Выбрать главу

Il se tut un long moment. Puis il hocha la tête aussi.

— Tant mieux. Dirch Frode se tourna vers Mikael. Et pour ce qui concerne l'offre de Henrik d'une compensation financière...

— Tu peux te la fourrer où je pense, dit Mikael. Dirch, je veux que tu t'en ailles maintenant. Je comprends ta situation, mais en ce moment je suis tellement en colère contre toi, contre Henrik et contre Harriet que si tu restes encore, on va se fâcher.

DIRCH FRODE RESTA assis à la table sans faire mine de se lever.

— Je ne peux pas partir encore, dit Dirch Frode. Je n'ai pas terminé. J'ai encore un message à livrer que tu ne vas pas aimer. Henrik insiste pour que je le dise ce soir. Tu pourras aller à l'hôpital l'écorcher demain si tu veux.

Mikael leva lentement la tête et fixa Dirch droit dans les yeux.

— Ceci est probablement la chose la plus difficile que j'aie eu à faire dans ma vie, dit Dirch Frode. Mais je crois qu'à présent seule une sincérité totale et toutes les cartes sur la table peuvent sauver la situation.

— Comment ça ?

— Quand Henrik t'a persuadé d'accepter ce boulot l'autre Noël, ni lui ni moi n'avons pensé que ça mènerait quelque part. C'était exactement comme il le disait — il voulait faire une dernière tentative. Il avait minutieusement examiné ta situation, en se basant beaucoup sur le rapport que Mlle Salander avait réalisé. Il a joué sur ton isolement, il t'a proposé une bonne rémunération et il a utilisé le bon appât.

— Wennerström, dit Mikael.

Frode hocha la tête.

— Vous avez bluffé ?

— Non.

Lisbeth Salander leva un sourcil intéressé.

— Henrik va remplir toutes ses promesses, dit Dirch Frode. Il va se prêter à une interview et il lancera publiquement une attaque frontale contre Wennerström. Tu auras tous les détails plus tard, mais en gros il se trouve que lorsque Hans-Erik Wennerström était associé au département financier du groupe Vanger, il a utilisé plusieurs millions de couronnes pour spéculer sur les devises. Ceci date de bien avant que les gains sur les devises soient devenus aussi phénoménaux. Il l'a fait sans y avoir droit et sans demander l'autorisation de la direction. Les affaires marchaient très mal et il s'est brusquement retrouvé avec un déficit de 7 millions de couronnes qu'il a tenté de couvrir en trafiquant la comptabilité d'une part, et d'autre part en spéculant encore davantage. Il a été démasqué et viré.

— Est-ce qu'il a réalisé des plus-values personnelles ?

— Oui, il a détourné environ un demi-million de couronnes, et le plus comique de l'histoire, si on peut dire, c'est que cette somme a servi à fonder le Wennerstroem Group. Nous avons des preuves de tout ceci. Tu peux utiliser cette information à ta guise et Henrik étayera publiquement tes affirmations. Mais...

— Mais cette information n'a pas la moindre valeur, dit Mikael en abattant sa main sur la table.

Dirch Frode hocha la tête.

— Ça s'est passé il y a trente ans et le chapitre est clos, dit Mikael.

— Tu auras la confirmation que Wennerström est un malfrat.

— Wennerström va pester que ce soit rendu public, mais ça ne lui fera pas plus de mal qu'un petit pois soufflé d'une sarbacane. Il haussera les épaules et brouillera les cartes en sortant un communiqué de presse disant que Henrik Vanger est un vieux croûton qui essaie de lui chercher des poux, puis il affirmera qu'en réalité il avait agi sur ordre de Henrik. Même s'il ne peut pas prouver son innocence, il saura balancer suffisamment de brouillard pour que l'histoire soit expédiée d'un haussement d'épaules.

Dirch Frode avait l'air sincèrement malheureux.

— Vous m'avez blousé, finit par dire Mikael.

— Mikael... ce n'était pas notre intention.

— Ma propre faute. Je cherchais des fétus de paille et j'aurais dû comprendre que c'en était un. Il éclata brusquement de rire, un rire sec. Henrik est un vieux requin. Il avait un produit à vendre et il m'a dit ce que j'avais envie d'entendre.

Mikael se leva et alla se mettre devant l'évier. Il se retourna vers Frode et résuma ses sentiments en peu de mots.

— Va-t'en.

— Mikael... je regrette que...

— Dirch. Fous le camp.

LISBETH SALANDER NE SAVAIT PAS si elle devait s'approcher de Mikael ou le laisser tranquille. Il résolut le problème pour elle en prenant soudain sa veste sans dire un mot et en claquant la porte derrière lui.

Pendant plus d'une heure, elle arpenta la cuisine dans un sens puis dans l'autre. Elle se sentait tellement mal à l'aise qu'elle débarrassa la table et fit la vaisselle — une tâche qu'autrement elle abandonnait à Mikael. Plusieurs fois elle alla guetter à la fenêtre. Pour finir, elle s'inquiéta tant qu'elle mit son blouson de cuir et sortit le chercher.

Elle se dirigea tout d'abord vers le port de plaisance, où des fenêtres étaient encore allumées, mais elle ne vit pas trace de Mikael. Elle suivit le sentier qui longeait l'eau, où ils avaient fait leurs promenades du soir. La maison de Martin Vanger était sombre et on sentait déjà qu'elle n'était plus habitée. Elle alla jusqu'au rocher du promontoire où Mikael et elle avaient l'habitude de s'asseoir, puis elle rentra à la maison. Il n'était toujours pas de retour.

Lisbeth alla voir du côté de l'église. Toujours pas de Mikael. Elle hésita un moment en se demandant ce qu'elle devait faire. Puis elle retourna à sa moto, prit une lampe de poche dans le casier sous la selle et repartit le long de l'eau. Il lui fallut un moment pour se faufiler sur le chemin à moitié envahi par la végétation, et encore plus de temps pour trouver le sentier qui menait à la cabane de Gottfried. Celle-ci surgit tout d'un coup de l'obscurité derrière quelques arbres alors qu'elle pouvait presque la toucher. Mikael n'était pas en vue sur la véranda et la porte était fermée à clé.

Elle allait reprendre le chemin du village quand elle s'arrêta, revint sur ses pas jusqu'au promontoire. Et soudain elle aperçut la silhouette de Mikael dans le noir, sur l'appontement où Harriet Vanger avait noyé son père. Elle poussa un soupir de soulagement.

Il l'entendit s'avancer sur les planches et il se retourna. Elle s'assit à côté de lui sans rien dire. Il finit par rompre le silence.

— Pardonne-moi. Il fallait absolument que je reste seul un moment.

— Je sais.

Elle alluma deux cigarettes et lui en tendit une. Mikael la regarda. Lisbeth Salander était la personne la plus asociale qu'il ait jamais rencontrée, celle qui ignorait chaque tentative de sa part de parler de choses personnelles et qui n'avait jamais accepté le moindre témoignage de sympathie. Elle lui avait sauvé la vie et maintenant elle était sortie en pleine nuit le chercher au milieu de nulle part. Il l'entoura de son bras.

— Je sais maintenant à combien on m'estime. Nous avons abandonné toutes ces femmes, dit-il. Ils vont étouffer toute l'histoire. Tout ce qu'il y a dans la cave de Martin va disparaître.

Lisbeth ne répondit pas.

— Erika avait raison, dit-il. J'aurais été plus utile si j'étais allé en Espagne coucher avec des Espagnoles pendant un mois pour revenir ensuite m'occuper de Wennerström. Maintenant j'ai perdu des mois pour rien.