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— Je te choque ?

— Non. Mais je ne sais pas si c'est une bonne idée. Je travaille pour ton oncle.

— Et je serai certainement la dernière à aller le lui dire. Mais à mon avis Henrik n'aurait probablement rien contre.

Elle se plaça à califourchon sur lui et l'embrassa sur la bouche. Ses cheveux étaient encore mouillés et elle sentait le shampooing. Il s'empêtra dans les boutons de sa chemise en flanelle puis la lui glissa sur les épaules. Elle ne s'était pas donné la peine de mettre de soutien-gorge. Elle se serra contre lui quand il embrassa ses seins.

MAÎTRE BJURMAN CONTOURNA la table et lui montra son relevé de compte — dont elle connaissait le solde jusqu'au dernier ôre mais dont elle ne pouvait plus disposer elle-même. Il se tenait derrière son dos. Soudain il se mit à masser la nuque de Lisbeth et laissa une main glisser pardessus l'épaule gauche et sur son sein. Il posa la main sur le sein droit et l'y laissa. Comme elle ne semblait pas protester, il serra le sein. Lisbeth Salander ne bougea pas d'un poil. Elle sentit son haleine dans la nuque et elle examina le coupe-papier sur le bureau ; elle pourrait facilement l'atteindre avec sa main libre.

Mais elle n'en fit rien. Une chose que Holger Palmgren lui avait apprise par cœur au cours des années, c'était que les actes impulsifs menaient tout droit aux emmerdes, et les emmerdes pouvaient avoir des conséquences désagréables. Elle n'entreprenait jamais rien sans au préalable considérer les conséquences.

Ce premier abus sexuel — qu'en termes juridiques on qualifiait d'abus sexuel et de pouvoir sur une personne dépendante, et qui théoriquement pouvait coûter jusqu'à deux ans de prison à Bjurman — ne dura que quelques brèves secondes. Mais il fut suffisant pour qu'une frontière soit irrémédiablement franchie. Lisbeth Salander le considéra comme une démonstration de force de la part d'une troupe ennemie — une manière de marquer qu'au-delà de leur relation juridique soigneusement définie, elle était à la merci de son bon vouloir, et sans armes. Quand leurs yeux se croisèrent quelques secondes plus tard, la bouche de Bjurman était ouverte et elle pouvait lire le désir sur son visage. Le visage de Salander ne trahit aucun sentiment.

Bjurman regagna son côté du bureau et s'assit dans son fauteuil de cuir confortable.

— Je ne peux pas te faire des chèques comme ça, fit-il soudain. Pourquoi est-ce que tu as besoin d'un ordinateur aussi cher ? Il y a des appareils bien meilleur marché sur lesquels tu peux jouer à tes jeux.

— Je veux pouvoir disposer de mon argent comme auparavant. Maître Bjurman lui jeta un regard plein de pitié.

— Ça, on verra plus tard. Il faut d'abord que tu apprennes à être sociable et à t'entendre avec les gens.

Le sourire de maître Bjurman aurait sans doute été un peu atténué s'il avait pu lire les pensées de Lisbeth derrière ses yeux inexpressifs.

— Je crois que toi et moi nous allons être de bons amis, dit Bjurman. Il faut qu'on puisse avoir confiance l'un dans l'autre.

Comme elle ne répondait pas, il devint plus explicite.

— Tu es une femme adulte maintenant, Lisbeth.

Elle fit oui de la tête.

— Viens ici, dit-il en tendant une main.

Lisbeth Salander posa le regard sur le coupe-papier pendant quelques secondes avant de se lever et de s'avancer vers lui. Conséquences. Il prit sa main et l'appuya contre son bas-ventre. Elle pouvait sentir son sexe à travers le pantalon en gabardine sombre.

— Si tu es gentille avec moi, je serai gentil avec toi, dit-il.

Il l'avait raide comme un bâton quand il posa l'autre main derrière sa nuque et la força à se mettre à genoux, le visage devant son bas-ventre.

— Tu as déjà fait ce genre de choses, n'est-ce pas ? dit-il en ouvrant sa braguette. Elle sentit qu'il venait de se laver avec de l'eau et du savon.

