Pour te dire que la masure[10] du député Genouillé Maurice, dans la partie résidentieuse de Rochefort, c’est pas de la maisonnette de garde-barrière.
T’as vu jouer « Autant en emporte le ventre » ? Tu te rappelles la crèche coloniale de Scarlatine au Haras ? Ben ça, en plus abouti. Des champs, des bois, des grèves (sans grévistes), plus un domaine capable de reloger l’école de Saint-Cyr.
Naturliche, sitôt que je me pointe sur l’esplanade, le gros saint-bernard à la con vient me filer sa truffe d’une livre dans le bénouze ! Tu sais qu’il me cloque des complexes, cet animal ! Je décris une volte et lui place un coup de genou dans la physionomie. Sec ! Ça fait un bruit de contrebasse à cordes qui vient de choir.
Contrit, le sahara-bernard évacue ses quatre-vingt-cinq kilogrammes de barbaque ainsi que ses perversités en direction d’un massif de fleurs et l’arrose d’urgence. Pas grave : y a que la pisse de chienne qui désherbe.
Un gazouillis de converse féminine attire mon attention. J’avise, sur ma droite, un temple d’amour drapé de rosiers grimpants qui fait songer à un dessin de Peynet.
A travers les fleurs, j’aperçois mes deux gentilles dames sur un banc romantique en fer forgé, dans une posture gracieuse encore que relâchée. Solange Genouillé est assise à une extrémité du siège, tandis que sa « victime » s’y tient allongée, sa ravissante tête sur les genoux de l’hôtesse. L’une et l’autre portent un short très étroit et un chemisier dont les pans sont noués au-dessus de la taille, ce qui libère leurs ravissants ventres plats.
Je me retiens de bouger, voire de respirer, pour ne pas trahir ma présence. Dieu que ce tableau est plaisant ! Je voudrais pouvoir le lécher sans omettre le moindre centimètre carré. Une féerie. La châtelaine, puisqu’il ne faut pas toujours l’appeler par son nom, ce qui fastide à la longue, a dégrafé le corsage de sa jeune invitée et lui caresse délicatement la gorge (c’est commak qu’on appelle les loloches d’une ado dans le grand monde où je suis parfois invité). Eve ferme les yeux. Elle semble trouver ce massage mammaire intéressant. Dis : c’est l’aubaine. La pension est bonnarde. Bien mieux, que le campinge de la « Maugréance » où le vieux salingue cherchait à lui fourguer son brise-jet-verseur ! Elle a un succès monstre, la jolie fauvette. Les barbons, les petites dames frivoles, les policiers célèbres, tous tombent sous son charme ! M’est avis que, bientôt, c’est plus un Solex qu’elle se fera offrir, ma protégée, mais le chouette cabriolet Mercedes.
Mme Genouillé, plus souple qu’une Eliane (dirait Béru), se penche et parvient à lui donner un délicat baiser sur la bouche, qui semble être du goût de la gosseline. J’ai cru remarquer, au cours de ma prodigieuse vie sexuelle, que les initiatives homosexuelles chez les femmes sont la plupart du temps bien accueillies. Il te suffit d’embarquer deux frangines pour les retrouver tête-bêche (et tête-lèche) en moins de jouge. Tu cries « A table ! » et, dociles, elles s’y mettent. Chez les mecs, c’est un tantisoit plus duraille. Ils se gênent, comme on dit en Helvétie septentrionale. Physiologiquement, y a des implications que ne connaît pas la fumelle.
Donc, la châtelaine mignarde ma protégée, la baisotte, la glitouille, s’incline pour une caresse du médius en accent circonflexe sur le délicat bigornuche rose, lui glousse des embryons de mots, des soupirs pâmants, des inarticuleries qui flanquent le bâton de Guignol dans le bénoche de l’ami Sana. Je suppute que d’ici moins que pas longtemps, la coquine Solange va entraîner son invitée en une chambre tapissée de satin rose (ou bleu) pour la perpétrer plus amplement et, surtout, plus commodément.
