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Tout au fond, côté est de la route, habitait Gerda Vanger, veuve de Greger, un autre frère de Henrik, et son fils Alexander Vanger.

— Gerda est invalide, elle souffre de rhumatismes. Alexander a une petite part dans le groupe Vanger mais il possède également quelques affaires personnelles, entre autres des restaurants. Il passe en général plusieurs mois par an à la Barbade aux Antilles, il y a investi un peu d'argent dans le tourisme.

Entre la maison de Gerda et celle de Henrik Vanger se trouvaient deux petites maisons vides, utilisées pour loger différents membres de la famille en visite. De l'autre côté de la maison de Henrik, il y en avait une autre, qu'un ancien employé du groupe, à la retraite désormais, et son épouse avaient rachetée, mais le couple passait l'hiver en Espagne et la maison restait inhabitée.

Ils étaient maintenant revenus à la croisée des chemins et le petit tour était terminé. Le jour déclinait déjà. Mikael prit l'initiative.

— Henrik, je ne peux que répéter que nous nous lançons dans une entreprise qui ne donnera aucun résultat, mais je vais faire ce pour quoi j'ai été engagé. J'écrirai ton autobiographie et, comme tu me l'as demandé, je lirai tout le matériau sur Harriet Vanger avec autant de soin et d'attention que j'en serai capable. Je veux simplement que tu comprennes que je ne suis pas un détective privé, pour que tu ne places pas en moi des espoirs inconsidérés.

— Je ne m'attends à rien. Je te l'ai dit, je veux seulement que soit faite une dernière tentative pour trouver la vérité.

— Alors c'est parfait.

— Je me couche tôt, expliqua Henrik Vanger. Tu pourras me trouver à partir de l'heure du petit-déjeuner et tout au long de la journée. Je vais aménager une pièce de travail ici dont tu disposeras comme tu l'entends.

— Non merci. J'ai déjà une pièce de travail dans la maison des invités et c'est là que j'ai l'intention de travailler.

— Comme tu voudras.

— Quand j'aurai besoin de parler avec toi, nous le ferons dans ton cabinet de travail, mais je ne vais pas t'assommer de questions dès ce soir.

— Je comprends. Le vieil homme semblait d'une timidité trompeuse.

— Il va me falloir quelques semaines pour lire tous les dossiers. Nous travaillerons sur deux fronts. Nous nous verrons quelques heures par jour quand je t'interrogerai pour collecter du matériau pour ta biographie. Quand j'aurai des questions au sujet de Harriet que je voudrais discuter, je viendrai les discuter avec toi.

— Ça me semble raisonnable.

— Je vais travailler assez librement, je n'aurai pas d'horaires fixes.

— Tu t'organises comme tu veux.

— Tu n'as pas oublié que, dans quelques mois, je dois purger une peine de prison. Je ne sais pas encore quand j'y aurai droit, mais je ne vais pas faire appel. Ce qui signifie que ça se passera en cours d'année.

Henrik Vanger fronça les sourcils.

— C'est malencontreux. Il faudra qu'on trouve une solution l'heure venue. Tu pourrais demander un sursis.

— Si tout va bien et que j'aie suffisamment d'éléments concernant ta famille, je pourrai travailler en prison. Mais oublions ça pour l'instant. Autre chose : je suis toujours associé à Millenium et en ce moment c'est un journal en crise. S'il arrive quoi que ce soit qui exige ma présence à Stockholm, je serai obligé de lâcher ce que j'ai en cours ici pour m'y rendre.

— Je ne t'ai pas engagé comme esclave. Je veux que tu travailles de façon rationnelle et continue sur le boulot que je t'ai donné, mais il est évident que tu t'organises comme tu veux, tu travailles selon tes propres méthodes. Si tu as besoin de te libérer, tu le fais, mais si je me rends compte que tu négliges le travail, je considérerai que tu as rompu le contrat.

Mikael hocha la tête. Henrik Vanger regardait en direction du pont. L'homme était maigre et Mikael trouva tout à coup qu'il ressemblait à un épouvantail.

— Pour ce qui est de Millenium, nous devrions avoir un entretien au sujet de la crise pour voir si je peux être utile en quoi que ce soit.

— Le meilleur moyen que tu aies de m'être utile, c'est de me donner la tête de Wennerström dès aujourd'hui.

— Oh non, ce n'est pas dans mes intentions. Le vieil homme lança un regard sévère à Mikael. La seule raison pour laquelle tu as accepté ce travail, c'est parce que je t'ai promis de démasquer Wennerström. Si je te le livrais maintenant, tu pourrais être tenté de laisser tomber mon boulot. L'information, tu l'auras dans un an.

— Henrik, pardonne-moi de te le dire crûment, mais rien ne me dit que tu seras en vie dans un an.

Henrik Vanger soupira et regarda en direction du port de plaisance ati souàeux.

— Je comprends. Je vais parler avec Dirch Frode et nous verrons comment on peut arranger ça. Mais en ce qui concerne Millenium, je pourrais peut-être intervenir autrement. J'ai compris que le problème est celui des annonceurs qui se retirent.

Mikael hocha lentement la tête avant de répondre :

— Les annonceurs sont un problème immédiat, mais la crise est plus profonde. C'est un problème de confiance. Peu importe le nombre d'annonceurs que nous avons si les gens ne veulent pas acheter le journal.

— Je comprends bien. Mais moi, je suis toujours membre du conseil d'administration d'un groupe assez important, même s'il s'agit d'un membre passif. Nous aussi nous avons besoin de passer nos communications quelque part. Nous en discuterons plus tard. Veux-tu manger un morceau... ?

— Non. Je vais réinstaller chez moi, faire quelques courses et me familiariser avec les lieux. Demain j'irai à Hedestad acheter des vêtements d'hiver.

— Bonne idée.

— Je voudrais que tu déplaces les archives concernant Harriet chez moi.

— A manipuler...

— Avec la plus grande prudence — je m'en doute.

MIKAEL RETOURNA A LA MAISON des invités et il claquait des dents quand il fut à l'intérieur. Devant la fenêtre, un thermomètre indiquait moins quinze degrés, et il ne se souvenait pas d'avoir jamais été aussi frigorifié qu'après cette promenade d'à peine une demi-heure.

Il consacra l'heure suivante à son installation dans ce qui allait être son logis pour l'année à venir. Il sortit les vêtements de sa valise et les rangea dans l'armoire de la chambre. Articles de toilette dans le meuble de la salle de bains. Son deuxième bagage était une grosse valise sur roulettes ; il en sortit des livres, des CD et un lecteur de CD, des carnets de notes, un petit dictaphone Sanyo, un appareil photo numérique Minolta et divers autres objets qu'il avait jugés indispensables pour un exil d'un an.

Il rangea les livres et les CD dans la bibliothèque de la pièce de travail, à côté de deux classeurs contenant des documents relatifs à son enquête sur Hans-Erik Wennerström. Le matériau n'avait aucune valeur, mais il n'arrivait pas à s'en débarrasser. Ces deux classeurs, il fallait que d'une manière ou d'une autre ils se transforment en éléments déterminants pour la poursuite de sa carrière.

Pour finir, il ouvrit la sacoche et en sortit son iBook qu'il posa sur la table de travail. Puis il s'arrêta soudain et regarda partout dans la pièce, une expression de stupidité peinte sur la figure. De l'avantage de la vie à la campagne ! Il venait de se rendre compte qu'il n'y avait pas de prise pour le câble. Il n'avait même pas de prise téléphonique pour brancher un vieux modem.