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— Mais je ne sais rien, monsieur le directeur ! Rien de rien ! J’ai cessé d’avoir des rapports avec Proute depuis de nombreuses années. Je me bats, aidé de ma femme, pour vivre décemment. Nous sommes des gens plus que modestes qui triment pour essayer de rafistoler une vie gâchée par des bêtises de jeunesse.

Des larmes ruissellent sur ses tuméfiances ; le sel ne va pas calmer ses douleurs, espère ! Ça y est, il me fait pitié, l’artiste ! Son destin caca finit par m’émouvoir. Franchement, il a payé son dû, ce mulot hépatique ! S’il n’est pour rien dans ce bigntz — et je commence à sérieusement le penser —, je comprends sa décourageance.

Sa paumée se radine avec un plateau chargé de trois tasses.

Un pensionnaire à eux, qui pêche au leurre tracté, passe lesté de son attirail conçu pour la capture des vertébrés aquatiques.

— Qu’est-ce y v’s’est tarifé, m’sieur Paray ? demande-t-il en apercevant la frime sinistrée du beauf.

— Accident de vélomoteur, réponds-je en ses sept lieux et place de la Concorde.

— Faut se méfier du deux-roues ! avertit le destructeur de la faune marine, avec un bon sourire de vieux zob résolument dénué de pitié.

Je souffle sur ma tasse odorante. Me dis qu’une brève virée à Paris s’impose. Besoin de Mathias ; besoin de toute l’infrastructure de la Rousse ; besoin de retrouver Pinuche, de discuter avec Béru des avatars de sa famille honnie. Au fait, sait-il que sa Baleine s’est cassé une nageoire ?

— Comment va Berthe ? demandé-je à la surnommée Grabote.

Elle fait la moue :

— Pas des mieux. C’est une mauvaise fracture, le chirurgien cause de lui placer une broche.

Je me retiens de déclarer que la Gravosse adore les bijoux ; ma boutade pourrait sembler de mauvais goût.

CHAPITRE

Tu sais ce qu’on dit toujours ? Dieu propose et la sclérose en plaques dispose.

Comme je regagne la Corderie pour prendre congé de la douce Eve, au moment de traverser le hall, je sens quelque chose qui tente d’explorer mon trou du cul. Une prompte volte d’orthodoxe m’apprend que c’est un saint-bernard qui s’intéresse de cette manière appuyée à mes orifices naturels.

Une voix féminine exclame :

— Castor ! Veux-tu !

Je découvre, par-delà le chien, une femme si tellement ravissante de partout que, d’instinct, je cherche mes lunettes de soleil pour amortir les dégâts oculaires qui pourraient consécuter.

Magine une personne d’environ trente-cinq balais, brune, bronzée, avec des yeux d’or, des seins fabules accrochés à l’endroit où ils font le plus d’effet, des hanches à te couper l’envie d’aller visiter le Louvre, des jambes longues au modelé poustoufleur, le tout enveloppé dans une toilette paille et saumon qu’elle n’a pas dû acheter sur catalogue aux Dames de France.

Son rouge à lèvres ocré renforce le dessin d’une bouche qui m’inciterait à me rendre en marchant sur les genoux jusqu’à Saint-Claude pour qu’elle m’y fasse une pipe (d’écume).

La créature supra-naturelle questionne d’une voix prête à l’orgasme :

— Seriez-vous monsieur San-Antonio ?

— Oui, admets-je, mais ce n’est que provisoire car si vous me regardez encore trois minutes avec ces yeux-là, je ne serai plus qu’un primate en rut.

Elle a le sourire indulgent de quelqu’un qui est au courant de son charme opérant.

— Je suis Solange Genouillé, l’épouse du député, se présente-t-elle.

— Le délit de fuite ? complété-je.

— C’est cela, convient-elle tranquillement.

Cette fois, son clébard hume la brise suave provenant de mes génitoires.

— Serait-il envisageable que votre chihuahua me prodigue d’autres marques d’intérêt moins familières ? demandé-je.

Elle accentue son beau sourire radieux.

