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— Vous savez, longtemps j'ai cherché une manière de faire coexister mes amis autour de moi. J'ai tenté les communautés, les squatts, les phalanstères.:. Je n'y arrivais jamais. J'avais fini par penser que je n'étais qu'un doux utopiste, pour ne pas dire ~ un imbécile. Mais ici… ici il se passe des choses. Nous sommes bien obligés de cohabiter, de nous compléter, de penser ensemble. Nous n'avons pas le choix: si nous ne nous entendons pas, nous mourrons. Et il n'y a pas de fuite possible. Or, je ne sais pas si cela vient de la découverte de mon oncle ou de ce que nous apprennent les fourmis par leur simple existence au-dessus de nos têtes, mais pour l'instant notre communauté marche du feu de Dieu!

– Ça marche, même malgré nous…

— Nous avons parfois l'impression de produire une énergie commune où chacun peut librement puiser. C'est étrange.

— J'ai déjà entendu parler de ça, à propos des rose-croix et de certains groupes francs-maçons, dit Jason. Ils nomment ça egregor: le capital spirituel du «troupeau». Comme une bassine où chacun déverse sa force pour en faire une soupe qui profite à chacun… En général, il y a toujours un voleur qui utilise l'énergie des autres à des fins personnelles.

— Ici nous n'avons pas ce genre de problème. On ne peut avoir d'ambitions personnelles lorsqu'on vit en petit groupe sous la terre… Silence.

— Et puis on parle de moins en moins, on n'a plus besoin de ça pour se comprendre.

— Oui, il se passe des choses ici. Mais nous ne les comprenons et ne les contrôlons pas encore. Nous ne sommes pas encore arrivés, nous n'en sommes qu'au milieu du voyage. Silence à nouveau.

— Bon, bref, j'espère que vous vous plairez dans notre petite communauté…

801 arrive épuisée dans sa cité natale. Elle a réussi! Elle a réussi!

Chli-pou-ni opère tout de suite une CA pour savoir ce qui s'est passé. Ce qu'elle entend la confirme dans ses pires suppositions quant au secret caché sous la dalle de granit. Elle décide aussitôt d'attaquer militairement Bel-o-kan. Toute la nuit, ses soldâtes s'équipent. La toute nouvelle légion volante de rhinocéros est fin prête.

103 683e émet une suggestion de plan. Pendant qu'une partie de l'armée combattra de front, douze légions contourneront en douce la Cité pour tenter un assaut de la souche royale.

L'UNIVERS VA: L'univers va vers la complexité. De l'hydrogène à l'hélium, de l'hélium au carbone. Toujours plus complexe, toujours plus sophistiqué est le sens d'évolution des choses. De toutes les planètes connues, la Terre est la plus complexe. Elle se trouve dans une zone où sa température peut varier. Elle est couverte d'océans et de montagnes. Mais si son éventail déformes de vie est pratiquement inépuisable, il en est deux qui culminent au-dessus des autres par leur intelligence. Les fourmis et les hommes. On dirait que Dieu a utilisé la planète Terre pour faire une expérience. Il a lancé deux espèces, avec deux philosophiescomplètement antinomiques, sur la coursede la conscience pour voir laquelle irait leplus vite.

Le but est probablement d'arriver à uneconscience collective planétaire: la fusion de tous les cerveaux de l'espèce. C'est selonmoi la prochaine étape de l'aventure de laconscience. Le prochain niveau decomplexité.

Cependant, les deux espèces leaders ont prisdes voies de développement parallèles:

— Pour devenir intelligent, l'homme a gon/lé son cerveau jusqu'à lui donner une taille monstrueuse. Une sorte de gros chou-fleur rosâtre.

— Pour obtenir le même résultat, les fourmis ont préféré utiliser plusieurs milliers de petits cerveaux réunis par des systèmes de communications très subtils.

En valeur absolue, il y a autant de matière ou d'intelligence dans le tas de miettes de chou des fourmis que dans le chou-fleur humain. Le combat est à armes égales. Mais que se passerait-il si les deux formes d'intelligences, au lieu de courir parallèlement, coopéraient?…

Edmond Wells

Encyclopédie du savoir relatif et absolu.

