Выбрать главу

– Pi… ouitt!

– L’harmonie du ruisseau. Polka de la poudrette.

V

La salle

–  Le mérite d’une œuvre d’art est dans la simplicité, professa le critique sérieux. L’école de Beaumarchais fut déjà une décadence. Mais il était doué de beaucoup d’esprit naturel.

– Est-ce que nous allons voir la caisse guillotiner ce pauvre Médoc? demanda Mme Touban à Sensitive; ce serait roide!

– La censure, répondit le poète.

– Ils ont glané ça et ça, fit observer Cotentin, mais c’est châtré, cette machine!

– Mais enfin, dit Céleste, le trésor du colonel?

Depuis la mort du baron Schwartz, M. Champion, dans les grandes circonstances, imitait son laconisme.

– Descente de police, là-bas, en Corse, répondit-il. Ruines du couvent fouillées. Pas de résultat. Couvent miné, sauté, néant!

– Les Habits Noirs existent donc encore? demanda l’huissière. Adolphe haussa les épaules.

– On en a coffré une demi-douzaine, tout au plus: Cocotte, Piquepuce, le fretin. J’ai vu ces choses-là de près, puisque l’instruction se fit dans ma propre chambre…

– Contez-nous donc l’instruction.

– Eh bien! il y avait deux témoins, car ce M. Bruneau, qu’on nomme ouvertement M. André Maynotte, depuis qu’il y a ordonnance du roi pour sa sauvegarde…

– Le premier mari! dit Mme Blot.

– Le père de notre sieur Michel, oui; ce M. Maynotte, disais-je, avait pris la poste et Mme la baronne l’avait suivi. Je trouvai ça inconvenant, mais la suite a démontré que c’était la nature. Les deux témoins étaient le conseiller Roland et le chef de division Schwartz; pas de la petite bière! Ils déclarèrent tout d’abord avoir envoyé leur démission à leurs ministres respectifs, ayant désormais à remplir un devoir sacré incompatible avec leurs fonctions publiques. Ils établirent que M. Schwartz avait été assassiné par M. Lecoq.

– Médoc! ah! le coquin de Rodolfo!

– Et que M. Bruneau, sans malice aucune, avait refermé la porte de la caisse sur ce sanguinaire scélérat qui était en train de décharger dans sa poitrine, à lui, M. Bruneau, le second coup de son pistolet…

– Mais comment tout ce monde était-il là?

VI

Les coulisses

Le dernier tableau s’achevait. Olympe Verdier, entourée de cadavres, remerciait son Dieu, Etienne et Maurice tombèrent dans les bras l’un de l’autre derrière la toile de fond.

– Tu t’es donc marié?

– Tu as donc fait recevoir enfin ta pièce?

– Oui, répondit Etienne d’un air sombre, ma pièce.

– Pourquoi ne viens-tu pas nous voir? reprit Maurice, que de choses dans ces deux années!…

– Oui, gronda Etienne, que de choses!

– Olympe Verdier, ma chère et charmante mère, est redevenue Julie Maynotte; M. Bruneau a vu la fin de ses traverses…

– Je ferai une autre pièce avec ça…

– Ah! non! celle-ci suffit pour ta fortune et pour ta gloire.

– Pour ma fortune! dit Etienne; sur dix pour cent de droits, j’ai donné quatre pour cent à M. Alfred d’Arthur et quatre pour cent à M. Savinien Larcin…

– Ah! diable! restent deux pour cent, c’est maigre!

– Le directeur s’en est contenté, fit Etienne avec un soupir.

– Alors, il ne te reste que la gloire!

– L’auteur! l’auteur! cria la salle en ce moment. Etienne s’arracha une forte poignée de cheveux.

– Messieurs, annonça le grand comédien, chargé du rôle de Trois-Pattes, le drame que nous avons eu l’honneur de représenter devant vous est de MM. Alfred d’Arthur et Savinien Larcin!

– Eh bien! et toi? demanda Maurice.

VII

Sortie du théâtre

–  Ça ne fera pas le sou! pronostiqua Sensitive.

– En voilà pour deux cents représentations, dit Tourangeau. J’y enverrai tous les gens bien de ce pays-ci.

– Mais on ne révèle pas le fameux secret renfermé dans le scapulaire, fit observer Mme Touban.

– Racine eût fait autrement que cela! déclara le critique.

– Pour vous finir, dit Adolphe Champion à Mme Blot, l’ancien conseiller et l’ancien commissaire de police travaillent comme des nègres à la révision du procès de Caen. Edmée, Mme Michel, a voulu que tous les créanciers de M. Bancelle fussent payés intégralement et la pauvre vieille Mme Bancelle est morte bien heureuse. Mme Maurice a une jolie petite fille, Mme Michel a un beau petit garçon, la maison va comme un charme. Mme Maynotte est belle à faire trembler… et moi, je pêche deux fois par semaine.

– Mais, demanda la veuve de l’huissier, cette affaire du faux Louis XVII!…

– Mon cher marquis, disait le puissant ami de Gaillairdbois en sortant avec lui d’une loge grillée, ce Lecoq était un mâle! Le roi est de plus en plus amoureux de son cruel faubourg. Retrouvez-nous donc ce petit truc qui a le nez de Saint Louis!

– La voiture de M. Maynotte! cria un grand laquais.

– Tiens! dit Gaillardbois, ils étaient dans l’autre loge grillée, en face!

Avant de monter dans son équipage, le puissant ami du marquis décacheta un pli qu’un homme décent venait de lui remettre.

– C’est un épilogue, murmura-t-il. Le comte Corona vient d’être poignardé dans la campagne de Sartène par le nommé Battista, cocher de sa femme. Une jolie personne.

Et il ajouta, en s’adressant à ses gens:

– À la préfecture!

VIII

Le café du théâtre

Des grogs en quantité, quelques bavaroises. Unanimité de cigares.

– La petite Talma n’aura pas la vie pure!

– Laferrière n’a plus que douze ans…

– Etienne! s’écria Savinien Larcin en réponse à une question indiscrète, quel Etienne? Connais pas cet oiseau-là.

– Si la censure avait voulu laisser un peu de liberté, professait Alfred d’Arthur au milieu des complimenteurs, la maison Schwartz aurait bien acheté le manuscrit deux ou trois cent mille francs. Attendons le réveil du peuple!

– Envoyez-moi la brochure, dit le critique sérieux à Savinien. J’ai noté çà et là quelques tournures de phrases qu’on ne trouve pas dans Laharpe. À propos, comment vous excuser auprès du public d’avoir escamoté le fameux secret des Habits Noirs?

– En annonçant notre prochain drame: Le Secret de la Camorra ou Fra Diavolo au couvent de la Merci.