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— Bénéficierai-je de l’indulgence du tribunal, si je donne son nom ?

— Je m’en porte garant.

Les gorilles suivaient la conversation avec difficulté, bien que la plupart aient quelques rudiments d’anglais.

— C’est Michael Mervin qui avait organisé ce camp clandestin. Tous les deux, nous appartenons à une section spéciale et peu connue de la C.I.A.

Holden approuva de la tête :

— Parfait. Je vous demanderai de signer ces aveux. Il vous en sera tenu compte, j’y veillerai.

En même temps, il clignait victorieusement de l’œil à l’adresse de Kovask, qui n’éprouvait que de l’écœurement. La Mamma s’occupait des deux filles avec douceur, mais qui pourrait faire quelque chose pour elles ? Les membres du commando spécial secouraient leurs compagnons abattus par la rafale de mitraillette. Il y avait deux morts, et deux blessés graves.

— Nous allons avoir beaucoup de travail, dit le sénateur.

Kovask alla téléphoner, passant outre les exclamations, les fausses déclarations d’innocence. Le ministère de l’Intérieur répondit, par la bouche d’un jeune officier, qu’on allait aviser.

En dépit de cette indifférence affectée, l’amiral José Coruna arriva le premier en voiture blindée, flanquée de motards de la marine, et d’une Jeep-radio. L’entretien entre lui et le sénateur fut particulièrement orageux, mais Holdent ne faiblit pas d’un pouce. L’amiral dut repartir furieux. Peu après arrivèrent des ambulances. Kovask veilla à ce que Luisna et Blanca soient dirigées vers une clinique américaine dépendant de l’ambassade. Puis arriva l’ambassadeur, avec ses attachés, ses conseillers, ses secrétaires. Tout un monde de fonctionnaires éberlués, qui juraient leurs grands dieux que jamais ils ne s’étaient doutés de ce qui se passait dans l’immense propriété louée à Decker.

Par téléphone, Kovask s’assura que Mervin se trouvait toujours à l’hôtel San Cristobal. Un secrétaire de la commission sénatoriale le rassura sur ce point.

Plus tard, Holden fit signe à Kovask :

— Vous avez votre voiture ? Je me sens fatigué.

— Je vous raccompagne.

— Votre amie, la vieille dame ?

— Elle a tenu à accompagner ces deux jeunes femmes. Elle veillera à ce qu’on les soigne, et saura interdire l’accès de leur chambre aux indésirables.

— Bien. Allons-y.

Tout au long de la route, ils restèrent silencieux, et que ce ne fut que dans Santiago que le sénateur releva la tête, qu’il avait tenue inclinée, son menton écrasant son nœud de cravate :

— Vous m’avez dit dernièrement, que vous ne pensiez pas rester longtemps encore dans ce métier.

— Oui, c’est vraiment mon intention.

— Je vous approuve. Je me demande si nous arriverons jamais à purger notre grand corps de toutes ses maladies honteuses.

— Merci pour tout. Je vous verrai demain matin comme d’habitude. Une sévère journée nous attend. Ça va grenouiller de partout. Washington, Santiago, la presse internationale. Evidemment, pour le moment, le secret absolu, mais tout sera révélé au grand jour. Mervin ne sait pas ce qui l’attend. Bonsoir.

Lorsqu’il descendit de sa chambre, Kovask constata qu’une grande activité régnait dans l’hôtel. D’abord, celui-ci était surveillé par de nombreux carabiniers, qui refoulaient la foule des journalistes, du moins de ceux qui n’avaient pas été expulsés par la Junte. Il y avait aussi, plus loin, quelques curieux timides.

Dans l’antichambre, Marina Samson paraissait bouleversée, elle aussi.

— Enfin, allez-vous me dire ? Il y a tant de bruits qui courent… Que s’est-il passé cette nuit ? Le sénateur joue les mystérieux…

— Vous le saurez bientôt, promit-il avec un sourire indéfinissable. Mais sachez déjà que nous avons fait une grande lessive. Mervin est cuit, Decker aussi. Nous n’avons plus qu’à découvrir certains complices, comme le tueur de la pauvre Ciprelle Erwing.

La laissant sur sa faim, il pénétra chez le sénateur. En face de Holden, Mervin, effondré sur sa chaise, ne lui accorda même pas un regard.

— C’est le panier aux crabes. Washington ne cesse d’appeler. J’ai dû déléguer un des sénateurs pour répondre spécialement. Les Chiliens sont bougrement embarrassés. Sans l’appui de la C.I.A., sans la désorganisation de l’économie, jamais ils n’auraient pu abattre Allende et l’Union Populaire. Ils avaient plus de quarante pour cent des voix. Jamais la droite n’a fait un tel score.

Kovask s’approcha de lui, l’entraîna vers la fenêtre, pour que Mervin ne puisse entendre.

— A-t-il avoué le meurtre de Ciprelle Erwing ?

— Nous n’en sommes pas encore là.

— Vous souvenez-vous, lorsque l’autre jour, je cherchais des micros dans votre bureau ? Nous n’en avons pas trouvé, mais nous avions oublié une chose : ceci.

Le sénateur se retourna, et regarda son bureau.

— Je ne comprends pas.

Mervin ne faisait même pas attention à eux, ruminait sa défaite d’un air lointain.

— Le téléphone, dit Kovask. Un vieux truc. Il est calé pour ne pas reposer complètement sur son socle. Avec un amplificateur ou un magnéto branché ailleurs, on capte tout ce qui se dit ici.

— Mais, fit Holden bouleversé, cet ailleurs ne peut-être…

— Oui, dit Kovask.

Pour la première fois, le sénateur parut désemparé. Il porta la main à ses yeux, attendit quelques secondes avant d’accompagner Kovask jusqu’à l’antichambre. Lorsqu’elle les vit entrer, Marina commença de sourire, mais Kovask décrocha son téléphone, souleva le support, vit le petit fil qui s’enfonçait dans le bois de la table, rejoignant un magnétophone à bande longue durée.

— Voilà ! C’est elle qui transmettait à Mervin ce qui se disait ici. Elle qui a su que Ciprelle Erwing devenait dangereuse. Et comme ce soir-là Mervin ne pouvait s’en occuper, elle encore qui a étranglé la pauvre fille avant de la pendre.

Holden eut un geste d’horreur :

— Non, pas ça.

— Elle doit sortir d’une école de la C.I.A. Elle s’est trahie l’autre soir.

Il se tourna vers elle :

— A moins que vous aussi n’ayez besoin de films érotiques, pour vous donner des idées. Ce sont vos paroles exactes. Pourquoi cet « aussi », qui vous a trahie ? Parce que vous aviez vu les films cochons que Ciprelle Erwing se projetait, lorsqu’elle était seule. Donc, vous êtes allée chez elle.

— Pour l’amour de Dieu et de la justice, répondez Marina ! s’écria le sénateur Holden.

Mais, le silence de la jeune femme persistant, il tourna lentement les talons, rentra tristement dans son bureau. Kovask posa sa main sur l’épaule de la jeune femme.

— Vous devrez répondre de cet assassinat d’un témoin important de cette affaire. Je vais prévenir la police chilienne. Vos chers amis de la police chilienne !

FIN