Jean et Philippe n'aiment guère que la télé et, à la limite, les flippers. Même le tout nouveau mini-golf, récemment aménagé à grands frais, ne les intéresse plus. Quant aux balades en forêt… Pour eux, rien n'est pire que lorsque le pion les oblige à prendre l'air. La semaine dernière, ils se sont certes amusés à crever des crapauds, mais le plaisir a été un peu trop court. Aujourd'hui, toutefois, Jean semble avoir trouvé une activité vraiment digne d'intérêt. Il entraîne son copain à l'écart du groupe d'orphelins, en train de ramasser stupidement des feuilles mortes pour en faire des tableaux cucul la praline, et lui montre une sorte de cône en ciment. Une termitière. Ils se mettent aussitôt à la casser à coups de pied, mais rien ne sort, la termitière est vide. Philippe se penche et renifle.

— Elle a été dézinguée par le cantonnier.

Regarde, ça pue l'insecticide, ils sont tous crevés à l'intérieur.

Ils s'apprêtent à rejoindre les autres, déçus, quand Jean repère de l'autre côté de la petite rivière une pyramide à demi cachée sous un arbuste.

Cette fois-ci, c'est la bonne! Une fourmilière impressionnante, un dôme d'au moins un mètre de haut! De longues colonnes de fourmis entrent et sortent, des centaines, des milliers d'ouvrières, de soldâtes, d'exploratrices. Le DDT n'est pas encore passé par là. Jean en sautille d'excitation.

— Dis donc, t'as vu ça?

— Oh non! tu veux pas encore bouffer des fourmis… Les dernières avaient un goût dégueu.

— Qui te parle de bouffer! Tu as devant toi une ville, rien que ce qui dépasse là c'est comme New York ou Mexico. Tu te rappelles ce qu'ils disaient à l'émission? Dedans ça grouille de populace. Regarde-moi toutes ces connes qui bossent comme des connes!

— Ouais… Tu as vu comment Nicolas à force de s'intéresser aux fourmis a fini par disparaître? Moi je suis sûr qu'il y avait des fourmis au fond de sa cave et qu'elles l'ont bouffé. Et je vais te dire, je n'aime pas rester à côté de ce truc. Ça me plait pas! Saloperies de fourmis, hier j'en ai même vu qui sortaient d'un des trous du mini-golf, elles voulaient peut-être faire leur nid au fond… Saloperies de connes de fourmis de merde! Jean lui secoue l'épaule.

— Eh bien justement! Tu n'aimes pas les fourmis, moi non plus. Tuons-les! Vengeons notre copain Nicolas!

La suggestion retient l'intérêt de Philippe.

— Les tuer?

— Mais oui! pourquoi pas? Foutons le feu à cette ville! Tu t'imagines Mexico en flammes, rien que parce que ça nous botte?

— OK, on va y mettre le feu. Ouais. Pour Nicolas…

— Attends, j'ai même une meilleure idée: on va y fourrer du désherbant, comme ça, ça va faire un vrai feu d'artifice.

— Génial…

– Écoute, il est 11 heures, on se retrouve ici dans deux heures pile. Comme ça le pion nous fera pas chier et tout le monde sera à la cantine. Moi, je vais chercher le désherbant. Toi, tu te débrouilles pour amener une boîte d'allumettes, c'est mieux qu'un briquet.

— Banco!

Les légions d'infanterie avancent à bonne allure. Quand les autres cités fédérées demandent où elles vont, les Chlipoukaniennes répondent qu'on a repéré un lézard dans la région ouest et que la Cité centrale a réclamé leur aide. Au-dessus de leurs têtes, les coléoptères rhinocéros bourdonnent, à peine ralentis par le poids des artilleuses qui s'agitent sur leurs têtes.

13 heures. Bel-o-kan est en pleine activité. On profite de la chaleur pour accumuler les œufs, les nymphes et les pucerons dans le solarium.

— J'ai amené de l'alcool à brûler pour que ça flambe encore mieux, annonce Philippe.

— Parfait, dit Jean, moi j'ai acheté le désherbant. Vingt francs la dose, les fumiers!

Mère joue avec ses plantes carnivores. Depuis le temps qu'elles sont là, elle se demande pourquoi elle n'en a jamais fait un mur de protection, comme elle le souhaitait au début.