— Pardonnez-lui, c’est un chien de goût !

Oh ! ya yaille ! Où ça se dirige, tout ça ? C’est plus du rentre-dedans mais du viol à la tire !

— On peut parler dans un coin tranquille ? demande la députière.

Je désigne le salon meublé avec un goût exquis que je n’ai jusqu’alors rencontré que chez Levitan ou au B.H.V.

— Vous n’avez rien de plus intime à me proposer ? demande-t-elle en me filochant le dur à contrecœur.

— Ma chambre est occupée, plaidé-je.

— En ce cas…

Elle se met dans un fauteuil bas qui me livre illico une vue générale sur son slip de couleur tellement chair qu’elle n’en porte peut-être pas, après tout ?

— A ma visite, il y a trois mobiles, attaque-t-elle. Me constituer prisonnière après mon inqualifiable crime d’hier, vous apporter le vélomoteur qui devrait dédommager ma victime, et enfin faire la connaissance d’une célébrité policière dont la séduction est légendaire.

— Vous confondez séduction avec déduction, dis-je froidement ; il s’en faut d’une lettre.

Car, pour tout t’avouer, si j’apprécie le rentre-dedans d’une jolie polka, je déteste que celle-ci dépasse certaines limites.

Mais la ravageuse ne se tient pas pour battue. Je risque une deuxième œillée sur sa voie de passage grand trafic, ce qui me permet de m’assurer qu’elle porte bel et bien une culotte. Son toutou a renoncé à mes effluves corporels et s’est couché sur le tapis de basse laine pour chercher le sommeil entre ses deux pattes d’ours.

La Genouillé continue de me consommer du regard. Pas besoin d’être la chère Mme Claude pour savoir que cette personne doit représenter un coup étourdissant. Elle a tout pour elle (comme dit m’man) et le dispense largement ; j’aime la prodigalité. De toute évidence, elle est venue avec l’intention bien arrêtée de me vamper. Son Gambetta de noces et banquets a dû la tancer d’importance pour son délit aggravé. Un truc à lui chancetiquer sa carrière, au représentant du peuple souverain. Alors, soucieuse de me neutraliser bien à fond, elle cherche à me séduire, se disant qu’après avoir fêté mes vingt-quatre centimètres de chibrance longitudinale, elle sera tranquille, question conséquences.

— Vous savez, déclare la donzelle, je sens qu’on peut tout dire à un homme comme vous, aussi est-ce une confession pleine et entière que je viens vous faire.

— Je vous écoute.

— En préambule, je dirais que les mecs suroccupés, ayant leur carrière en point de mire, font des amants médiocres et des époux détestables.

Nous y sommes ! La Solange va me raconter son ramadan conjugal qui, de chatte lasse, l’a conduite à l’adultère.

— C’est une vérité connue, lui facilité-je l’affaire.

— Que fait une femme délaissée ?

— Ce que je vous soupçonne de faire, madame Genouillé.

— Exactement. Dotée d’un tempérament qu’on peut qualifier « de feu », je suis devenue amoureuse de l’amour.

— C’est effectivement une belle occupation.

— J’adore les initiatives hardies.

— Elles ont leur charme.

— Je vais vous faire un aveu : hier, lorsque cet accrochage s’est produit, il y avait un homme accroupi sous le tableau de bord de ma voiture. Il avait ôté ma jupe et mon slip et me pratiquait ce que les ouvrages médicaux nomment un cunnilingus et les gens du peuple une minette.

— Après lui s’il en reste ! laissé-je échapper dans la foulée.

Elle me virgule ce long regard que la génisse en son enclos attache au taureau désœuvré.

— Il en reste ! assure-t-elle d’une voix qui porte illico mon sang à quatre-vingt-dix degrés, ce qui est la température de l’angle droit, je te le rappelle.

Le saint-tristan-bernard bâille à gueule-que-veux-tu. Depuis que ces animaux ne font plus la contrebande d’alcool entre la France et l’Italie, je me demande un peu à quoi ils servent dans un apparte ou une bagnole.