Выбрать главу

— Non!

— Comment ça non?

— Une fois, la chance, une seule. Si vous n'avez pas su en profiter, il est trop tard. Veuillez tirer ces deux malles hors de chez moi. Adieu monsieur!

Elle ne lui appela même pas un taxi. Son aversion avait pris le dessus. Il avait décidément une odeur qui ne lui revenait pas.

Elle s'assit dans la cuisine, face au mur défoncé. Maintenant la situation avait évolué. Elle se résolut à téléphoner à Jason Bragel et à ce M. Rosenfeld. Elle avait décidé de s'amuser un peu avant de mourir.

PHEROMONE HUMAINE: Tout comme les insectes, qui communiquent par les odeurs, l'homme dispose d'un langage olfactif par lequel il dialogue discrètement avec ses semblables. Comme nous n'avons pas d'antennes émettrices, nous projetons les phéromones dans l'air à partir des aisselles, des tétons, du cuir chevelu et des organes génitaux. Ces messages sont perçus inconsciemment mais n'en sont pas moins efficaces. L'homme a cinquante millions de terminaisons nerveuses olfactives; cinquante millions de cellules capables d'identifier des milliers d'odeurs, alors que notre langue ne saitreconnaître que quatre saveurs.

Quel usage faisons-nous de ce mode decommunication?

Tout d'abord, l'appel sexuel. Un mâlehumain pourra très bien être attiré par une femelle humaine uniquement parce qu'il aapprécié ses parfums naturels (d'ailleurs trop souvent cachés sous des parfumsartificiels!). Il pourra de même se trouver repoussé par une autre dont les phéromonesne lui «parlent» pas.

Le processus est subtil. Les deux êtres ne sedouteront même pas du dialogue olfactif qu'ils ont eu. On dira juste que "l'amour estaveugle".

Cette influence des phéromones humainespeut aussi se manifester dans les rapports d'agression. Comme chez les chiens, unhomme qui hume des effluves transportant le message «peur» de son adversaire auranaturellement envie de l'attaquer.

Enfin l'une des conséquences les plusspectaculaires de l'action dephéromones humaines est sans doute la synchronisation des cycles menstruels. On s'est en effet aperçu que plusieurs femmes vivant ensemble émettaient des odeurs, qui ajustaient leur organisme de sorte que les règles de toutes se déclenchent en même temps.

Edmond Wells

Encyclopédie du savoir relatif et absolu.

Elles aperçoivent leurs premières moissonneuses au milieu des champs jaunes. En vérité, il faudrait plutôt parler de bûcheronnes; leurs céréales sont bien plus grandes qu'elles et elles doivent cisailler la base de la tige pour que tombent les grains nourriciers.

En dehors de la cueillette, leur principale activité consiste à éliminer toutes les autres plantes poussant autour de leurs cultures.

Elles utilisent pour cela un herbicide de leur fabrication: l'acide indole-acétique, qu'elles pulvérisent avec une glande abdominale. A l'arrivée de 103 683e et de 4000e, les moissonneuses leur prêtent à peine attention. Elles n'ont jamais vu de fourmis rousses, et pour elles ces deux insectes sont au mieux deux esclaves en fugue ou deux fourmis à la recherche de sécrétion de lomechuse. Bref, des clochardes ou des droguées. Une moissonneuse finit pourtant par déceler une molécule aux odeurs de fourmi rouge. Suivie d'une compagne, elle quitte son travail et s'approche.

Vous avez rencontré des rouges? Où sont-elles?

En discutant, les Belokaniennes apprennent que les rouges ont attaqué le nid des moissonneuses il y a plusieurs semaines. Elles ont tué avec leur dard venimeux plus d'une centaine d'ouvrières et de sexués, puis ont dérobé toute la réserve de farine de céréales. A son retour d'une campagne menée au sud, à la recherche de nouvelles graines, l'armée des moissonneuses n'avait pu que constater les dégâts. Les rousses reconnaissent qu'elles ont en effet rencontré des rouges. Elles indiquent la direction à prendre pour les retrouver. On les questionne, et elles narrent leur propre odyssée.

