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L’aube est en fleur et en rosée Et en lumière tamisée Très douce: On croirait voir de molles plumes D’argent et de soleil, à travers brumes, Frôler et caresser, dans le jardin, les mousses.
Nos bleus et merveilleux étangs Tremblent et s’animent d’or miroitant, Des vols émeraudés, sous les arbres, circulent; Et la clarté, hors des chemins, des clos, des haies, Balaie La cendre humide, où traîne encor le crépuscule.
Au clos de notre amour, l’été se continue: Un paon d’or, là-bas traverse une avenue; Des pétales pavoisent, – Perles, émeraudes, turquoises – L’uniforme sommeil des gazons verts; Nos étangs bleus luisent, couverts Du baiser blanc des nénuphars de neige; Aux quinconces, nos groseillers font des cortèges;
Un insecte de prisme irrite un cœur de fleur; De merveilleux sous-bois se jaspent de lueurs; Et, comme des bulles légères, mille abeilles Sur des grappes d’argent, vibrent, au long des treilles.
L’air est si beau qu’il paraît chatoyant; Sous les midis profonds et radiants, On dirait qu’il remue en roses de lumière; Tandis qu’au loin, les routes coutumières, Telles de lents gestes qui s’allongent vermeils, À l’horizon nacré, montent vers le soleil.
Certes, la robe en diamants du bel été Ne vêt aucun jardin d’aussi pure clarté; Et c’est la joie unique éclose en nos deux âmes Qui reconnaît sa vie en ces bouquets de flammes.
Que tes yeux clairs, tes yeux d’été, Me soient, sur terre, Les images de la bonté.
Laissons nos âmes embrasées Exalter d’or chaque flamme de nos pensées.
Que mes deux mains contre ton cœur Te soient, sur terre, Les emblèmes de la douceur.
Vivons pareils à deux prières éperdues L’une vers l’autre, à toute heure, tendues.
Que nos baisers sur nos bouches ravies Nous soient sur terre, Les symboles de notre vie.
Dis-moi, ma simple et ma tranquille amie, Dis, combien l’absence, même d’un jour, Attriste et attise l’amour Et le réveille, en ses brûlures endormies.
Je m’en vais au devant de ceux Qui reviennent des lointains merveilleux, Où, dès l’aube, tu es allée; Je m’assieds sous un arbre, au détour de l’allée,
Et, sur la route, épiant leur venue, Je regarde et regarde, avec ferveur, leurs yeux Encore clairs de t’avoir vue.
Et je voudrais baiser leurs doigts qui t’ont touchée, Et leur crier des mots qu’ils ne comprendraient pas, Et j’écoute longtemps se cadencer leurs pas Vers l’ombre, où les vieux soirs tiennent la nuit penchée.
En ces heures où nous sommes perdus Si loin de tout ce qui n’est pas nous-mêmes. Quel sang lustral ou quel baptême Baigne nos cœurs vers tout l’amour tendus?
Joignant les mains, sans que l’on prie, Tendant les bras, sans que l’on crie, Mais adorant on ne sait quoi De plus lointain et de plus pur que soi, L’esprit fervent et ingénu, Dites, comme on se fond, comme on se vit dans l’inconnu.
Comme on s’abîme en la présence De ces heures de suprême existence, Comme l’âme voudrait des cieux Pour y chercher de nouveaux dieux, Oh! l’angoissante et merveilleuse joie Et l’espérance audacieuse D’être, un jour, à travers la mort même, la proie De ces affres silencieuses.
Oh! ce bonheur Si rare et si frêle parfois Qu’il nous fait peur!
Nous avons beau taire nos voix, Et nous faire comme une tente, Avec toute ta chevelure, Pour nous créer un abri sûr, Souvent l’angoisse en nos âmes fermente.
Mais notre amour étant comme un ange à genoux, Prie et supplie, Que l’avenir donne à d’autres que nous Même tendresse et même vie, Pour que leur sort de notre sort ne soit jaloux.
Et puis, aux jours mauvais, quand les grands soirs Illimitent, jusques au ciel, le désespoir, Nous demandons pardon à la nuit qui s’enflamme De la douceur de notre âme.
Vivons, dans notre amour et notre ardeur, Vivons si hardiment nos plus belles pensées Qu’elles s’entrelacent, harmonisées À l’extase suprême et l’entière ferveur.
Parce qu’en nos âmes pareilles, Quelque chose de plus sacré que nous Et de plus pur et de plus grand s’éveille, Joignons les mains pour l’adorer à travers nous.
Il n’importe que nous n’ayons que cris ou larmes Pour humblement le définir, Et que si rare et si puissant en soit le charme, Qu’à le goûter, nos cœurs soient prêts à défaillir.
Restons quand même et pour toujours, les fous De cet amour presqu’implacable, Et les fervents, à deux genoux, Du Dieu soudain qui règne en nous, Si violent et si ardemment doux Qu’il nous fait mal et nous accable.
Sitôt que nos bouches se touchent, Nous nous sentons tant plus clairs de nous-mêmes Que l’on dirait des Dieux qui s’aiment Et qui s’unissent en nous-mêmes;
Nous nous sentons le cœur si divinement frais Et si renouvelé par leur lumière Première Que l’univers, sous leur clarté, nous apparaît.
La joie est à nos yeux l’unique fleur du monde Qui se prodigue et se féconde, Innombrable, sur nos routes d’en bas; Comme là haut, par tas, En des pays de soie où voyagent des voiles Brille la fleur myriadaire des étoiles.
L’ordre nous éblouit, comme les feux, la cendre, Tout nous éclaire et nous paraît: flambeau; Nos plus simples mots ont un sens si beau Que nous les répétons pour les sans cesse entendre.
Nous sommes les victorieux sublimes Qui conquérons l’éternité, Sans nul orgueil et sans songer au temps minime: Et notre amour nous semble avoir toujours été.
Pour que rien de nous deux n’échappe à notre étreinte, Si profonde qu’elle en est sainte Et qu’à travers le corps même, l’amour soit clair, Nous descendons ensemble au jardin de ta chair.
Tes seins sont là, ainsi que des offrandes, Et tes deux mains me sont tendues; Et rien ne vaut la naïve provende Des paroles dites et entendues.
L’ombre des rameaux blancs voyage Parmi ta gorge et ton visage Et tes cheveux dénouent leur floraison, En guirlandes, sur les gazons.
La nuit est toute d’argent bleu, La nuit est un beau lit silencieux, La nuit douce, dont les brises vont, une à une, Effeuiller les grands lys dardés au clair de lune.
Bien que déjà, ce soir, L’automne Laisse aux sentes et aux orées, Comme des mains dorées, Lentes, les feuilles choir; Bien que déjà l’automne, Ce soir, avec ses bras de vent, Moissonne Sur les rosiers fervents, Les pétales et leur pâleur, Ne laissons rien de nos deux âmes Tomber soudain avec ces fleurs.