Je souhaiterais fort participer à cette sauterie intime, mais doute d’y être admis en cette opulente demeure où un personnel qui ne se limite certainement pas à une femme de ménage portugaise, pleine de poils à jambes sur la gueule, doit exercer une surveillance vigileuse.
Voilà maintenant que l’énervée du frisé y va d’un doigt de cour. Pardon : de deux (médius et annulaire associés). Eve roucoule comme une volière pleine de tourterelles. Son hôtesse trouve d’aimables mots stimulateurs et frénétise des phalanges. L’adorable étudiante de Clermont-Ferrand se chope un panard en Chronopost qui est le fait de sa jeunesse. Ses douces roucouleries feraient mouiller l’os de seiche de ton canari.
J’entre dans le temple d’amour (qui n’a jamais aussi bien mérité son appellation) au moment où la châtelaine républicaine se pourlèche les doigts, à la manière de mon ami Bocuse quand il vérifie l’assaisonnement du homard thermidor à la confiture de groseille.
— C’est du produit de première fraîcheur ! assuré-je-t-il en insérant mon physique de théâtre dans l’ouverture.
Bondissement des deux polissonnes prises, non pas en faute car pour moi ce n’en est pas une, mais en flagrant délit de volupté ; sur leurs ravissants visages le feu passe au rouge. Leurs expressions atterrées me font honte. De quel droit leur gâché-je si charmant abandon ? Y a qu’un salaud de butor d’homme pour commettre pareil sacrilège ! Je cherche désespérément réparation à ma goujaterie. La trouve.
— Je ne résistais plus ! affirmé-je en déballant Astérix le Gaulois de l’asile temporaire que lui assurait mon Eminence cent pour cent coton.
Tu la verrais me glouper le pilon à aïoli, Solange ! Après sa mise en condition, mon braque représente une forme de salut, kif l’entrée en guerre des U.S.A. au cours de la Dernière. La façon qu’elle m’entonne, bien au-delà des molaires du fond ! Elle a la luette pas contrariante, Mme Genouillé, pour pouvoir se respirer un paf jusqu’aux bronches.
Sa prouesse fait l’admiration d’Eve qui considère l’exploit comme une qui voit se poser une escadrille de soucoupes volantes. C’est bien, je trouve, l’initiation par l’exemple. Elle constate ainsi que c’est possible, donc, elle aura à cœur de prendre la prouesse à son compte, doré de l’avant (Béru dixit).
Pas chien (ou si peu !), je me dis que la pauvre députière a droit elle aussi à sa part de panard homologué. Dans la conjoncture actuelle, compte tenu de l’exiguïté et de l’inconfort de cette espèce de grande cage fleurie, j’estime — et je pense que tu partageras mon avis — qu’il n’est qu’une vaillante levrette. Certes, comme il m’arrive de le répéter en Sorbonne, cette prise inconfortable, parce que soudarde, n’est pas à la portée du premier venu. Généralement, l’homme vieillissant la bannit de son répertoire, par crainte d’une interruption prolongée de l’image ; c’est pourquoi il convient d’en profiter avant les frimas. En tout cas, elle est du goût de ma partenaire qui, sitôt qu’elle a compris mon estimable dessein, se place dos à moi, inclinée à l’équerre, les bras noués aux épaules de l’exquise petite Eve dont l’éducation sexuelle va à pas de géant.
Nantie de ce support gracieux, Solange se prête admirablement à mon entreprise et ne tarde pas à hurler de plaisir, ce qui nous vaut la visite impromptue du jardinier.
C’est un mec à moustache qui ressemble au brave gonzier qui, à la téloche, t’apprend à greffer les artichauts et à faire du compost avec tes restes de caviar.
— Madame a besoin de quelque chose ? bégaie le manipuleur de nature avec un bon accent de la région.