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Puis il passa voir son employeur. Henrik lui-même ouvrit la porte et fut sidéré de voir Mikael.

— Tu t'es évadé ? s'exclama le vieil homme.

— Libération anticipée dans la légalité la plus parfaite.

— Ça, c'est une bonne surprise !

— Pour moi aussi. Je l'ai appris hier soir.

Ils se regardèrent pendant quelques secondes. Puis le vieil homme étonna Mikael en l'enlaçant et en le serrant fort dans ses bras.

— J'allais passer à table. Est-ce que tu veux te joindre à moi ?

Anna servit de l'omelette au lard, avec des airelles. Ils restèrent dans la salle à manger pendant près de deux heures. Mikael raconta jusqu'où il en était arrivé dans la chronique familiale et rendit compte des endroits où il y avait des trous et des lacunes. Ils ne parlèrent pas de Harriet Vanger, mais s'étendirent longuement sur Millenium.

— Nous avons eu trois réunions du CA. Mlle Berger et votre partenaire Christer Malm ont eu la délicatesse de convoquer deux des réunions ici, tandis que Dirch m'a représenté à une réunion à Stockholm. J'aurais vraiment aimé avoir quelques années de moins, je l'avoue, c'est trop éprouvant pour moi de me déplacer aussi loin. J'essaierai de descendre l'été prochain.

— Il me semble qu'ils peuvent sans problème faire les réunions ici, répondit Mikael. Et qu'est-ce que ça fait d'être sociétaire du journal ?

Henrik Vanger grimaça un sourire.

— C'est une des choses les plus amusantes qui me soient arrivées depuis des années, tu sais. J'ai regardé les finances et ça ne se présente pas trop mal. Je n'aurai pas à verser autant d'argent que je croyais — le gouffre entre recettes et dépenses est en train de diminuer.

— J'ai eu Erika au téléphone la semaine dernière. J'ai cru comprendre que le volet pub s'est consolidé. Henrik Vanger hocha la tête.

— La tendance est en train de s'inverser, mais ça prendra du temps. Au début, ce sont des sociétés du groupe Vanger qui ont acheté des pages pour soutenir. Mais deux anciens clients — un opérateur de téléphone et une agence de voyages — sont déjà de retour. Il afficha un large sourire. Nous menons aussi une campagne un peu plus personnalisée parmi les vieux ennemis de Wennerström. Et crois-moi, la liste est longue.

— As-tu eu des nouvelles de Wennerström ?

— Non, pas exactement. Mais nous avons laissé filtrer que Wennerström organise le boycott de Millenium. Du coup, les gens le trouvent mesquin. Il paraît qu'un journaliste de Dagens Nyheter lui a posé la question et s'est fait rembarrer.

— Tu te régales de tout ça.

— Ce n'est pas le mot juste. J'aurais dû faire ça il y a plusieurs années.

— Mais qu'est-ce qu'il y a entre toi et Wennerström ?

— N'essaie pas. Tu le sauras à la fin de l'année.

L'AIR VÉHICULAIT une agréable sensation de printemps. Lorsque Mikael quitta Henrik vers 21 heures, la nuit était tombée. Il hésita un instant. Puis il alla frapper à la porte de Cécilia Vanger.

Il n'était pas sûr de ce qu'il allait trouver. Cécilia ouvrit de grands yeux et eut tout de suite l'air gênée, mais elle le fit entrer dans le vestibule. Ils étaient aussi embarrassés l'un que l'autre. Elle aussi demanda s'il s'était évadé et il expliqua ce qu'il en était.

— Je voulais simplement venir te faire un petit coucou. Je te dérange ?

Elle évita son regard. Mikael se rendit tout de suite compte qu'elle n'était pas particulièrement heureuse de le voir.

— Non... non, entre. Tu veux du café ?

— Avec plaisir.

Il la suivit dans la cuisine. Elle lui tourna le dos pendant qu'elle versait de l'eau dans la cafetière. Mikael s'approcha d'elle et posa une main sur son épaule. Elle se figea.

— Cécilia, on dirait que tu n'as pas vraiment envie de m'offrir un café.

— Je ne t'attendais que dans un mois, dit-elle. Tu m'as prise au dépourvu.

Il la sentait mal à l'aise, il la fit pivoter pour la regarder dans les yeux. Ils se turent un bref instant. Elle refusait toujours de croiser son regard.

— Cécilia. Laisse tomber le café. Qu'est-ce qui ne va pas ?

Elle secoua la tête et respira à fond.

— Mikael, je veux que tu t'en ailles. Ne demande rien. Va-t'en simplement.

MIKAEL RENTRA EFFECTIVEMENT chez lui, mais resta indécis devant la grille du jardin. Plutôt que d'entrer, il se rendit au bord de l'eau à côté du pont et s'assit sur un rocher. Il alluma une cigarette en se demandant ce qui avait bien pu modifier si radicalement l'attitude de Cécilia Vanger vis-à-vis de lui.

A ce moment, il entendit un bruit de moteur et aperçut un grand bateau blanc entrer dans le chenal sous le pont. Quand le bateau passa à sa hauteur, Mikael vit que c'était Martin Vanger qui était à la barre, le regard à l'affût pour éviter d'éventuels hauts-fonds. Il s'agissait d'un yacht de croisière de douze mètres — un mastodonte impressionnant. Mikael se leva et suivit le sentier qui longeait l'eau. Il vit alors que plusieurs bateaux avaient déjà été mis à l'eau, amarrés à différents pontons, aussi bien des bateaux à moteur que des voiliers, en particulier plusieurs Pettersson et un IF qui se mit à tanguer après le passage du yacht. Il y avait aussi des bateaux plus gros et plus coûteux, dont un Hallberg-Rassy. L'été était de retour et Mikael put ainsi se faire une idée des moyens financiers des plaisanciers de Hedeby — Martin Vanger possédait sans conteste le bateau le plus gros et le plus cher du coin.

Il s'arrêta en bas de la maison de Cécilia et lorgna vers les fenêtres éclairées à l'étage. Puis il rentra chez lui se préparer du café. Il jeta un coup d'œil dans sa pièce de travail en attendant que le café soit prêt.

Avant de se présenter à la prison, il avait restitué la plus grande partie des archives de Henrik Vanger sur Harriet. Il lui avait paru sage de ne pas abandonner toute la documentation dans une maison inoccupée pendant une si longue période. A présent les étagères paraissaient vides. Tout ce qu'il lui restait de l'enquête était cinq des carnets de notes de Henrik Vanger qu'il avait emportés à Rullåker et qu'à ce stade il connaissait par cœur. Et, comme il pouvait le constater, un album de photos qu'il avait oublié sur l'étagère d'en haut.

Il le prit et retourna dans la cuisine. Il se versa du café, s'assit et commença à le feuilleter.

C'étaient les photos qui avaient été prises le jour où Harriet avait disparu. D'abord la dernière photo de Harriet, au défilé de la fête des Enfants à Hedestad. Suivaient cent quatre-vingts photos d'une extrême netteté de l'accident du camion-citerne sur le pont. Photo par photo, il avait examiné l'album à la loupe plusieurs fois. Là, il le feuilleta distraitement ; il savait qu'il n'y trouverait rien qui l'avancerait. Il se sentit brusquement dégoûté de l'énigme Harriet Vanger et referma l'album d'un coup sec.