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— Le personnage serait le chef d’un réseau parallèle, créé par Langley.

Le Commander fronça ses sourcils :

— Vous êtes bien renseigné, sénateur.

— Et comment ! Après tout, nous avons nous aussi notre service de renseignement à Washington. Vous ne pouvez savoir la masse d’informations que nous recevons, et je dois louer un ordinateur plusieurs jours chaque mois pour les traiter.

— Votre secrétaire doit avoir beaucoup de travail.

— Marina ?

Holden eut un air assez polisson :

— Elle n’est chez moi que depuis peu. Mais j’ai un pool bien rodé, dans la capitale. Vous vous occupez de ce Mervin ?

— Promis.

Il serra la main du sénateur, et passa dans la salle d’attente. Un homme attendait, Américain du Nord rien qu’à son aspect. Il paraissait très nerveux, et se précipita vers le sénateur :

— Je ne comprends pas à quoi rime cette convocation.

— Un instant, et je vous l’explique, dit placidement Holden en refermant la porte.

Marina et Kovask échangèrent un regard amusé.

— Il m’accablait de questions, se montrait même désagréable. Je crois, qu’on va en recevoir des dizaines comme lui. Ça promet.

— Une chance pour vous de recevoir une invitation à dîner.

— Oh ! ce genre de type ne me plaît pas tellement. J’aime bien choisir.

— Dommage que je sois occupé si tard aujourd’hui. M’auriez-vous choisi ?

Elle sourit gentiment :

— Pourquoi pas ? Mais avec ce couvre-feu, ce n’est guère facile.

— On doit pouvoir y remédier, dit-il.

Marina lui dédia un regard soupçonneux :

— Champagne, électrophone et lumière tamisée dans votre chambre par exemple ?

— Ou dans la vôtre, fit-il sur le même ton.

Elle parut rester rêveuse :

— Pourquoi pas. Mais j’aime bien m’endormir avant minuit.

— J’essaierai d’être ici.

Dans le hall de l’hôtel un officier de marine, un capitaine de vaisseau, équivalence de son grade de commander, s’approcha de lui, et lui demanda s’il était bien le Commander Serge Kovask.

— Bien sûr. Vous m’attendiez ?

— L’amiral José Coruna désirerait vous rencontrer. J’ai une voiture devant la porte.

Kovask resta interdit durant quelques secondes. Coruna était le patron des services secrets de la Marine chilienne, un homme réputé pour sa férocité, et son extrémisme fascisant.

— Tout de suite ? s’étonna-t-il. Mais c’est un enlèvement.

Le capitaine de vaisseau resta de marbre. Ils étaient les maîtres du pays, et l’affirmaient avec autorité. D’ailleurs, il ne s’était même pas présenté. Kovask faillit répondre qu’il ne pouvait le suivre, et proposer une autre heure, mais il ne pouvait compliquer la situation.

— Je suis donc forcé de venir.

Dehors, il monta dans la Mercedes noire, qu’un marin pilotait. Un autre, en tenue de combat, tenait la portière ouverte. Sa main droite ne quittait pas la détente de sa mitraillette.

Le court trajet fut silencieux jusqu’au ministère de la Marine. Kovask se contenait à grand-peine, et il dut faire appel à tout son sang-froid dans l’ascenseur.

Ils traversèrent un bureau où travaillaient des marins en uniforme, puis le capitaine de vaisseau heurta du doigt une double porte, l’ouvrit, s’effaça.

— Entrez, señor Commander.

Kovask reconnut de suite le visage de fanatique de l’amiral Coruna, son profil d’aigle, sa petite moustache, son regard illuminé. Un sourire sans chaleur entrouvrit des lèvres parcheminées, sur de petites dents blanches.

— Commander Kovask, je suis heureux de vous rencontrer. Dès que j’ai su que vous faisiez partie de la commission sénatoriale d’enquête de votre pays, j’ai eu hâte de vous connaître.

Il lui désigna une chaise :

— Vous êtes déjà venu dans ce pays ?