Vous êtes à la recherche du bout du monde? Elles acquiescent. Les autres éclatent alors de phéromones de rire aux odeurs pétillantes. Pourquoi s'esclaffent-elles? Le bout du monde n'existerait-il pas? Si, il existe et vous y êtes arrivées! Outre les moissons notre principale activité est de tenter le franchissement du bout du monde. Les moissonneuses se proposent de guider dès le lendemain matin les deux «touristes» vers ce lieu métaphysique. La soirée se passe en discussions, à l'abri du petit nid que les moissonneuses ont creusé dans l'écorce d'un hêtre.

Et les gardiens du bout du monde? demande

103 683e.

Ne vous en faites pas, vous les verrez bien assez tôt.

Est-il vrai qu'ils ont une arme capable d'écraser d'un coup toute une armée?

Les moissonneuses sont surprises que ces étrangères connaissent de tels détails.

C'est exact.

103 683e va donc enfin connaître la solution de l'énigme de l'arme secrète!

Cette nuit-là, elle a un rêve. Elle voit la Terre qui s'arrête à angle droit, un mur d'eau vertical qui envahit le Ciel et, sortant de ce mur d'eau, des fourmis bleues tenant des branches d'acacia très destructrices. Il suffit qu'un bout de ces branches magiques touche quoi que ce soit pour que tout soit pulvérisé.

4 Le bout du chemin

AUGUSTA passa toute la journée devant six allumettes. Le mur était plus psychologique que réel, ça elle l'avait compris. Le fameux «Il faut penser différemment!» d'Edmond… Son fils avait découvert quelque chose, c'était certain, et il le cachait avec son intelligence.

Elle se remémora ses nids d'enfance, ses «tanières». C'est peut-être parce qu'on les lui avait toutes détruites qu'il avait cherché à s'en fabriquer une qui serait inaccessible, un endroit où nul ne viendrait jamais le déranger… Comme un lieu intérieur, qui trouverait à projeter au-dehors sa paix… et son invisibilité.

Augusta secoua l'engourdissement qui la gagnait. Un souvenir de sa propre jeunesse émergea. C'était une nuit d'hiver, elle était toute petite, et elle avait compris qu'il pouvait exister des nombres en dessous de zéro… 3, 2, 1, 0 et puis — 1, -2, - 3… Des nombres à l'envers! Comme si on retournait le gant des chiffres. Zéro n'était donc pas la fin ou le commencement de tout. Il existait un autre monde infini de l'autre côté. C'était comme si on avait fait éclater le mur du «zéro».

Elle devait avoir sept ou huit ans, mais sa découverte l'avait bouleversée et elle n'avait pas dormi de la nuit.

Les chiffres à l'envers… C'était l'ouverture d'une autre dimension. La troisième dimension. Le relief!

Seigneur!

Ses mains tremblent d'émotion, elle pleure, mais elle a la force de saisir les allumettes.

Elle en pose trois en triangle puis place à chaque coin une allumette qu'elle dresse pour que toutes convergent en un point supérieur.

Cela forme une pyramide. Une pyramide et quatre triangles équilatéraux.

Voici la limite est de la Terre. Un lieu sidérant. Cela n'a plus rien de naturel, plus rien de terrien. Ce n'est pas comme 103 683 e se l'imaginait. Le bord du monde est noir, jamais elle n'a rien vu d'aussi noir! C'est dur, lisse, tiède et ça sent les huiles minérales. À défaut d'océan vertical, on trouve ici des courants aériens d'une violence inouïe. Elles restent longtemps à essayer de comprendre ce qui se passe. De temps en temps une vibration se fait sentir. Son intensité augmente de manière exponentielle. Puis soudain le sol tremble, un grand vent soulève les antennes, un bruit infernal fait claquer les tympans des tibias. On dirait un violent orage, mais à peine le phénomène se manifeste-t-il qu'il a déjà cessé, laissant juste retomber quelques volutes de poussières.