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— Ou bien, elle aura voulu prévenir Mervin.

— Je m’en occupe, dit Kovask.

— Je suis obligé de commencer. Tant pis, elle attendra son tour. Ne trouvez-vous pas ça curieux ?

— Si.

Dans l’antichambre, il demanda à Marina d’appeler le numéro des bureaux de Mervin.

— Demandez mademoiselle Ciprelle Erwing.

— Comment dites-vous ?

— Ciprelle.

Marina pouffa et n’avait pas réussi à maîtriser son fou rire, lorsqu’elle obtint la communication. Kovask lui prit le combiné des doigts.

— Puis-je parler à la señorita Ciprelle Erwing ?

— La señorita n’est pas encore arrivée, dit une voix de fille jeune. Mais elle ne va pas tarder.

Songeur, il raccrocha.

— Elle n’était pas à son bureau, n’a même pas prévenu qu’elle ne viendrait pas ce matin. Je vais aux nouvelles.

— J’attends avec impatience la fille qui porte un tel prénom, fit Marina à voix basse.

Sur le palier de Ciprelle Erwing, Kovask ne sonna qu’une fois, puis entreprit d’ouvrir la porte. Celle-ci n’offrit aucune difficulté. Le verrou n’était pas tourné, et n’importe quel passe aurait permis d’entrer dans l’appartement. Cela l’intrigua.

La pauvre fille était dans la salle de séjour. Elle s’était pendue à l’aide de la ceinture d’un peignoir éponge. Cette ceinture était accrochée au tuyau du chauffage central, qui passait au plafond de la pièce. Le corps était froid, et il estima qu’elle était morte depuis la veille, peut-être peu de temps après son passage. Il retrouva la convocation qu’il lui avait remise. Sur le divan, une visionneuse de films attira son attention. Il la mit en route. La nature du film qui se présenta sur le petit écran le surprit. Des filles nues, très belles, se livraient entre elles à des audaces sexuelles inouïes. Une multitude de gros plans insistaient sur les techniques utilisées.

Il coupa la visionneuse, ouvrit la porte d’un placard, y trouva d’autres bobines. Toutes, du même style. Et toujours des femmes entre elles. Il les vérifia rapidement toutes, en transparence. Déjà, les titres suffisaient à décrire le contenu.

Dans la cuisine, il trouva la bouteille de whisky, et le niveau avait considérablement baissé depuis la veille. Il y avait aussi deux verres et, à tout hasard, il les essuya, car l’un d’eux conservait ses empreintes. Depuis la porte de la cuisine, il étudia la position du corps, la chaise renversée. Il la redressa pour grimper dessus, et examiner le tube du chauffage. Ce qu’il avait soupçonné se vérifiait. La peinture avait été usé par un frottement assez fort, celui de la ceinture coulissant autour, tandis qu’on hissait le corps de la malheureuse secrétaire pour donner l’impression qu’elle s’était suicidée.

Puis il se baissa pour regarder sous le divan, vit la trace qu’avaient laissé les pieds sur la poussière. Ciprelle Erwing n’était pas une ménagère méticuleuse. Lorsqu’elle rentrait, elle préférait boire, manger et regarder des films cochons, plutôt que de passer le balai. On avait eu besoin du divan pour l’opération de pendaison. De la chaise également. Le corps n’étant pas encore rigide, rien de plus facile. Puis, on l’avait hissé depuis cet échafaudage. Cela laissait supposer une personne seule, et de musculature moyenne. Kovask estimait qu’il aurait pu charger Ciprelle sur ses épaules, lui attacher le nœud coulant autour du cou, et laisser retomber son poids, sans laisser de marque sur le tube.

Il chercha encore d’autres indices, mais n’en trouva aucun. Il lui fallait quitter les lieux. La police conclurait certainement au suicide, dû à l’affolement causé par cette convocation devant la commission sénatoriale.

Au San Cristobal, il y avait toujours des Américains vivant au Chili, qui attendaient leur tour. Marina Samson l’interrogea du regard.

