céleste, et se rapetissait, en s’éloignant. Il fallut longtemps pour qu’elle disparaisse complètement à sa vue, et ce n’est pas avant cela que Morgan regagna avec effort la sécurité et s’effondra dans son siège.

Le cœur battant à grands coups, il resta là longtemps, attendant la prochaine protestation indignée de CORA. À sa grande surprise, elle resta silencieuse, presque comme si elle avait été tout aussi saisie que lui. Bon, il ne lui donnerait plus de raisons de se plaindre. À partir de maintenant, il resterait assis tranquillement aux commandes, et essaierait de détendre ses nerfs ébranlés.

Quand il se fut retrouvé, il appela la montagne.

— Je me suis débarrassé de la batterie – et il entendit les bravos monter de la Terre. Dès que j’aurai refermé l’écoutille, je reprendrai mon ascension. Dites à Sessui et Cie de m’attendre d’ici à un peu plus d’une heure. Et remerciez Kinte pour l’éclairage, je n’en ai plus besoin maintenant.

Il repressurisa la cabine, souleva la visière du casque de son scaphandre et étancha sa soif en buvant à petites gorgées une large dose de jus d’orange vitaminé. Puis il fit démarrer la propulsion, desserra les freins, et se renfonça dans son siège avec une sensation d’immense soulagement lorsque l’Araignée reprit sa vitesse maximale.

Il montait depuis plusieurs minutes lorsqu’il s’aperçut de ce qui manquait. Avec un espoir anxieux, il jeta un coup d’œil par le hublot sur la grille de métal au pied de la porte. Non, la mini-bobineuse n’était pas là. Bah, il pourrait toujours en avoir une autre pour remplacer celle qui suivait à présent la batterie abandonnée dans sa chute vers la Terre ; ce n’était qu’un petit sacrifice pour l’exploit accompli. Étrange, donc, qu’il fût si troublé et ne pût jouir entièrement de son éclatante réussite… Il avait l’impression d’avoir perdu un vieil et fidèle ami.

53

Baisse de charge

Le fait qu’il n’eût malgré tout que trente minutes de retard sur l’horaire prévu semblait trop beau pour être vrai ; Morgan aurait été prêt à jurer que la capsule avait été arrêtée durant au moins une heure. Là-haut dans la Tour, maintenant à moins de deux cents kilomètres au-dessus de lui, le comité de réception devait se préparer à lui faire un accueil enthousiaste. Il se refusait même à considérer la possibilité de tout nouvel incident.

Lorsqu’il dépassa le repère des cinq cents kilomètres, avançant toujours bon train, un message de congratulation lui arriva de la Terre.

— À propos, ajouta Kingsley, le garde-chasse de la réserve de Ruhana a signalé la chute d’un appareil aérien, nous avons pu le rassurer… Si nous pouvons trouver le trou, nous aurons peut-être un souvenir pour vous.

Morgan n’eut pas de difficulté à retenir sa joie ; il était bien content que c’en soit fini de cette batterie. Pourtant, s’ils pouvaient retrouver la mini-bobineuse… mais ça, c’était une tâche sans espoir…

Le premier signe d’ennui apparut à cinq cent cinquante kilomètres. À ce moment, la vitesse d’ascension aurait dû être de plus de deux cents kilomètres à l’heure ; elle n’était que de cent quatre-vingt-dix-huit. Aussi légère que fût la différence – et il n’en résulterait aucun retard appréciable dans son heure d’arrivée – elle inquiéta Morgan.

Lorsqu’il ne fut plus qu’à trente kilomètres de la Tour, il avait diagnostiqué le problème et savait que, cette fois, il n’y avait absolument rien qu’il pût faire. Alors qu’il aurait dû exister une ample réserve, la batterie commençait à faiblir. Peut-être ces secousses et ces redémarrages brutaux étaient-ils à l’origine du mal ; peut-être même pouvait-il y avoir un dommage quelconque dans ses composants délicats. Quelle que fût l’explication, l’énergie baissait lentement et, en même temps, la vitesse de la capsule.

Ce fut la consternation quand Morgan transmit les indications du tableau de bord à la Terre.

— Je crains que vous n’ayez raison, se lamenta Kingsley qui semblait presque en larmes. Nous vous suggérons de réduire la vitesse à cent kilomètres à l’heure. Nous allons essayer de calculer la durée de vie de la batterie – quoique ce ne sera que pure estimation.

Plus que vingt-cinq kilomètres… tout juste quinze minutes, même à cette vitesse réduite ! Si Morgan avait été capable de prier, il l’aurait fait.

— Nous estimons que vous en avez encore pour quinze à vingt minutes, à en juger d’après l’allure à laquelle la charge baisse. Ce sera très juste, j’en ai bien peur.

— Dois-je réduire de nouveau la vitesse ?

— Pas pour le moment ; nous essayons de calculer au plus près votre taux de décharge, et cela semble aller à peu près.

— Bon, vous pouvez allumer vos lumières maintenant, si je ne peux pas arriver jusqu’à la Tour, je veux au moins la voir.

Ni Kinte ni les autres stations orbitales ne pouvaient l’aider à présent qu’il voulait voir le dessous de la Tour. C’était l’affaire des projecteurs sur la Sri Kanda elle-même, pointés verticalement vers le zénith.

Un moment plus tard, la capsule fut embrochée par un faisceau éblouissant venant du cœur de Taprobane. À quelques mètres seulement – en fait si près qu’il avait la sensation de pouvoir les toucher – les trois autres rubans de guidage étaient d’étroites bandes lumineuses convergeant vers la Tour. Il les suivit du regard – et elle était bien là…