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Elle accéléra et fut bientôt de retour à Hedeby. Elle passa le pont à bas régime, se gara devant la maison des invités et retourna à pied chez Martin Vanger.

MIKAEL ÉTAIT TOUJOURS en train de se bagarrer avec les menottes. Ses mains étaient si engourdies qu'il n'arrivait pas à saisir la clé. Lisbeth ouvrit les menottes et le tint serré contre elle tandis que le sang se remettait à circuler dans ses mains.

— Martin ? demanda Mikael d'une voix rauque.

— Mort. Il est rentré de plein fouet à 150 kilomètres à l'heure dans un poids lourd à quelques kilomètres d'ici sur l'E4.

Mikael la fixa bêtement. Elle n'était partie que depuis quelques minutes.

— Il faut qu'on... appelle la police, croassa Mikael avant d'être saisi d'une violente quinte de toux.

— Pour quoi faire ? demanda Lisbeth Salander.

PENDANT DIX MINUTES ENCORE, Mikael fut incapable de se lever. Il resta assis par terre, nu et adossé au mur. Il se massa le cou et souleva la bouteille d'eau avec des doigts maladroits. Lisbeth attendit patiemment que sa sensibilité revienne. Elle en profita pour réfléchir.

— Habille-toi.

Elle utilisa le tee-shirt découpé de Mikael pour essuyer les empreintes digitales sur les menottes, le couteau et le club de golf. Elle prit la bouteille d'eau avec elle.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Habille-toi. Le jour est en train de se lever. Dépêche-toi.

Mikael se redressa sur des jambes flageolantes et réussit à enfiler son slip et son jean. Il glissa ses pieds dans les baskets. Lisbeth fourra ses chaussettes dans la poche de son blouson et l'arrêta.

— Tu as touché à quoi exactement ici dans la cave ?

Mikael regarda autour de lui. Il essaya de se rappeler. Finalement il dit qu'il n'avait rien touché à part la porte et les clés. Lisbeth trouva les clés dans la veste de Martin Vanger, qu'il avait étalée sur le dossier de la chaise. Elle essuya méticuleusement la poignée de la porte et l'interrupteur et éteignit. Elle guida Mikael en haut de l'escalier de la cave et lui demanda d'attendre dans le passage pendant qu'elle rangeait le club de golf à sa place. En revenant, elle lui tendit un tee-shirt sombre ayant appartenu à Martin Vanger.

— Enfile-le. Je ne veux pas que quelqu'un te voie en train de te balader torse nu cette nuit.

Mikael comprit qu'il était en état de choc. Lisbeth avait pris le commandement et il obéit à ses ordres sans discuter. Elle l'éloigna de la maison de Martin Vanger. Elle le tint sans arrêt serré contre elle. Dès qu'ils eurent franchi la porte de la maison de Mikael, elle se tourna vers lui.

— Si quelqu'un nous a vus et demande ce que nous faisions dehors cette nuit, sache que toi et moi nous avons fait une promenade nocturne jusqu'au promontoire où nous avons fait l'amour.

— Lisbeth, je ne peux pas...

— Maintenant, file sous la douche !

Elle l'aida à enlever ses vêtements et l'expédia dans la salle de bains. Puis elle mit en route le café et prépara rapidement une demi-douzaine de tartines épaisses avec du fromage, du pâté de foie et des cornichons. Elle était assise à la table de cuisine, plongée dans une réflexion intense, lorsque Mikael revint en boitillant. Elle examina les plaies et les éraflures visibles sur son corps. La courroie avait frotté et laissé une marque rouge sombre autour du cou, et le couteau avait laissé une entaille dans la peau sur le côté gauche du cou.

— Viens, dit-elle. Allonge-toi sur le lit.

Elle alla chercher des pansements et couvrit la plaie avec une compresse. Puis elle lui versa du café et lui tendit une tartine.

— Je n'ai pas faim, dit Mikael.

— Mange, commanda Lisbeth Salander en avalant elle-même une grosse bouchée de tartine au fromage.

Mikael ferma les yeux pendant quelques secondes. Puis il s'assit et mordit dans la tartine. Sa gorge le faisait à tel point souffrir qu'il réussit à peine à avaler.

— Laisse le café refroidir un peu. Allonge-toi sur le ventre.

Elle passa cinq minutes à lui masser le dos et faire pénétrer le Uniment. Ensuite elle le retourna et lui administra le même traitement sur le devant du corps.

— Tu vas avoir de sérieux hématomes pendant un bon bout de temps.

— Lisbeth, il faut qu'on appelle la police.

— Non, répondit-elle avec une telle détermination dans la voix que Mikael en resta les yeux écarquillés. Si tu appelles la police, je me tire. Je ne veux rien avoir à faire avec eux. Martin Vanger est mort. Il est mort dans un accident de voiture. Il était seul dans la voiture. Il y a des témoins. Laisse la police ou quelqu'un d'autre découvrir cette foutue chambre de torture. Toi et moi, nous ne savons rien, pas plus que tous les autres habitants du hameau.

— Pourquoi ?

Elle ignora sa question et continua de masser ses cuisses endolories.

— Lisbeth, mais c'est carrément impossible...

— Si tu continues à me faire chier, je te traîne dans l'antre de Martin et je t'enchaîne de nouveau.

Elle n'avait pas fini sa phrase que Mikael s'endormit, aussi soudainement que s'il s'était évanoui.

25

SAMEDI 12 JUILLET — LUNDI 14 JUILLET

MIKAEL SE RÉVEILLA en sursaut vers 5 heures du matin et se tripota le cou pour enlever la courroie. Lisbeth vint le rejoindre, lui tint les mains et le calma. Il ouvrit les yeux et posa sur elle un regard flou.

— Je ne savais pas que tu jouais au golf, marmonna-t-il en refermant les yeux. Elle resta auprès de lui pendant quelques minutes pour être sûre qu'il replongeait dans le sommeil. Du temps que Mikael avait dormi, Lisbeth était retournée à la cave de Martin Vanger pour inspecter les lieux du crime. A part les instruments de torture, elle avait mis la main sur une grande collection de magazines de pornographie violente et quantité de photos polaroïd collées dans des albums.

Il n'y avait pas de journal intime. En revanche, elle avait découvert deux classeurs A4 avec des photos d'identité et des notes sur des femmes écrites à la main. Elle avait emporté les classeurs dans un cabas en nylon, avec l'ordinateur portable de Martin Vanger qu'elle avait trouvé sur une petite table à l'étage. Mikael rendormi, Lisbeth continua à parcourir l'ordinateur et les classeurs de Martin Vanger. Il était plus de 6 heures du matin quand elle éteignit l'ordinateur. Elle alluma une cigarette et se mordit pensivement la lèvre inférieure.

Avec Mikael Blomkvist, elle avait entamé la chasse à ce qu'ils pensaient être un tueur en série du passé. Ils étaient tombés sur une tout autre histoire. Elle avait du mal à imaginer les horreurs qui avaient dû se dérouler dans la cave de Martin Vanger, au beau milieu de ce cadre idyllique et joliment ordonné.

Elle essayait de comprendre.

Martin Vanger avait tué des femmes depuis les années 1960, les quinze dernières années au rythme d'environ une ou deux victimes par an. La tuerie avait été si discrète et bien organisée que personne ne s'était même rendu compte qu'un tueur en série était en activité. Comment était-ce possible ?

Les classeurs donnaient une partie de la réponse.