Lisbeth Salander tourna son visage sur le côté et essaya de se lever, mais il la tenait d'une main ferme. D'un point de vue force pure, elle ne pouvait pas se mesurer avec lui ; elle pesait 42 kilos contre ses 95. Il lui prit la tête à deux mains et tourna son visage de façon à la voir droit dans les yeux.

— Si tu es gentille avec moi, je serai gentil avec toi, répéta-t-il. Tu m'embêtes, et je peux te faire interner avec les fous pour le restant de ta vie. Ça te ferait plaisir ?

Elle ne répondit pas.

— Est-ce que ça te ferait plaisir ? répéta-t-il.

Elle secoua la tête.

Il attendit jusqu'à ce qu'elle baisse le regard, soumise, pensa-t-il. Puis il l'attira plus près de lui. Lisbeth Salander desserra les lèvres et le prit dans sa bouche. Il ne cessa de lui maintenir la nuque et de la presser violemment contre lui. Elle ne put empêcher le réflexe de mastication tout au long des dix minutes qu'il se déhancha ; quand enfin il éjacula, il la tenait tellement serrée qu'elle avait du mal à respirer.

Il la laissa utiliser un petit cabinet de toilette attenant à son bureau. Lisbeth Salander tremblait de tout son corps quand elle se lava le visage et essaya d'enlever les taches sur son pull. Elle mangea de son dentifrice pour enlever le goût. En revenant dans son cabinet de travail, elle le trouva installé comme si de rien n'était à son bureau, en train de feuilleter des papiers.

— Assieds-toi, Lisbeth, lui dit-il sans la regarder.

Elle s'assit. Finalement il tourna les yeux vers elle et sourit.

— Tu es adulte maintenant, n'est-ce pas, Lisbeth ?

Elle fit oui de la tête.

— Alors tu dois aussi être capable de jouer à des jeux d'adultes, dit-il comme s'il parlait à un enfant.

Elle ne répondit pas. Un petit pli se forma sur le front de Bjurman.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée que tu parles de nos jeux à quelqu'un d'autre. Réfléchis — qui te croirait ? Il y a des papiers qui attestent ton irresponsabilité. Comme elle ne répondait pas, il poursuivit : Ce serait ta parole contre la mienne. Laquelle pèserait le plus lourd, à ton avis ?

Il soupira devant son entêtement à ne pas répondre. Il fut soudain irrité de la voir assise là, muette, les yeux braqués sur lui — mais il se maîtrisa.

— On va devenir de bons amis, toi et moi, dit-il. Je trouve que tu t'es montrée sage en faisant appel à moi aujourd'hui. Tu pourras toujours t'adresser à moi.

— J'ai besoin de 10 000 couronnes pour mon ordinateur, dit-elle soudain à voix basse, comme si elle reprenait la conversation qu'ils avaient eue avant l'interruption.

Maître Bjurman haussa les sourcils. Quelle foutue dure à cuire. Elle est totalement barjo, ma parole. Il lui tendit le chèque qu'il avait préparé quand elle était au cabinet de toilette.C'est mieux qu'une pute ; elle se fait payer avec son propre argent ! Il lui adressa un sourire supérieur. Lisbeth Salander prit le chèque et s'en alla.

12

MERCREDI 19 FÉVRIER

SI LISBETH SALANDER avait été une citoyenne ordinaire, elle aurait selon toute vraisemblance appelé la police pour dénoncer le viol à l'instant même où elle quittait le bureau de maître Bjurman. Les hématomes sur sa nuque et son cou, ainsi que les taches de sperme comportant l'ADN de Bjurman sur son corps et ses vêtements auraient constitué des preuves matérielles lourdes. Même si maître Bjurman se dérobait en prétendant qu'elle était d'accord ou c'est elle qui m'a séduit ou c'est elle qui voulait me faire une fellation et autres affirmations qu'avancent systématiquement les violeurs, il s'était de toute façon rendu coupable de tant d'infractions contre le règlement des tutelles qu'on lui aurait immédiatement retiré le contrôle qu'il avait sur elle. Une dénonciation aurait probablement eu pour résultat que Lisbeth Salander aurait obtenu un véritable avocat, bien au courant des abus de pouvoir sur les femmes, ce qui à son tour aurait pu amener une discussion du cœur du problème — en l'occurrence sa mise sous tutelle. Depuis 1989, la notion de majeur incapable n'existe plus. Il existe deux degrés d'assistance — la gérance légale bénévole et la tutelle.