— En effet, dit Kovask. C’était en 1969.

— Oui, je me souviens. Il y avait eu collaboration entre nos services. D’ailleurs, il y a toujours eu une grande entente entre la Navy et notre marine.

— Il devait même y avoir des manœuvres début septembre, dit tranquillement Kovask. Des navires de nos deux pays devaient y participer.

Allende avait cru se débarrasser de sa marine, mais celle-ci, désobéissant aux ordres, était revenu à Valparaiso quelques heures plus tard, et ce retour avait marqué le début du putsch. Coruna garda tout son calme malgré cette allusion.

— Je souhaite que cette entente continue, dit-il. Elle a été nouée à de très hauts niveaux. Il ne faudrait pas qu’elle soit détruite par des initiatives personnelles.

Kovask gardait un visage glacé.

— Nous avons toléré que des sénateurs étrangers viennent dans notre pays pour y interroger leurs ressortissants, et éventuellement quelques Chiliens. Tout doit se passer dans les meilleures conditions, et il ne faudrait pas que cette sérénité soit gâchée par quelques incidents déplaisants.

— Vous craignez quelque attentat ? dit sèchement Kovask. De l’ordre de celui dont parle El Mercurio aujourd’hui ?

L’amiral Coruna s’immobilisa, comme frappé en plein visage. Il mit quelques secondes à se ressaisir :

— Oh ! ces attentats sont le fait d’irresponsables. Je veux parler d’autre chose. Je voudrais, Commander, que vous ne tentiez pas d’outrepasser les limites de votre mission.

Kovask se leva lentement :

— Vous serait-il possible de me faire parvenir vos recommandations par la voie hiérarchique ? Je ne reçois d’ordre que de mon chef, le Commodore Gary Rice, qui a provisoirement délégué ses pouvoirs au président de la commission, le sénateur John Holden.

Il y eut un silence et Coruna revint derrière son lourd bureau de style colonial.

— Vous ne me comprenez pas, Commander. Je ne cherche nullement à vous mettre des bâtons dans les roues. Je sais que vous bénéficiez d’une immunité diplomatique, et je n’aurais garde de l’oublier, mais je vous demande d’être prudent. Les esprits sont terriblement échauffés, et s’il devait vous arriver quelque chose, songez que les rapports entre nos deux pays s’en trouveraient ternis.

La menace était directe et franche. Coruna souriait, avec un air de loup affamé.

— Je vous remercie, dit Kovask. Notre but est de rechercher la vérité. Il y a de grandes chances pour que celle-ci, quelle qu’elle soit, ne finisse par jaillir un jour ou l’autre.

— Nous le souhaitons avec vous, Commander.

Kovask s’inclina, mais d’un geste, l’amiral lui fit signe d’attendre un instant. Il prit un papier sur la table, et fit semblant de le lire avec attention.

— Vous êtes accompagné d’une certaine señora Pepini ? Francesca Pepini ?

— C’est exact, dit Kovask secrètement inquiet. Madame Pepini est ma secrétaire. C’est une vieille dame inoffensive. Etant donné mes fonctions habituelles, j’ai cru bon de m’adjoindre une personne de ce genre.

Coruna hocha la tête :

— Inoffensive, vraiment ? Savez-vous où elle se trouve en ce moment ?

— Mais à son hôtel, très certainement. Elle prépare des dossiers, fait quelques visites et promenades dans la ville.

— Oui. Est-ce qu’elle sait conduire ?

Kovask fronça les sourcils :

— Mais oui.

— On l’a vue au volant d’une Volkswagen ce matin. Il n’y a pas une demi-heure d’ailleurs.

— Elle a dû la louer.

Coruna eut un sourire sardonique :

— Hélas non ! Ou bien elle a été la victime de gens malhonnêtes, car cette voiture a été volée à la femme du recteur de l’université catholique. Et, en ce moment, la loi martiale est stricte. Toute personne trouvée au volant d’un véhicule volé est immédiatement fusillée.