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Alors je convoque mon subconscient pour une réunion au sommier (Béru dixit). Qu’est-ce qui, au cours de cette soirée, a produit un couac tout au fond de mon moi second ?

J’ai mis le pilotage automatique et ma tire m’a drivé, sans que je le voulusse, jusqu’à la rue de Rivoli. On dirait un fait exprès : me voilà devant l’Hôtel du Premier Consul (on se rappelle jamais les deux autres).

Je me range près de l’entrée de l’hôtel. Y pénètre derechef. Les touristes bataves sont allés planquer leur viande rose dans les torchons. L’éclairage à giornesque de naguère est maintenant réduit. Le hall est plein d’ombres. Les ascenseurs n’ascensionnent plus. Les fleurs des gros bouquets d’apparat s’étiolent gentiment dans leurs pots chinoisants. Le concierge est parti et, derrière le rade de la réception, t’as juste le sosie du bon Jean Carmet qui ligote Paris Turf avec anxiété, supputant une combinaison gagnante qui lui permettrait de venir ici en client.

Mes pas réverbérés par la vacuité des lieux l’arrachent à la vie édifiante de Chrysanthème IV que le pronostiqueur place en tête des gagnants possibles, demain, dans la troisième.

Je me présente à cet être exquis, plein d’urbanité et de vin rouge. Comme je lui ai montré mon ancienne brème de commissaire, c’est ce grade qu’il me donne.

Ça me rend joyce de retrouver ma casquette d’avant les promotions sociales. A trop grimper, on biche le vertigo.

Je lui explique que je suis venu plus tôt dans la soirée prendre des tuyaux sur un client de juillet.

— J’ai, ajouté-je-t-il, omis de m’informer auprès de votre collègue concierge si vous conserviez un certain temps les notes de vos clients.

Le nuiteux me considère comme si je lui parlais des ovaires de sa bourgeoise. Et puis une mise en place s’organise dans son usine à idées. Il a un tic qui lui fait repousser son râtelier en avant, du bout de la langue, pour, aussitôt, le réemboîter avec le dos de sa main.

— Je crois savoir que nous les archivons pendant un certain temps, déclare-me-t-il. Par exemple, vous dire si c’est cinq ou dix ans…

— Peu m’en chaut, assuré-je, je ne m’intéresse qu’à celles remontant au 27 juillet dernier. J’aimerais les consulter.

Le voilà qui effare davantage que si je sollicitais la permission de dessiner des moustaches à la tête de son nœud.

— Maintenant ! ! ! exclame le pauvret en ponctuant, tu l’auras remarqué, de trois points d’exclamation.

— Si par « maintenant » vous entendez « tout de suite », la réponse est « oui », mon cher ami.

— Mais je n’ai pas qualité pour fouiller les archives !

— Moi, si. C’est pourquoi je vous serais extrêmement reconnaissant de m’indiquer où elles se trouvent. Vous devez bien penser, que si je vous les réclame à une heure passée du matin, c’est pas pour revenir les consulter l’année où Noël tombe un 14 juillet.

Il est un tantisoit longuet à décider, mais comme je suis un garçon qui obtient généralement ce qu’il veut, il finit par me descendre dans un local où la bureautique empêche l’herbe de pousser.

Il m’y montre une série de casiers impressionnants dont il n’a pas les clés. Mais qu’à cela ne tienne : j’ai la mienne. Le compartiment qui m’intéresse est d’autant plus aisé à trouver qu’une fiche métallique annonce : 1990-…

J’extrais de ma soute (située près de ma zoute) mon ineffable sésame qui ouvre tout, y compris les huîtres. L’introduis dans la serrure en chaleur. Fornique.

Le tiroir sur glissière thérapeutique à conversion sextuple s’ouvre avec un léger soupir d’adolescente masturbée.

Le nuiteur n’en revient pas.

— C’est technique, murmure-t-il, vaincu.

— Et utile ! ajouté-je afin que notre échange ne prenne pas fin sur une connerie.