— Elle ne viendra pas. Elle est morte.

— Morte ? Mais comment ?

Il préféra ne pas répondre, gardant la primeur de la nouvelle pour le sénateur, qui le reçut entre deux personnes. La nouvelle le laissa impassible, du moins en apparence.

— Comment ?

— Pendue.

— Suicide ?

— Non. On l’a pendue. Peu de temps après mon départ. Une personne seule, pas très costaud.

— Mervin correspond à ce signalement ?

— Oui.

Holden s’assit derrière son bureau, la bouche crispée autour de son havane :

— Ils n’hésitent devant rien. Mais c’est la preuve que nous sommes sur la bonne voie.

A cause de son cigare, il parlait de côté, avec une expression comique.

— Malheureusement, dit Kovask, je ne vois pas comment arriver au but. Michaël Mervin bénéficie d’un sursis.

— Il faut continuer, fit le sénateur en scandant chaque syllabe du poing sur la table. On ne va pas se décourager pour autant. Au fait, vous avez pris vos précautions là-bas ?

— Ne vous inquiétez pas. J’ai l’habitude. Mais je me pose des questions. Qui pouvait savoir que miss Erwing serait convoquée ici ? Elle a quitté son bureau assez tard, et est morte peu après mon départ.

— Sûrement qu’elle a téléphoné à Mervin, pour lui demander conseil. Vous pensez bien qu’il a tout de suite compris le danger d’une telle comparution.

— Mais aurait-il commis lui-même le meurtre ? Je le vois mal se compromettre d’un seul coup, lui qui jusqu’à présent a été d’une prudence parfaite.

— Oui, dit le sénateur. C’est étrange.

Kovask regarda autour de lui d’un air attentif, et le sénateur suivit son regard.

— A quoi pensez-vous ? A des micros ?

— Exactement.

Sans plus attendre, il grimpa sur le bureau, pour examiner la suspension en bronze, mais ne trouva rien de suspect. De même dans la lampe de travail. Il dévissa le combiné, mais celui-ci ne recelait aucune pastille émettrice.

— Nos conversations seraient écoutées ? Je vous ai remis cette convocation hier matin. Dans le fond, ils auraient pu la liquider tout au long de la journée, et de façon plus satisfaisante, remarqua le sénateur. Maintenant, il y a cette fameuse convocation, et la police chilienne se posera quelques questions. Oh ! je ne me fais aucune illusion. L’affaire sera étouffée, et je ne crois pas qu’il serait très habile de ma part, de demander une contre-enquête.

— Toute une journée pour la liquider, dit Kovask. Pourquoi agir si tard ? Elle pouvait se faire renverser par une voiture, se faire abattre en pleine rue. Qui se serait étonné ? Non… Ils ont attendu le soir.

— A moins qu’elle n’ait pu téléphoner à Mervin.

— Lorsque je l’ai laissée, elle paraissait bien décidée à ne pas le faire.

Puis il changea complètement de conversation :

— J’ai besoin que vous interveniez auprès de la Junte, pour obtenir des renseignements sur une certaine Blanca Lascos, née dans cette ville le 20 juillet 1950, et qui a été arrêtée avant-hier dans une maison de campagne entre Valparaiso et ici. Elle est accusée d’appartenir au M.I.R.

Le sénateur fit la grimace :

— Le M.I.R. ? Vous voulez qu’un type comme moi se compromette pour un membre du M.I.R. ? Vous savez que ce sont les plus recherchés, et je crains qu’elle ne soit en mauvaise posture.

— Il faut savoir où elle se trouve, et au besoin obtenir qu’elle soit libérée.

— Vous êtes fou ?

— Ne disposez-vous pas de monnaie d’échange ? Vous n’avez pas quitté le sol des Etats-Unis les mains vides ?

L’œil du sénateur se fit rusé, et il haussa ses épaules massives.

— Bon, je vais voir ce que l’on peut faire. C’est la fille de Lascos ?