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— Où est le problème ? Que Henrik Vanger m'ait contacté ou bien que j'aie accepté ? Dans le premier cas, je pense que cela regarde Henrik, dans le deuxième, c'est mon problème.

— Vous savez très bien ce que je veux dire. Je n'aime pas que des gens fouinent dans ma vie.

— Hé là, je ne vais pas fouiner dans votre vie. Pour le reste, il faudra que vous en discutiez avec Henrik.

Isabella Vanger leva soudain sa canne et frappa la poitrine de Mikael avec le pommeau. Un coup sans aucune violence, mais la surprise le fit reculer d'un pas.

— Tenez-vous à bonne distance de moi.

Isabella Vanger tourna les talons et poursuivit vers chez elle. Mikael resta cloué sur place, le visage figé comme s'il venait de rencontrer un personnage de BD en chair et en os. Tournant les yeux, il vit Henrik Vanger à la fenêtre de son cabinet de travail. Il tenait une tasse de café à la main qu'il leva avec ironie. Mikael écarta les mains en un geste d'impuissance, secoua la tête et reprit son chemin en direction du café Susanne.

LE SEUL VOYAGE QUE MIKAEL entreprit au cours du premier mois fut une excursion d'une journée au bord du lac Siljan. Il emprunta la Mercedes de Dirch Frode et roula dans un paysage enneigé pour aller passer un après-midi en compagnie du commissaire Gustaf Morell. Mikael avait essayé de se faire une idée de Morell en se basant sur l'impression émanant de l'enquête de police ; il trouva un vieillard diminué qui se déplaçait lentement et parlait encore plus lentement.

Sur un bloc-notes, Mikael avait griffonné une dizaine de questions, partant surtout d'idées qui lui étaient venues à l'esprit en lisant l'enquête. Morell fournit une réponse pédagogique à chaque question. Pour finir, Mikael rangea son bloc-notes et expliqua au commissaire en retraite que ces questions n'étaient qu'un prétexte pour venir le voir. Ce qu'il voulait en réalité, c'était bavarder avec lui et pouvoir poser la seule question d'importance : y avait-il quelque chose dans l'enquête qu'il n'avait pas couché sur papier — une réflexion ou une intuition qu'il pourrait lui communiquer ?

Morell, tout comme Henrik Vanger, ayant passé trente-six ans à réfléchir au mystère de la disparition de Harriet, Mikael s'était attendu à rencontrer une certaine réticence à l'égard du nouveau qui venait fouiner dans les fourrés où Morell s'était égaré. Morell, pourtant, n'affichait pas l'ombre d'une hostilité. Il bourra soigneusement sa pipe et craqua une allumette avant de répondre.

— Oh, bien sûr que j'ai des idées. Mais elles sont tellement vagues et fuyantes que je n'arrive pas très bien à les formuler.

— Qu'est-ce qui est arrivé à Harriet, selon vous ?

— Je crois qu'elle a été assassinée. Là-dessus, je suis d'accord avec Henrik. C'est la seule explication plausible. Mais nous n'avons jamais compris le motif. Je crois qu'elle a été tuée pour une raison précise — ce n'est l'œuvre ni d'un fou ni d'un violeur ou quelque chose comme ça. Si nous connaissions le motif, nous saurions qui l'a tuée.

Morell réfléchit un instant.

— Le meurtre a pu être commis à l'improviste. Je veux dire par là que quelqu'un a saisi l'occasion quand une possibilité s'est offerte dans le chaos occasionné par l'accident. L'assassin a caché le corps et l'a transporté plus tard, tandis que se déroulait la battue pour la retrouver.

— Dans ce cas, nous parlons de quelqu'un qui agit de sang-froid.

— Il y a un détail. Harriet est venue dans le cabinet de Henrik et a demandé à lui parler. Cela me semble un drôle de comportement — elle le savait débordé par tous les membres de la famille qui grouillaient de partout. Je crois que Harriet constituait une menace pour quelqu'un, qu'elle voulait raconter quelque chose à Henrik et que l'assassin a compris qu'elle allait... disons moucharder.

— Henrik était occupé avec quelques membres de la famille...

