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— Non, bien sûr que non.

— Dans ce cas, pourquoi est-ce que vous insinuez que la crédibilité de Millenium diminuerait parce que nous aussi nous avons l'appui de financiers ?

Le reporter avait levé la main.

— D'accord, je retire ma question.

— Non. On ne la retire pas. Je veux que soit reproduit exactement ce que je viens de dire. Et vous pouvez ajouter que si Dagens Nyheter décide de focaliser plus particulièrement sur les entreprises Vanger, nous focaliserons un peu plus sur Bonniers.

Cela dit, il s'agissait bel et bien d'un dilemme éthique.

Mikael travaillait pour Henrik Vanger, qui à son tour se trouvait dans une position où il pouvait couler Millenium en un coup de crayon. Que se passerait-il si Mikael et Henrik Vanger se fâchaient pour une raison ou pour une autre ?

Et surtout : quel prix fixait-elle à sa propre crédibilité, et à quel moment passerait-elle de directrice indépendante à directrice corrompue ? Elle n'aimait ni les questions ni les réponses.

LISBETH SALANDER SE DÉCONNECTA du Net et ferma son PowerBook. Elle n'avait pas de boulot et elle avait faim. La première chose ne la troublait pas directement depuis qu'elle avait repris le contrôle de son compte en banque et que maître Bjurman avait pris le statut d'une vague gêne dans son passé. Elle remédia à la faim en se rendant dans la cuisine et en branchant la cafetière. Elle se prépara trois gros sandwiches avec du fromage, de la crème de poisson et un œuf archidur, son premier semblant de repas depuis de nombreuses heures. Elle dévora ses sandwiches nocturnes blottie dans le canapé du salon tout en se concentrant sur l'information qu'elle venait d'obtenir.

Dirch Frode de Hedestad l'avait engagée pour faire une enquête sur la personne de Mikael Blomkvist, qui avait été condamné à une peine de prison pour diffamation du financier Hans-Erik Wennerström. Quelques mois plus tard, Henrik Vanger, lui aussi de Hedestad, fait son entrée dans le CA de Millenium et prétend qu'il y a une conspiration destinée à démolir le journal. Tout ceci le jour même où Mikael Blomkvist commence à purger sa peine. Le plus fascinant : un article mineur datant d'il y a deux ans — « Les deux mains vides » — sur Hans-Erik Wennerström, qu'elle avait trouvé dans l'édition en ligne de Finansmagasinet Monopol. On pouvait y lire qu'il avait commencé son ascension de financier justement dans les entreprises Vanger à la fin des années 1960.

Pas besoin d'être un surdoué pour tirer la conclusion que les événements étaient liés d'une façon ou d'une autre. Il y avait anguille sous roche et Lisbeth Salander adorait la pêche à l'anguille. D'autant plus qu'elle n'avait rien d'autre à faire.

III

FUSIONS

16 mai au 14 juillet

En Suède, 13 % des femmes ont été victimes de violences sexuelles aggravées en dehors d'une relation sexuelle.

15

VENDREDI 16 MAI — SAMEDI 31 MAI

MIKAEL BLOMKVIST FUT LIBÉRÉ du centre de détention de Rullåker le vendredi 16 mai, deux mois après y avoir été incarcéré. Le jour où il s'était présenté à la maison d'arrêt, il avait déposé, sans trop y croire, une demande de réduction de peine. Il ne connut jamais les dessous techniques de sa libération, mais il imaginait un rapport avec le fait qu'il ne profitait jamais de ses permissions de weekend et que le centre de détention accueillait quarante-deux personnes alors que le nombre de places était de trente et une. Toujours est-il que le directeur de la prison — un homme d'une quarantaine d'années, ancien exilé polonais du nom de Peter Sarowsky, avec qui Mikael s'entendait très bien — signa une recommandation de réduction de peine.

La période passée à Rullåker avait été calme et agréable. L'établissement, selon la formule de Sarowsky, était une prison pour magouilleurs et conducteurs en état d'ivresse, pas pour de véritables criminels. Les routines quotidiennes rappelaient le fonctionnement d'une auberge de jeunesse. Ses quarante et un codétenus, dont la moitié étaient des immigrés de la deuxième génération, considéraient Mikael comme une sorte d'oiseau exotique — ce qu'il était effectivement. Il était le seul prisonnier dont on parlait à la télé, ce qui lui conféra une certaine importance, mais aucun de ses codétenus ne le considérait comme un criminel de poids.

Et le directeur de l'établissement pas plus que les autres. Dès le premier jour, Mikael fut convoqué pour un entretien où il se vit proposer différentes activités, une formation à Komvux ou des possibilités d'autres études, ainsi qu'une orientation professionnelle. Mikael répliqua qu'il ne ressentait pas un grand besoin d'insertion sociale, qu'il avait mené à bien ses études depuis des dizaines d'années et qu'il avait déjà un job. Par contre, il demanda l'autorisation de conserver son iBook dans sa cellule pour pouvoir continuer à travailler sur le livre qu'il était payé pour écrire. Sa requête fut tout de suite acceptée et Sarowsky fournit même une armoire à clé pour qu'il puisse laisser son ordinateur dans la cellule sans se le faire voler ou vandaliser. Le risque était cependant minime qu'un des détenus s'amuse à ce genre de choses — ils étendaient plutôt une main protectrice au-dessus de Mikael.

Ainsi Mikael passa-t-il deux mois relativement agréables à travailler environ six heures par jour sur la chronique de la famille Vanger, ne s'interrompant que pour quelques heures de ménage ou de récréation. Mikael et deux codétenus, dont un venait de Skövde et l'autre avait ses racines au Chili, avaient pour mission de nettoyer quotidiennement le gymnase du centre de détention. Récréation signifiait regarder la télé, jouer aux cartes ou faire de la muscu. Mikael découvrit qu'il ne se débrouillait pas trop mal au poker, mais il perdait régulièrement quelques pièces de 50 ôre par jour. Le règlement autorisait le jeu tant que la cagnotte ne dépassait pas 5 couronnes.

L'annonce de sa libération lui fut faite la veille, Sarowsky l'ayant convoqué dans son bureau pour lui offrir un schnaps. Le soir, Mikael rassemblait ses vêtements et ses carnets.

UNE FOIS LIBÉRÉ, Mikael se rendit directement à sa petite maison de Hedeby. En s'engageant sur le pont, il entendit un miaulement et il fit les derniers mètres accompagné par le chat roux, qui lui souhaitait la bienvenue en se frottant contre ses jambes.

— D'accord, entre, dit-il. Mais je n'ai pas eu le temps d'acheter de lait.

Il défit son bagage. Il avait l'impression de revenir de vacances et il découvrit que la compagnie de Sarowsky autant que des autres détenus lui manquait. Cela pouvait sembler bizarre, mais le séjour à Rullåker avait été agréable.

Sa libération était cependant intervenue de façon si inattendue qu'il n'avait prévenu personne.

Il était un peu plus de 18 heures. Il fila à Konsum acheter des produits de base avant la fermeture. Au retour, il appela Erika sur son portable, mais n'obtint que son répondeur annonçant que pour le moment elle n'était pas joignable. Il laissa un message proposant qu'ils se rappellent le lendemain.