L’entrée du Rétro évoquait plus la ligne Maginot qu’une boîte de nuit. Un M113, des sacs de sable, des soldats endormis ou envieux, dans un passage bordé de maisons détruites qui ressemblait à un coupe-gorge.
Il y avait plus de monde à l’extérieur qu’à l’intérieur : le Rétro était totalement vide, à part le personnel … Une discothèque au demeurant moderne et bien décorée. Malko commanda une bouteille de Moët et Chandon et après l’avoir sérieusement entamée, ils se mirent à danser. Ou plutôt à se frotter comme des malades, sous le regard intéressé des garçons désœuvrés. Neyla respirait d’une façon saccadée, collée étroitement à Malko. Sa lourde poitrine s’écrasait contre lui et le cuir souple de sa jupe n’était pas un grand obstacle. Sur cette piste au sol lumineux, ils avaient la sensation irréelle d’être seuls au monde au cœur de cette ville fantôme. Malko en eut soudain assez de cette exhibition.
— Rentrons, proposa-t-il.
Neyla suivit docilement. Les soldats n’avaient pas bougé. Mahmoud, impassible, les ramena. Beyrouth semblait calme, à part le cérémonial de barrages. Neyla s’était assoupie sur l’épaule de Malko. Elle se réveilla en sursaut quand la voiture s’arrêta.
— Où sommes-nous ?
— Au Commodore.
— Ah bon !
Enroulée à Malko, elle traversa le hall désert sans un regard pour le réceptionniste. Dans la chambre, elle se réveilla d’un coup, arrachant presque la chemise de Malko. Emmêlés comme des pieuvres, ils se déshabillèrent mutuellement. Neyla glissa à genoux, promenant sa bouche épaisse sur tout le corps de Malko pour engloutir finalement sa virilité qu’elle se mit à flatter à petits coups de langue empressés. Elle avait un corps lourd, ferme, avec des seins coniques et durs qui jaillissaient de son chemisier comme des animaux vivants. Elle se mit ensuite à secouer furieusement le membre de Malko, comme si elle voulait l’arracher puis, le mordit, et finalement, le supplia avec des mots crus de le lui enfoncer dans le ventre … À peine l’eut-il pénétrée que dix griffes se plantèrent dans son dos, striant ses épaules, ses hanches, ses reins tandis qu’elle se démenait sous lui comme un cheval qui veut se débarrasser de son cavalier.
Ses cris devaient traumatiser encore plus le perroquet fou. Malko la retourna et la heurta, durci, au creux des reins, puis la reprit. À chaque coup de boutoir, Neyla bondissait, avec un grognement furieux, griffant le drap. Elle lui échappa, se remit sur le dos et l’étreignit sauvagement, lui labourant la nuque, les yeux fous. Ses seins coniques semblaient bourrés de silicone, tant ils étaient durs, les pointes dressées comme des crayons marron. Puis, elle le repoussa et l’enjamba, se laissant tomber sur lui. Elle se mit alors, au paroxysme de l’excitation, à remuer d’avant en arrière, les deux mains crispées sur ses seins, jusqu’à ce qu’elle s’effondre avec un cri sauvage, trempée de sueur.
Un volcan !
Malko avait l’impression d’être passé dans une essoreuse. Si Neyla se donnait toujours ainsi, ce n’était pas étonnant qu’elle soit bien habillée. Maintenant, elle gisait sur le ventre, les cheveux collés par la transpiration en travers du lit, respirant lourdement comme si elle était atteinte d’asthme. Il voulut la secouer, mais elle ronflait déjà, l’orgasme se combinant avec le vin de la Bekaa et le champagne pour faire un puissant somnifère.
Il alla prendre une douche : son corps était strié de marques rouges comme s’il avait été fouetté.
À son tour, il se coucha, prêtant l’oreille à quelques lointaines explosions. Quelle journée !
