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— Salut, Super Blomkvist, dit-elle à haute voix. On dirait que tu te la joues un peu, non ?

VERS MIDI, LISBETH SALANDER alluma son iBook et ouvrit le programme de courriel Eudora. Elle ne tapa qu'une seule ligne éloquente :

[T'as le temps ?]

Elle signa Wasp et envoya son mail à l'adresse Plague_xyz_666@hotmail.com. Par précaution, elle passa par le programme de cryptage PGP.

Ensuite, elle enfila un jean noir, de grosses chaussures d'hiver, un col roulé chaud, un parka de marin sombre et des gants, un bonnet et un foulard du même jaune pâle. Elle ôta les anneaux de ses sourcils et de la narine, mit un rouge à lèvres rose pâle et s'examina dans le miroir de la salle de bains. Elle ressemblait à n'importe quel promeneur du dimanche et elle estimait que sa tenue était un camouflage de combat honnête pour une expédition derrière les lignes ennemies. Elle prit le métro de Zinkensdamm à Östermalmstorg, puis se dirigea à pied vers Strandvägen. Elle marcha dans l'allée centrale tout en lisant les numéros sur les immeubles. Presque arrivée au pont de Djurgården, elle s'arrêta et contempla la porte qu'elle cherchait. Elle traversa la rue et attendit à quelques mètres de l'entrée.

Elle constata que la plupart des gens qui se promenaient par ce temps frais du lendemain de Noël marchaient sur le quai, et que seules quelques rares personnes utilisaient le trottoir devant les immeubles.

Elle dut patienter près d'une demi-heure avant qu'une femme âgée avec une canne s'approche, venant de Djurgården. La femme s'arrêta et jeta un regard méfiant sur Salander, qui sourit aimablement et salua d'un mouvement poli de la nuque. La dame avec la canne lui rendit son bonjour et eut l'air d'essayer de se souvenir de la jeune femme. Salander lui tourna le dos et fit quelques pas pour s'éloigner de la porte, un peu comme si elle attendait quelqu'un en faisant les cent pas. Quand elle se retourna de nouveau, la dame avait atteint la porte et elle était en train de composer le code avec beaucoup d'application. Salander n'eut aucun mal à la voir taper 1260.

Salander attendit cinq minutes avant d'approcher de la porte. Quand elle eut pianoté le code, la serrure émit un clic. Elle ouvrit et regarda la cage d'escalier. Dans le hall d'entrée, il y avait une caméra de surveillance, elle y jeta un coup d'œil puis l'ignora ; le modèle, vendu par Milton Security, n'était activé qu'en cas d'alerte d'effraction ou d'attaque dans l'immeuble. Au fond, à gauche derrière un ascenseur antique, il y avait une autre porte avec un digicode ; elle testa 1260 et constata que la combinaison valable pour la porte d'entrée l'était aussi pour la porte d'accès à la cave et au local des poubelles. Quelle négligence ! Elle consacra exactement trois minutes à examiner la cave, où elle repéra une buanderie non fermée à clé et un local de tri des déchets. Ensuite elle utilisa un jeu de passes qu'elle avait « emprunté » à l'expert serrurier de Milton pour ouvrir une porte fermée à clé qui donnait sur ce qui semblait être un local pour des réunions de la copropriété. Tout au fond de la cave, il y avait un local de bricolage. Finalement elle trouva ce qu'elle cherchait — un réduit qui faisait office de central électrique de l'immeuble. Elle examina les compteurs, les boîtiers de fusibles et les boîtes de dérivation, puis elle sortit un appareil photo digital, un Canon, de la taille d'un paquet de cigarettes. Elle prit trois photos de ce qui l'intéressait.

En sortant, elle donna au tableau près de l'ascenseur un coup d'œil furtif et lut le nom du dernier étage. Wennerström.

Puis elle quitta l'immeuble et marcha d'un pas vif jusqu'au Musée national, où elle entra dans la cafétéria pour se réchauffer et boire un café. Une demi-heure plus tard, elle retourna à Söder et monta dans son appartement.

Elle avait reçu une réponse de Plague_xyz_666@hotmail.com. Elle la décrypta en PGP, la réponse laconique formait simplement le nombre 20.

6

JEUDI 26 DÉCEMBRE

LE DÉLAI DE TRENTE MINUTES fixé par Mikael Blomkvist était déjà largement dépassé. Il était 16 h 30 et il ne fallait plus songer au train de l'après-midi. Par contre, Mikael avait encore la possibilité d'attraper le train du soir à 21 h 30. Debout devant la fenêtre, il se massait la nuque tout en contemplant la façade éclairée de l'église de l'autre côté du pont. Henrik Vanger lui avait montré un album de coupures de presse, avec des articles sur l'événement aussi bien dans les journaux locaux que dans les médias nationaux. L'intérêt des médias avait été relativement fort pendant un moment — la fille d'une célèbre famille industrielle disparue sans laisser de traces, ça marquait. Mais comme on n'avait pas trouvé de corps et que les investigations semblaient patiner, l'intérêt avait fini par décroître peu à peu. Bien qu'une illustre famille industrielle y soit associée, le cas Harriet Vanger était une histoire oubliée plus de trente-six ans plus tard. La théorie prépondérante dans les articles de la fin des années 1960 semblait être qu'elle s'était noyée et avait été entraînée au large — une tragédie, mais qui pouvait frapper n'importe quelle famille.

Fort curieusement, Mikael avait été fasciné par le récit du vieil homme, mais lorsque Henrik Vanger avait demandé une pause pour se rendre aux toilettes, Mikael avait retrouvé son scepticisme. Le vieil homme n'était cependant pas encore arrivé au bout de son histoire, et Mikael avait fini par promettre de l'écouter jusqu'au bout.

— Et qu'est-ce qu'il lui est arrivé d'après toi ? demanda Mikael quand Henrik Vanger revint dans la pièce.

— Normalement, environ vingt-cinq personnes ont leur domicile permanent ici, mais à cause du rassemblement familial, il y avait une soixantaine de personnes sur l'île ce jour-là. Parmi elles, on peut plus ou moins en exclure entre vingt et vingt-cinq. Je crois que l'un de ceux qui restent — et de toute vraisemblance quelqu'un de la famille — a tué Harriet et s'est débarrassé du corps.

— J'ai une douzaine d'objections.

— Je t'écoute.

— Eh bien, l'une est évidemment que même si quelqu'un avait caché son corps, on aurait dû le retrouver si les recherches ont été aussi minutieuses que tu semblés le dire.

— Pour dire la vérité, les recherches ont été encore plus importantes que ce que j'ai raconté. Ce n'est que quand j'ai commencé à penser à Harriet comme une victime d'assassinat que j'ai réalisé que son corps avait pu disparaître d'autres façons. Je ne peux pas prouver ce que je vais dire, mais on reste dans les limites de ce qui est possible.

— D'accord, raconte.

— Harriet a disparu autour de 15 heures. Vers 14 h 55, le pasteur Otto Falk l'a vue, alors qu'il se précipitait sur les lieux de l'accident. A peu près au même moment est arrivé un photographe du journal local, qui dans l'heure qui suivit prit un grand nombre de photos du drame. Nous — c'est-à-dire la police — avons examiné les pellicules et nous avons constaté que Harriet n'apparaissait sur aucune photo ; en revanche on pouvait voir toutes les autres personnes du hameau sur au moins une photo, à part de tout jeunes enfants.