— Il y avait quatre personnes dans la pièce, en dehors de Henrik. Son frère Greger, le fils d'une cousine, un certain Magnus Sjögren, et il y avait les deux enfants de Harald Vanger, Birger et Cécilia. Mais cela ne signifie rien de spécial. Supposons que Harriet avait découvert que quelqu'un détournait de l'argent de l'entreprise — juste une hypothèse. Elle a pu garder cette info pendant des mois, voire en discuter plusieurs fois avec le quelqu'un en question. Elle a pu essayer de le faire chanter, ou elle a pu avoir pitié de lui sans savoir si elle devait le dénoncer ou pas. Elle a pu se décider brusquement et en informer l'assassin, qui, affolé, l'a supprimée.

— Vous parlez d'un « il ».

— D'un point de vue statistique, la plupart des assassins sont des hommes. Mais il est vrai que la famille Vanger comporte quelques bonnes femmes qui sont de véritables harpies.

— J'ai rencontré Isabella.

— Elle en fait partie. Mais il y en a d'autres. Cécilia Vanger peut être assez cassante. Avez-vous rencontré Sara Sjögren ? Mikael secoua la tête. C'est la fille de Sofia Vanger, l'une des cousines de Henrik. Une femme vraiment désagréable et dépourvue de scrupules, croyez-moi. Mais elle habitait à Malmö et pour autant que j'ai pu trouver, elle n'avait aucune raison d'éliminer Harriet.

— Hm hm.

— Le seul problème, c'est que nous avons beau tourner et retourner l'histoire, nous ne comprenons jamais le motif. Tout est là. Découvrons le motif et nous saurons ce qui s'est passé et qui est le responsable.

— Vous avez travaillé à fond sur ce cas. Y a-t-il une piste que vous n'ayez pas suivie ? Gustaf Morell gloussa.

— Eh non, Mikael. J'ai consacré un temps fou à l'affaire et je ne vois pas le moindre détail que je n'aie pas remonté aussi loin que possible. Même après que j'ai eu de l'avancement et que j'ai quitté Hedestad.

— Quitté ?

— Oui, je ne suis pas originaire de Hedestad. J'y étais stationné entre 1963 et 1968. Ensuite j'ai été nommé commissaire et j'ai rejoint la police de Gävle pour le restant de ma carrière. Mais même en poste à Gävle, j'ai continué à travailler sur la disparition de Harriet.

— Henrik Vanger ne vous a pas lâché, j'imagine.

— Oui, bien sûr, mais ce n'était pas pour ça. L'énigme Harriet me fascine encore aujourd'hui. Je veux dire... comprenez que tout flic a son propre mystère non résolu. Je me souviens que quand j'étais à Hedestad, mes collègues plus âgés parlaient du cas Rebecka en prenant le café. Il y avait en particulier un policier qui s'appelait Torstensson — il est mort depuis de nombreuses années — qui revenait année après année sur ce cas. Durant son temps libre et ses vacances. Quand c'était le calme plat côté voyous locaux, il sortait souvent les classeurs et se mettait à réfléchir.

— Là aussi, il s'agissait d'une fille disparue ?

Le commissaire Morell eut l'air surpris une seconde. Puis il sourit quand il comprit que Mikael cherchait une sorte de lien.

— Non, je ne l'ai pas mentionné pour cette raison. Je parle de l'âme d'un policier. Le cas Rebecka date de bien avant la naissance même de Harriet Vanger, et il est prescrit depuis longtemps. Dans les années 1940, une femme de Hedestad a été attaquée, violée et assassinée. Ça n'a rien d'inhabituel. Au cours de leur carrière, tous les policiers ont au moins une fois à élucider ce type d'événement, mais ce que je veux dire, c'est qu'il y a des cas qui s'incrustent et se glissent sous la peau des investigateurs. Cette fille a été tuée d'une façon particulièrement brutale. L'assassin l'avait ligotée et il lui a enfoncé la tête dans les braises d'une cheminée. Je ne sais pas combien de temps il a fallu à cette pauvre fille pour mourir, ni quelles douleurs elle a pu endurer.