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Le printemps jeune et bénévole Qui vêt le jardin de beauté Elucide nos voix et nos paroles Et les trempe dans sa limpidité.
La brise et les lèvres des feuilles Babillent – et effeuillent En nous les syllabes de leur clarté.
Mais le meilleur de nous se gare Et fuit les mots matériels; Un simple et doux élan muet Mieux que tout verbe amarre Notre bonheur à son vrai cieclass="underline" Celui de ton âme, à deux genoux, Tout simplement, devant la mienne, Et de mon âme, à deux genoux, Très doucement, devant la tienne.
Viens lentement t’asseoir Près du parterre, dont le soir Ferme les fleurs de tranquille lumière, Laisse filtrer la grande nuit en toi: Nous sommes trop heureux pour que sa mer d’effroi Trouble notre prière.
Là-haut, le pur cristal des étoiles s’éclaire. Voici le firmament plus net et translucide Qu’un étang bleu ou qu’un vitrail d’abside; Et puis voici le ciel qui regarde à travers.
Les mille voix de l’énorme mystère Parlent autour de toi. Les mille lois de la nature entière Bougent autour de toi, Les arcs d’argent de l’invisible Prennent ton âme et son élan pour cible, Mais tu n’as peur, oh! simple cœur, Mais tu n’as peur, puisque ta foi Est que toute la terre collabore À cet amour que fit éclore La vie et son mystère en toi.
Joins donc les mains tranquillement Et doucement adore; Un grand conseil de pureté Et de divine intimité Flotte, comme une étrange aurore, Sous les minuits du firmament.
Combien elle est facilement ravie, Avec ses yeux d’extase ignée, Elle, la douce et résignée Si simplement devant la vie.
Ce soir, comme un regard la surprenait fervente, Et comme un mot la transportait Au pur jardin de joie, où elle était Tout à la fois reine et servante.
Humble d’elle, mais ardente de nous, C’était à qui ploierait les deux genoux, Pour recueillir le merveilleux bonheur Qui, mutuel, nous débordait du cœur.
Nous écoutions se taire, en nous, la violence De l’exaltant amour qu’emprisonnaient nos bras
Et le vivant silence Dire des mots que nous ne savions pas.
Au temps où longuement j’avais souffert Où les heures m’étaient des pièges, Tu m’apparus l’accueillante lumière Qui luit, aux fenêtres, l’hiver, Au fonds des soirs, sur de la neige.
Ta clarté d’âme hospitalière Frôla, sans le blesser, mon cœur, Comme une main de tranquille chaleur; Un espoir tiède, un mot clément, Pénétrèrent en moi très lentement;
Puis vint la bonne confiance Et la franchise et la tendresse et l’alliance, Enfin, de nos deux mains amies, Un soir de claire entente et de douce accalmie.
Depuis, bien que l’été ait succédé au gel, En nous-mêmes et sous le ciel, Dont les flammes éternisées Pavoisent d’or tous les chemins de nos pensées, Et que l’amour soit devenu la fleur immense, Naissant du fier désir, Qui, sans cesse, pour mieux encor grandir, En notre cœur, se recommence, Je regarde toujours la petite lumière Qui me fut douce, la première.
Je ne détaille pas, ni quels nous sommes L’un pour l’autre, ni les pourquois, ni les raisons: Tout doute est mort, en ce jardin de floraisons Qui s’ouvre en nous et hors de nous, si loin des hommes.
Je ne raisonne pas, et ne veux pas savoir, Et rien ne troublera ce qui n’est que mystère Et qu’élans doux et que ferveur involontaire Et que tranquille essor vers nos parvis d’espoir.
Je te sens claire avant de te comprendre telle; Et c’est ma joie, infiniment, De m’éprouver si doucement aimant, Sans demander pourquoi ta voix m’appelle.
Soyons simples et bons – et que le jour Nous soit tendresse et lumière servies, Et laissons dire que la vie N’est point faite pour un pareil amour.
À ces reines qui lentement descendent Les escaliers en ors et fleurs de la légende, Dans mon rêve, parfois, je t’apparie; Je te donne des noms qui se marient À la clarté, à la splendeur et à la joie, Et bruissent en syllabes de soie, Au long des vers bâtis comme une estrade Pour la danse des mots et leurs belles parades.
Mais combien vite on se lasse du jeu, À te voir douce et profonde et si peu Celle dont on enjolive les attitudes; Ton front si clair et pur et blanc de certitude, Tes douces mains d’enfant en paix sur tes genoux, Tes seins se soulevant au rythme de ton pouls Qui bat comme ton cœur immense et ingénu, Oh! comme tout, hormis cela et ta prière, Oh! comme tout est pauvre et vain, hors la lumière Qui me regarde et qui m’accueille en tes yeux nus.
Je dédie à tes pleurs, à ton sourire, Mes plus douces pensées, Celles que je te dis, celles aussi Qui demeurent imprécisées Et trop profondes pour les dire.
Je dédie à tes pleurs, à ton sourire À toute ton âme, mon âme, Avec ses pleurs et ses sourires Et son baiser.
Vois-tu, l’aurore naît sur la terre effacée, Des liens d’ombre semblent glisser Et s’en aller, avec mélancolie; L’eau des étangs s’écoule et tamise son bruit, L’herbe s’éclaire et les corolles se déplient, Et les bois d’or se désenlacent de la nuit.
Oh! dis, pouvoir un jour, Entrer ainsi dans la pleine lumière; Oh! dis, pouvoir un jour Avec toutes les fleurs de nos âmes trémières, Sans plus aucun voile sur nous, Sans plus aucun mystère en nous, Oh dis, pouvoir, un jour, Entrer à deux dans le lucide amour!
Je noie en tes deux yeux mon âme toute entière Et l’élan fou de cette âme éperdue, Pour que, plongée en leur douceur et leur prière, Plus claire et mieux trempée, elle me soit rendue.
S’unir pour épurer son être, Comme deux vitraux d’or en une même abside Croisent leurs feux différemment lucides Et se pénètrent!
Je suis parfois si lourd, si las, D’être celui qui ne sait pas Etre parfait, comme il se veut! Mon cœur se bat contre ses vœux, Mon cœur dont les plantes mauvaises, Entre des rocs d’entêtement, Dressent, sournoisement, Leurs fleurs d’encre ou de braise; Mon cœur si faux, si vrai, selon les jours, Mon cœur contradictoire, Mon cœur exagéré toujours De joie immense ou de crainte attentatoire.
Pour nous aimer des yeux, Lavons nos deux regards, de ceux Que nous avons croisés, par milliers, dans la vie Mauvaise et asservie.