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— Quand allez-vous prévenir vos confrères de leur escapade nocturne ?

Il éclata de rire :

— Vendredi seulement. Mais comment allons-nous agir ?

— Je vais y réfléchir, dit Kovask, et nous en reparlerons demain. Vous devriez vous arrêter. Il est tard.

— Merci, Commander. D’ailleurs, je suis un peu écœuré par ce que j’ai entendu. Ces gens médiocres, qui pensent et agissent avec tant de haine… Ils ont glacé quelque chose en moi.

Kovask dîna avec Marina, et l’emmena danser, mais, rapidement, elle remarqua son peu d’allant.

— Fatigué ?

— Oui, un peu.

— On va boire un verre au bar, et on va se coucher ?

— Ensemble ?

— Le repos du guerrier, hein ? Je devrais m’offusquer. Vous me considérez vraiment comme une insignifiante personne.

Il songeait à Luisna, que peut-être il n’aurait pas l’occasion de prendre dans ses bras. Marina n’était pas désagréable, mais même dans l’amour, restait fonctionnelle.

— Vous avez un air rêveur qui vous va très bien, murmura-t-elle. D’habitude, vous ne vous laissez pas tellement aller.

— Allons boire ce verre, dit-il, en lui prenant la main, et en l’entraînant jusqu’au bar.

Assise sur le tabouret voisin, elle appuya son genou contre le sien.

— Beaucoup de gibier dans votre besace ?

— Ça peut aller, fit-il brièvement.

— Pas bavard. Serez-vous plus prolixe tout à l’heure ?

Il sourit.

— A moins que vous aussi, vous n’ayez besoin de films érotiques pour vous donner des idées ?

Kovask souriait toujours. Marina plongea ses lèvres dans son verre :

— Vous me trouvez bien dévergondée ?

— Non, pas du tout.

— Ces gens, ce travail enfermé m’énervent en diable, dit-elle, comme pour s’excuser. Je suis habituée à plus d’activité, lorsque mon patron est à Washington. Et puis, ces gens qui attendent leur tour plus ou moins fébrilement, me dépriment.

— Vous n’aimeriez pas être à leur place, hein ?

— Grands dieux, pourquoi ? Je me demande d’ailleurs ce qu’ils peuvent bien répondre aux questions du sénateur. La plupart sont de braves gens, qui n’ont rien à se reprocher.

— Le sénateur Holden n’en est pas aussi certain que vous, savez-vous ?

Elle haussa ses jolies épaules.

— Oh ! il philosophe beaucoup en ce moment, et aurait tendance à se poser trop de questions.

— Vous le jugez trop vieux ? demanda-t-il perfide.

Marina hésita, le regarda avec surprise, puis secoua la tête en riant.

— Pas du tout. Mais que nous sommes graves soudain. Je me demande, si ce soir, j’arriverai à vous dérider.

— Vous avez raison, dit-il brusquement. Je crois que je ferai un piètre compagnon, et je préfère aller me coucher.

CHAPITRE X

Vers minuit, Cesca Pepini se réveilla, la bouche sèche, et le nez bouché. Depuis la veille, elle couvait un rhume, peut-être contracté en soignant Luisna Palaz. Elle quitta son lit, sa chambre, pour aller boire un verre d’eau à la cuisine. Elle revint aussitôt après, et se glissa entre ses draps, mais ne pouvant retrouver le sommeil. Une demi-heure plus tard, elle ne dormait pas encore, lorsqu’elle entendit le bruit de plusieurs moteurs. C’était plutôt rare dans ce quartier neuf, encore peu fréquenté, et elle se leva pour regarder à travers les persiennes. Elle aperçut la silhouette de plusieurs command-cars, et réalisa tout de suite que la police ou l’armée venaient pour les arrêter. En un éclair, elle enfila son tailleur, pensa avoir le temps de prévenir Luisna et Lascos, mais il était trop tard. La porte d’entrée était défoncée, sans que la sonnette n’ait retenti. On voulait vraiment les surprendre au lit, et l’opération était sur le point de réussir.

La Mamma fonça vers sa fenêtre, ouvrit les volets. Il n’y avait qu’un mètre pour rejoindre le sol. Elle retourna chercher son sac, y fourra sa main, et à tout hasard, prit sa bombe lacrymogène de poche. A peine posait-elle le pied sur le gravier du jardin, qu’un homme en uniforme se présenta :

— Halte, ne bougez plus !

Il braquait sur elle sa mitraillette, mais sans hésiter, elle jeta sa main en avant, et le jet de gaz lacrymogène l’atteignit en plein dans les yeux. Il jura atrocement, mais ne tira pas. Elle se mit à courir. Par chance, la clôture de la petite villa n’était pas construite de ce côté-là, et bientôt elle fut dans le terrain vague du lotissement, galopant maladroitement dans les fondrières, trébuchant souvent, mais animée d’une farouche volonté. Lorsqu’elle atteignit les premiers arbres, elle s’arrêta pour reprendre souffle, et regarder derrière. Elle apercevait une lumière dans la villa, mais n’entendait absolument rien. Même pas le bruit de ses poursuivants, et elle finit par conclure, que nul n’avait essayé de la rattraper.

Intriguée, elle s’assit sur un tumulus, et essaya de comprendre ce qui se passait exactement. Peu après, il y eut des bruits de moteurs, et les véhicules descendirent vers la ville. Certainement un simulacre, pensa-t-elle, et elle s’installa plus confortablement, dans la nuit très fraîche.

Une heure s’écoula ainsi, et il lui était impossible de rester là. Elle suivit une sorte de sentier, qui lui permit de regagner la route du lotissement bien plus haut. Elle se rapprocha de la villa par courtes progressions, puis s’embusqua dans le terrain, juste en face de la maison, jusqu’à ce qu’elle ait la quasi-certitude que celle-ci était vide. Alors, elle prit son petit automatique dans son sac, l’arma, et le gardant au poing, traversa la route, trouva la grille ouverte, ainsi que la porte d’entrée.

La lampe qui brillait, était celle du séjour. Tout avait été bouleversé. Mais en grande hâte, comme si les agresseurs étaient pressés. Luisna n’était plus dans sa chambre, et la Mamma estima qu’on ne lui avait laissé passer qu’une robe de chambre. Lascos avait également disparu, mais on l’avait autorisé à enfiler ses vêtements. Sa propre chambre ressemblait à un champ de bataille. Tout s’était déroulé en moins d’une demi-heure, et elle ignorait l’identité de ces inconnus. Armée ou carabiniers ? Elle n’aurait pu le dire.

Les fils du téléphone avaient été arrachés, et cette précaution la surprit. Tranquillement, elle les relia, et lorsqu’elle obtint la tonalité, forma le numéro du San Cristobal, demanda la chambre du Commander au veilleur de nuit.

— Mamma ? Qu’arrive-t-il ?

— Lascos et Luisna ont été enlevés. J’ai pu me tirer. Mais je suis retournée à la villa. Il n’y a plus de danger. Pouvez-vous venir ?

— N’ont-ils pas tendu une embuscade dans les environs ?