Une exquise morsure lui transperça le bas-ventre et il ouvrit les yeux. Avec la lenteur hiératique d’une hétaïre consciencieuse, Neyla était en train d’engloutir sa très belle érection matinale. À jeun et sans maquillage, elle paraissait encore plus sensuelle, avec ses traits enfantins et ses yeux de biche cernés. Malko crut qu’il allait défaillir dans sa bouche. Il la caressa à son tour et découvrit que l’aube n’empêchait pas les sentiments. Elle commença à gémir, à se tordre pour lui échapper mais, au summum de sa forme, il entra en elle d’un coup, lui arrachant un rugissement de plaisir.
Ce fut une cavalcade sans faute jusqu’à ce que l’orgasme de Neyla le soulève du lit. Ils se rendormirent et c’est le téléphone qui les réveilla. Robert Carver. Neyla, appuyée sur un coude, parcourait tendrement sa poitrine de petits coups de langue, tandis qu’il parlait au chef de station. Malko écourta par discrétion.
— C’est bon de faire l’amour avec toi, dit-elle ensuite. J’ai eu l’impression de mourir de plaisir … Beaucoup d’hommes me prennent pour une pute, mais ce n’est pas vrai. Je n’ai jamais fait semblant.
Les cernes mauves sous ses yeux plaidaient en sa faveur. Elle s’étira, faisant saillir ses seins coniques.
— Tu ne risques pas de problèmes avec tes parents ? demanda Malko.
Elle secoua ses boucles défrisées par la transpiration.
— Non, à cause du couvre-feu, je reste souvent dormir chez des copines. Je n’ai pas de laissez-passer, moi.
— Je pourrais probablement t’en avoir un, dit Malko. Il faudrait que tu m’aides avant de …
Il s’interrompit devant l’expression de Neyla. Ses prunelles s’étaient assombries. Ses lèvres se mirent à trembler et ses yeux s’humectèrent. Les épaules secouées de sanglots, elle s’effondra sur le lit, hoquetante. Il dut la consoler de longues minutes avant qu’elle ne consente à relever un visage ruisselant de larmes.
— Qu’y a-t-il ?
Elle eut une moue enfantine.
— J’avais oublié. Je pensais que je te plaisais. Que tu avais envie de faire l’amour avec moi, de me faire des cadeaux.
— Les deux sont vrais, assura Malko. Tu fais merveilleusement bien l’amour. Je n’ai pas voulu gâcher notre soirée en parlant d’autre chose. Mais …
Elle se leva et alla s’essuyer le visage. Puis, elle lui fit face, les yeux rouges, les lèvres gonflées.
— Qu’est-ce que tu veux savoir ?
— Tu as entendu parler de John Guillermin ? L’Américain qui a été assassiné.
— Oui, par les journaux.
— Je recherche celui qui l’a tué. Le meurtre a été commandé à partir de la banlieue sud. Karim Zaher y est mêlé. Il se prépare autre chose, d’encore plus grave. As-tu une possibilité de savoir quelque chose ?
— Peut-être, dit-elle, l’air effrayé.
— Tu connais quelqu’un ?
— Oui. Un garçon. Un chiite. Il est amoureux de moi. C’était un des gardes du corps de Karim Zaher. Maintenant il est chez Amal. Il me téléphone souvent.
— Fais attention, dit Malko. Ils sont sur leurs gardes.
— Je sais. Je les connais mieux que toi.
Elle enfila son chemisier, puis ses escarpins et commença à se coiffer. Malko avait un peu honte. Ses coups de griffes le brûlaient comme un reproche muet. Il revit en un éclair le colonel israélien basculer dans la poubelle, six balles dans le dos. Il confiait à Neyla une mission éminemment dangereuse. Mortelle. Seulement, lui tout seul était incapable de pénétrer le quartier chiite. Il rejoignit la jeune femme dans la salle de bains. Elle achevait de se maquiller. Leurs regards se croisèrent dans la glace. Doucement, il emprisonna ses seins dans ses mains, les caressant d’un mouvement presque imperceptible. Instinctivement, elle se cabra contre lui, collant ses fesses pleines à son ventre, jusqu’à ce que sa vigueur lui revienne.