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CONDAMNÉ EN JUSTICE, MIKAEL BLOMKVIST ABANDONNE MILLENIUM

Stockholm (TT). Le journaliste Mikael Blomkvist quitte le poste de gérant responsable de la publication du mensuel Millenium, annonce Erika Berger, directrice et actionnaire majoritaire.

Mikael Blomkvist quitte Millenium de son propre gré. Epuisé après la période dramatique qu'il vient de vivre, il a besoin de faire un break, dit Erika Berger qui reprend le rôle de gérante responsable de la publication.

Mikael Blomkvist fut l'un des fondateurs du mensuel Millenium en 1990. Erika Berger estime pour sa part que la prétendue affaire Wennerström ne devrait pas influer sur l'avenir du journal.

« La revue paraîtra normalement le mois prochain, ajoute Erika Berger. Mikael Blomkvist a beaucoup compté pour son développement, maintenant nous allons tourner la page.

Je considère l'affaire Wennerström comme une suite de circonstances malheureuses, et je déplore le désagrément causé à Hans-Erik Wennerström. »

Nous n'avons pu joindre Mikael Blomkvist pour obtenir son commentaire.

— Je trouve ça terrifiant, avait dit Erika après avoir envoyé par mail le communiqué de presse. La plupart des gens vont en tirer la conclusion que tu n'es qu'un crétin incompétent et moi une abominable salope qui saisit l'occasion de te tirer une balle dans le dos.

— Vu toutes les autres rumeurs en circulation, nos amis auront en tout cas quelque chose de nouveau à se mettre sous la dent, essaya de plaisanter Mikael. Ce qui ne fit pas rire Erika.

— Je n'ai pas de plan B, mais je crois qu'on est en train de commettre une erreur.

— C'est la seule solution, répliqua Mikael. Si le journal se casse la figure, tous nos efforts n'auront aucun sens. Tu sais que dès maintenant nous avons perdu de grosses recettes. Qu'est-ce que ça a donné, d'ailleurs, cette société informatique ?

Elle soupira.

— Tu parles. Ils nous ont annoncé ce matin qu'ils ne souhaitent pas mettre de pub dans le numéro de janvier.

— Et Wennerström est détenteur de pas mal de parts dans cette société-là. Il n'y a pas de hasard.

— Non, mais on peut courtiser d'autres annonceurs. Wennerström a beau être un grand ponte de la finance, il ne possède pas tout dans ce monde et nous aussi, nous avons des contacts.

Mikael serra Erika contre lui.

— Un jour, on épinglera Hans-Erik Wennerström à en faire trembler Wall Street. Mais pas aujourd'hui. Millenium doit sortir du champ de mines. Nous ne pouvons pas courir le risque de perdre la confiance que certains nous accordent.

— Je sais tout ça, mais moi j'apparais comme la sorcière de service et toi tu vas te retrouver dans une situation détestable si nous laissons croire qu'il y a rupture entre toi et moi.

— Ricky, tant que toi et moi, nous avons confiance l'un dans l'autre, nous avons une chance. Il nous faut naviguer à vue, et en ce moment l'heure a sonné de me retirer.

Elle reconnut, à contrecœur, qu'il y avait une triste logique dans ses conclusions.

4

LUNDI 23 DÉCEMBRE — JEUDI 26 DÉCEMBRE

ERIKA ÉTAIT RESTÉE chez Mikael Blomkvist pendant le weekend. Ils n'avaient pratiquement quitté le lit que pour aller aux toilettes et pour manger un morceau, mais ils n'avaient pas non plus passé leur temps à faire l'amour ; ils étaient aussi restés des heures l'un contre l'autre à discuter l'avenir et à peser des conséquences, des possibilités et des probabilités. A l'aube du lundi matin — on était à deux jours de Noël —, Erika avait embrassé Mikael, dit au revoir, « à un de ces jours », et était rentrée chez son mari.

Mikael commença son lundi en faisant la vaisselle et en mettant un peu d'ordre dans l'appartement, puis il se rendit à pied à la rédaction pour faire le ménage dans son bureau. Il n'avait aucunement l'intention de rompre avec le journal, mais il avait fini par convaincre Erika que pendant quelque temps il était important de séparer Mikael Blomkvist de Millenium. A partir de maintenant, il travaillerait depuis son appartement de Bellmansgatan.

Il était seul à la rédaction. On avait fermé pour Noël et les collaborateurs s'étaient envolés. Il était en train de trier des papiers et des bouquins pour remplir un carton quand le téléphone sonna.

— Je cherche à joindre Mikael Blomkvist, fit une voix inconnue mais pleine d'espoir à l'autre bout du fil.

— Moi-même.

— Je suis désolé de vous déranger à la veille de Noël. Je m'appelle Dirch Frode. Instinctivement, Mikael nota le nom et l'heure. Je suis avocat et je représente un client qui aimerait avoir un entretien avec vous.

— Eh bien, dites à votre client de m'appeler directement.

— Je veux dire, il voudrait vous rencontrer.

— OK, fixez un rendez-vous et envoyez-le-moi au bureau. Mais dépêchez-vous ; je suis en train de le vider, mon bureau.

— Mon client aimerait beaucoup que vous vous rendiez chez lui. Il habite à Hedestad — il faut trois petites heures en train.

Mikael arrêta de trier ses papiers. Les médias ont une capacité d'attirer les gens les plus fêlés, détenteurs des tuyaux les plus farfelus. Toutes les rédactions du monde reçoivent des appels de fanas d'ovnis, de graphologues, de scientologues, de paranoïaques et autres théoriciens du grand complot.

Un jour, Mikael avait écouté une conférence de l'écrivain Karl Alvar Nilsson organisée par l'Université populaire, c'était à l'occasion de l'anniversaire de l'assassinat d'Olof Palme. La conférence était parfaitement sérieuse et dans le public se trouvaient Lennart Bodström et d'autres vieux amis de Palme. Mais un tas de gens ordinaires étaient venus aussi. Et, parmi eux, une femme d'une quarantaine d'années qui s'était emparée du micro quand était venu l'instant incontournable des questions. Elle avait baissé la voix en un tout petit chuchotement. Rien que cela laissait augurer une suite intéressante et personne n'avait été spécialement surpris quand la femme commença son intervention en annonçant : Je sais qui a tué Olof Palme. Les intervenants sur l'estrade répondirent avec un soupçon d'ironie que, si madame possédait cette information hautement dramatique, il serait du plus grand intérêt qu'elle la communique à la commission d'enquête. Ce à quoi elle avait vivement répliqué dans un souffle à peine audible :« Je ne peux pas — c'est trop dangereux ! »

Mikael se demanda si ce Dirch Frode était aussi de ces prophètes qui entendaient révéler l'existence d'un hôpital psychiatrique top secret où la Sâpo procédait à des expériences de contrôle mental.

— Je n'effectue pas de visites à domicile, répondit-il sèchement.

— Dans ce cas, j'espère bien pouvoir vous convaincre de faire une exception. Mon client a plus de quatre-vingts ans et se rendre à Stockholm représente pour lui un voyage éprouvant. Si vous insistez, je suppose qu'on pourra trouver un arrangement, mais pour être tout à fait franc, il serait préférable que vous ayez la gentillesse de...