CHAPITRE

Tu me croiras si tu voudras, mais ça me fait plaisir de retrouver Oléron, si vivifiant et débonnaire. Les vacanciers y sont un peu prolos, certes, et même beaucoup, mais dans la vie t’as peu de choix. C’est soit la connerie bourgeoise, soit la connerie populacière, avec, de-çà et de-là, des pas trop cons aux défauts davantage élaborés. Se faire chier pour se faire chier, autant que ce soit à la bonne franquette, tu ne penses pas ?

Cette fois je me suis radiné en bagnole. Après mon initiative, au Premier Consul, je suis rentré à la maison. Mathias en écrasait des tonnes. M’man, vaincue par une longue veille, s’était endormie également. Comme il y avait un rai de lumière sous sa lourde, j’ai toqué, mais elle n’a pas répondu. Ayant entrouvert légèrement, j’ai constaté qu’elle dormait, la tête sur le côté, le souffle lent et régulier. J’ai eu un instant d’émotion rare, de celle qui te fait dire que ça valait quand même le coup qu’il y ait ce mélange d’oxygène et d’azote sur cette chierie de planète bleue.

Au bout de ma contemplation, j’ai éteint son chevet et suis parti sur la pointe des pinceaux.

Je me sentais rasséréné, confiant en l’avenir. C’est bon de se ravitailler en tendresse quelquefois, de faire son plein de super, à la débottade. Ce dont je venais d’emplir mon réservoir, c’était du plus fabule des carburants : l’amour. Après ça, je pouvais poursuivre ma putain de route mouvementée.

J’ai pas pioncé des masses, mais ferme ! Cinq plombes ont suffi à recharger mes batteries. J’avais les idées aussi nettes qu’une vue aérienne de la Beauce à l’époque des blés mûrs. Tout était parfaitement clair, géométrique, et baignait dans une luminosité enivrante.

Au réveil, y avait des croissants chauds au beurre et du cacao crémeux. Je comprends pas qu’on adore son grand fils unique et qu’on le trucide au cholestérol. Les mamans, je te jure, y a des moments où leurs chiares les font rouler sur la jante.

Je m’en suis engrangé un max. En partant de la cuisine, il me semblait quitter la table de mon pote Sciclounoff qui est incapable de te recevoir sans t’accroître la surcharge pondérale de deux kilos.

Tandis que je croissantais, m’man m’a raconté la mort de Mme Mongamin, notre ancienne femme de ménage qui grabatait dans un mouroir depuis lurette. Et puis un vol à main armée chez le bijoutier de la rue André Sarda ; et encore la fille aînée des Cubilot qui a accouché de jumeaux pendant son voyage de noces. La gazette du coin ! Faut se tenir au courant, c’est la moindre des choses, quand on fait partie d’une banlieue de bonne tenue.

Je l’écoutais d’un œil distrait. J’arrivais pas à me dépêtrer de l’affaire du beauf.

Après le petit dèje, je suis allé tubophoner au Noirpiot. Juste il décarrait de chez lui. Son petit « Carrefour Vavin » avait une grosse température, malgré la tisane de stupre veiné fleur que Ramadé avait mise dans son biberon.

— En désespoir de cause, vous devriez appeler un médecin, me suis-je permis de conseiller.

Il n’a rien répondu.

Ce grand primate bardé de licences préfère les grigris à la Faculté. Il dit que « c’est plus sûr ». Bon, chacun regarde l’heure à sa montre, hein ?

— Jéjé, ai-je abrupt, je t’ai demandé, cette nuit, d’enquêter sur les agissements de Marcel Proute depuis sa sortie de taule ; rectification, tu devras prendre la chose plus avant, c’est-à-dire au cambriolage accompagné de coups et blessures qu’il a opéré dans un laboratoire. Il me faut des précisions sur la nature du vol. On parle d’une « enveloppe jaune » ayant contenu des formules chimiques. Un peu bateau, tout ça. Il aurait été engagé et commandité par une dame mystérieuse qui, peut-être, a réapparu à Oléron en sa compagnie au moment de son assassinat. Si c’est bien la même, elle l’a contacté au début de l’affaire, dans un troquet de malfrats baptisé Bar des Aminches. Enquête également dans cet établissement, s’il existe toujours. Et si tu pouvais obtenir des infos sur sa vie au Canada, je tremperais mon slip de bonheur.